Chronique Album
Date de sortie : 14.09.2018
Label : Parlophone
Rédigé par
Yann Guillo, le 14 septembre 2018
Le Modfather est de retour ! A vrai dire, il n'était pas parti depuis bien longtemps...
Car Paul Weller est un songwriter à la productivité sidérante, responsable d'une discographie prolifique. Son secret ? Sa capacité à se réinventer là où on ne l'attend pas. Passant du génial punk pop des Jam à la soul ultra stylisée de Style Council, puis du folk rock soul seventies de ses débuts solo à une expérimentation tout azimut depuis une dizaine d'année.
En 2006, alors qu'il commençait à tourner en rond dans sa précédente incarnation dad-rock, Paul Weller vira ainsi la quasi intégralité de son fidèle groupe pour s'entourer de nouveaux musiciens. Résultat ? Une série de cinq albums fourmillant d'idées et n'hésitant pas à explorer les limites de son inspiration. Le patchwork du double album 22 Dreams, le rock anguleux et futuriste de Sonic Kicks, le space-psych-rock de Saturn Patterns, la soul de A Kind Revolution...
Avec True Meanings, le Changing Man semble ouvrir, pour ses 60 ans, un nouveau chapitre de sa carrière. Coupée, l'électricité, le temps de ces quatorze chansons qui fleurent bon la campagne et la poésie anglaises. Finie, la production expérimentale de Simon Dine. C'est ici lui qui s'installe directement derrière les potards, enregistrant tout dans son propre studio du Sussex. Bienvenue, les collaborations et featurings avec des paroles écrites par Conor O'Brien de Villagers et Erland Cooper, un solo d'orgue de Rod Argent des Zombies et des interventions de Lucy Rose ou encore Tom Doyle.
Vocalement aussi, le Paul Weller de 2018 semble avoir trouver une nouvelle voie. Loin des éructations rock'n'roll et des envolées soul, Paul Weller brille dans un nouveau registre posé, magnifiant les graves et le voile de sa voix. True Meanings dévoile ainsi une pop pastorale orchestrée splendide. Les guitares acoustiques dominent les débats et sonnent superbement. Elles sont délicatement soutenues par des cordes, des pianos délicats, des batteries discrètes et des chœurs lointains... True Meanings a une superbe patine sonore, intime et chaleureuse.
L'album s'ouvre sur The Soul Searchers, une bossa mutante, arrangée avec cordes, piano électrique et solo d'orgue acide. Superbe. Aspects et Glide sont des ballades fragiles en picking comme seul savent les trousser James Skelly et The Coral. Movin On, What Would He Say et Mayfly se parent de cuivres pour des miniatures soul minimalistes rappelant les trésors du premier album de Michael Kiwanuka. Gravity et Come Along sont des valses acoustiques retro aux mélodies touchant au cœur, tandis que Old Castles est un shuffle devant autant à Van Morrison qu'à Pentangle. L'hommage Bowie copie le riff acoustique de la sublime Never Ending du mésestimé Ian Matthews, alors que sur Whishing Well c'est le Neil Young du Laurel Canyon qui s'invite à la table. Books fait intervenir du sitar et des chœurs féminins pour un délicat voyage en orient. Puis, les envolées orchestrales du cinématographique May Love Travel With You et de l'épique White Horses viennent finir de nous convaincre que nous sommes face à un des tous meilleurs albums solo du bonhomme.
Avec True Meanings, Paul Weller marque ainsi d'une pierre blanche sa discographie. Il hisse aussi à nouveau grand les voiles de son galion poétique pour poursuivre son voyage mercuriel aux confins du jazz, de la pop et de la soul. Avec une liberté et une grâce réservées aux plus courageux et nobles des bohémiens.