Chronique Album
Date de sortie : 06.05.2016
Label : Stolen Recordings
Rédigé par
Simon Cordat, le 11 mai 2016
Souvent inconnu au bataillon, le grand pélican à lunettes s'envole de son groupe S.C.U.M pour travailler dans la solitude. Son premier album solo est là : il s'appelle Bloom Forever, et vous vous en rappellerez. L'auteur a fait son deuil : après avoir perdu sa compagne, cette sublime et raffinée musique révèle la douceur de la folk et la sérénité des seventies. Thomas s'est aidé des cordes vocales de Cam Avery (ndlr : bassiste chez Tame Impala) et des encouragements de son manager. Respirant joie et beauté, écoutez donc la façon que détient le musicien au cœur brisé à nous captiver.
Certainement parce qu'il a élevé à la musique de Beck (Hansen) et aux Pink Floyd, ses titres ont tous une histoire à raconter. Mais c'est déjà grâce cet état d'esprit que Cohen nous communique, celui de se sentir bien ; un souci musical qui se ressent par une ambiance générale rassurante. Le bal débute avec un Honeymoon, une ballade balancée d'accords magico-romantiques planants : un saxophone soliste couronne le tout avant que les guitares noisy prennent le relais dans une fin apocalyptique. D'ailleurs, Bloom Forever, le titre éponyme, jouit de cette même production aux petits oignons. En effet, les compositions fournies en arrangements servent la musique de Cohen pour constituer une unité tout à fait cohérente. Morning Fall fait partie des pierres précieuses du disque : un rythme joyeux, des guitares claires omniprésentes. Le coup de grâce ? Cette voix mélancolique voire blasée qui tisse un lien fort dans l'exaltation que procure la pureté de la musique : quelque chose entre le réel et l'imaginaire lors des passages instrumentaux nous enveloppe avec facilité.
C'est une recette fréquemment utilisée la plupart du temps, mais si ça fonctionne bien à chaque fois, pourquoi s'en priver lorsqu'on écoute l'entraînant refrain de Hazy Shades ? Les insolants passages rock sont tout de même de la partie, en virevoltant de façon intermittente à travers les morceaux cités précédemment. Country Home dévoile les sentiments du chanteur : « my love is gone, turning so cold » ; un hommage folk d'une puissante honnêteté envers sa défunte femme qui ne met pourtant pas mal à l'aise puisque la musique passe au dessus des mots. La suite logique à ce tournant plus pop en milieu de voyage est le très bon Ain't Gonna Be No Rain : plus mordant et engagé, c'est le genre de titre qui vous dit de ne rien laisser tomber face au plus dramatique. Après la pop-psychédélique de New Morning Comes qui apporte un autre gracieux visage au contenu, l'avant-dernière piste, la triste Only Us, questionne et nous fait imaginer le bouleversement subit par Cohen. C'est sans nul doute que Mother Mary termine Bloom Forever dans ce même caractère. Le violent retour à la réalité est perceptible dans les paroles « Backing to Myself /I Try to say goodbye ». Mais c'est la rafale de cette fin de chanson qui chamboule tout dans un chaos psychédélique fait de synthétiseurs surpuissants, jusqu'à l'essoufflement total et réverbéré. Le silence expressif qui vous entoure à ce moment peut-être considéré comme partie intégrante du disque et peut devenir très imagé, à l'instar de tout ce que l'on vient d'écouter.
Pour ce disque écrit en quatre ans de réflexion, d'isolement et certainement dans une humeur dépressive, Thomas Cohen a eu le sens du travail bien fait et use la transmission de sensibilité pour nous surprendre et nous convaincre ; d'ailleurs, il n'en faut pas plus pour se rendre compte que les arrangements et les compositions sont agréablement menés dans un champ post-folk susceptible d'explorer horizons et conscience.