Paul Weller

Les périodes de confinement successives ont été chez plusieurs artistes source d'inspiration, reléguant les musiciens dans leurs studios/garages aménagés/chambres à coucher (pour les plus jeunes) afin de planter les graines de cette belle moisson d'albums que nous récoltons actuellement. Nous ayant déjà ensoleillé le début d'été dernier avec la petite perle mauve qu'est On Sunset, et s'étant résigné à ne pas partir en tournée sur ce dernier du fait de l'enlisement de la crise, Paul « Modfather » Weller n'a pas chômé en composant alors son Fat Pop (Volume 1).

Le titre semble ironique, voire un brin cynique car le terme « pop » peut être fortement déconsidéré tant par les critiques que par un certain public, mais ici que nenni. Il n'y a rien de gras ni d'indigeste dans cet album, et il s'agit bien de livrer douze morceaux de pop chatoyants aux multiples influences qui crantent encore plus Weller dans le panthéon des meilleurs auteurs compositeurs britanniques.


L'anglais raconte qu'il a laissé son imagination libre et ainsi, avec la simple utilisation de son téléphone, a posé les bases de ce nouveau disque d'une solidité incroyable. Pas de thématiques particulières, les douze titres sont tous des petits hymnes à la joie. S'agissant de la couleur musicale, Paul Weller rappelle son immense érudition tout en préservant tout du long cette guitare léchée issue de son patrimoine Jam-ien. Le choix est large et l'on sent que ce dernier s'est fait grandement plaisir.

Le titre d'intro Cosmic Fringes débute audacieusement avec une touche electro glam qui donne une teinte ultra moderne. Pèle-mêle, on retrouve des guitares chaudes et enveloppées de cuivres jazzy-cool sur True (en duo avec Lia Metcalfe de The Mysterines), des sonorités gospel aux chœurs puissants sur Cobweb/Connections, des envolées pop presque symphoniques aux teintes très 70s sur That Pleasure... La maitrise des genres de Paul Weller semble sans limite, ou bien est-ce simplement la preuve que cet artiste sait être à l'écoute de son temps en évoluant sans cesse mais jamais à contre-courant ?


Les titres le plus intéressants sont ceux qui sortent un peu de son ordinaire rock. L'efficace Fat Pop flirtant avec le hip-hop se voit doté d'un beat très groovy. Le funk n'est jamais loin avec Weller et Testify fait furieusement monter la température entre son saxo aguicheur et sa flûte traversière espiègle. Quelques délicates balades sont présentes : Glad Times se veut très sensuelle grâce à une orchestration riche faite de violons, de cuivres et d'un jeu de chant multi-couches qui appuie le tout. Le titre Still Glides The Stream clôt le disque sur une touche profonde, le piano est dominant et les violons rajoutent un côté solennel à ce morceau qui gagne en finesse avec les chœurs féminins.
Entre tout cela, le talent de compositeur pop de Paul Weller ne cesse de se confirmer à chaque morceau. On notera le duo sur Shades Of Blue avec sa fille Leah et on remercie les confinements successifs pour avoir mené à cette association.

On ne se douterait pas qu'il s'agit bel et bien d'un album de confinement. Pas de chutes exploitées ni de pièces rapportées d'anciens travaux (coucou à un autre Paul, celui adoubé par sa Majesté). Paul Weller nous démontre son talent de touche-à-tout et sa capacité à toujours rester « mod'erne ». Voilà un Fat Pop (Volume 1) qu'on attend avec impatience de déguster en 2022 sur scène en France en attendant, on l'imagine, un second volume.