Shaun Ryder

L'annonce d'un nouvel album de Shaun Ryder ne peut laisser totalement indifférent. D'abord par ce que l'homme représente, en tant que leader des Happy Mondays, et la place importante que le groupe a tenu au sein du mouvement du Madchester dans les années 90. Aussi parce que Shaun Ryder est définitivement un personnage à part, capable de s'éloigner du monde de la musique pour des entreprises plus ou moins farfelues sans que cela ne choque outre-mesure, comme par exemple la participation à de discutables shows de télé-réalité. De fait, un retour aux affaires musicales suscite forcément un intérêt particulier.

Disons-le d'emblée, ce Visits From Futures Technology ne doit pas vous faire attendre à retrouver l'ambiance déjantée des Happy Mondays, ou même quelque chose qui pourrait s'apparenter à Amateur Night In The Big Top, son dernier album solo daté de 2003. Il faut réellement faire le deuil de tout cela, si ce n'était déjà fait.
Il faut dire que Shaun Ryder est comme nous, il a pris de l'âge et il a changé. Irrémédiablement. Désormais bon père de famille, les fantaisies éthyliques ou chimiques sont un lointain passé. Si le gars ne peut s'empêcher de parler de drogues comme un vieux soldat se remémore les champs de bataille, écouter l'inoffensif Monster, ou le très décontracté Close The Damn, nous ramène au constat implacable que plus rien ne sera comme avant et qu'il est inutile de penser retrouver le frisson perdu de nos jeunes années.
Pourtant, on ne peut s'empêcher de se dire que ces deux titres sont d'une fraîcheur évidente et que ce bon vieux Shaun a encore des ressources pour nous présenter un album qui peut séduire. Bien sûr le chant est tout à fait approximatif, et le flow souvent totalement douteux (Straighten Me Up), mais l'ensemble tient par on ne sait quelle magie, grâce à la simple présence de l'artiste.

Alors bien sûr, il ne trompe personne quand il voudrait nous faire croire qu'il est encore un jeune homme rageux comme sur le psychotique Electric Scales. Malgré de bonnes intentions, on reste un peu sur notre faim. Ainsi Clubbing Rabbits révèle une bonne idée de départ, mais semble totalement vide de mordant à l'arrivée. À d'autres moments, il se passe des choses comme sur le premier single Mumbo Jumbo, parfaite chanson positive et estivale ou sur la paternelle et légère Popstars Daughter. Ce n'est peut-être pas un coup de maître, mais Shaun Ryder parvient à maintenir notre attention par des morceaux plutôt sucrés, parfois faciles, mais la plupart du temps assez efficaces.
Sur Turn The Air, Shaun Ryder se veut plus lucide sur ce qu'il est vraiment, et cette chanson ressemble à ce que l'homme est devenu. Cette petite balade inoffensive correspond à un artiste qui ne révolutionnera plus rien, mais qui garde l'intention de nous raconter des histoires, et espérer qu'elles nous touchent.

Car Shaun Ryder est heureux, et cet album est l'illustration de ce bien-être. L'idée est de transmettre de la joie, et le but est atteint si on prend la peine de passer outre les approximations sur bons nombres de morceaux. On prendra alors toute la mesure de ce que peuvent apporter des titres comme I Can't Stop Anytime ou l'électro pop Crazy Bitches.
Bien évidemment au final personne n'est dupe, et sans réelle surprise, Visits From Future Technology n'est pas un grand album. L'intérêt se situe certainement ailleurs lorsqu'on écoute la production d'un artiste qui fait un peu partie de notre passé, qui a nourri notre mémoire, et que l'on considère avec l'affection que l'on pourrait porter à un vieux frère.

Appréhender ce nouvel album en passant outre les souvenirs de la grandeur de cet homme et de son importance, c'est s'éviter tout sentiment de pitié ou de condescendance. C'est aussi apprécier les titres de cet album à leurs justes valeurs, comme les petits témoignages d'un homme qui n'a plus rien à prouver et qui veut juste partager un peu de bonheur et de bon temps. De ce côté le contrat est rempli.