MRCY

On avait quitté MRCY l'an dernier sur une impression aussi forte que prometteuse, celle d'un duo déjà maître de ses moyens, capable d'honorer les figures tutélaires de la soul tout en leur insufflant une élégance contemporaine à la Sault ou Anderson .Paak. Avec VOLUME 2, Kojo Degraft-Johnson et Barney Lister confirment qu'ils ne sont pas qu'un exercice de style rétro en haute définition, mais bel et bien un groupe en devenir, qui affine ses contours et ose de premières inflexions.

Les deux morceaux d'ouverture, Angels et Wanna Know (Ontario), prolongent fidèlement l'esthétique du premier volume, une soul lumineuse, rythmée mais posée, à la production analogique soignée et où la voix de Kojo fait des merveilles. On retrouve tout ce qui nous avait séduits sur VOLUME 1, et probablement de quoi enchanter les scènes où le groupe excelle. Pourtant, ces deux titres impeccables laissent poindre une légère frustration car certes le charme opère mais sans effet de surprise ni prise de risque.

Heureusement, Man vient très vite ouvrir une nouvelle voie. Sur des rythmiques afrobeat et un solo de flûte qui flirte avec le jazz, Kojo s'interroge sur les injonctions de la virilité contemporaine. Le morceau évoque Jungle, mais avec davantage de gravité dans le propos. Avec Sierra, MRCY ralentit le tempo pour une ballade en clair-obscur. Une guitare acoustique, une voix chaude et habitée et l'inspiration de Michael Kiwanuka affleure sans ostentation. Puis vient Flicker, sommet inattendu de ce VOLUME 2 avec son riff inspiré du highlife ghanéen, sa ligne de basse dansante et sa tension maîtrisée. Comme si les Young Fathers s'étaient soudain mis à sourire.

C'est dans la seconde moitié du disque que l'évolution se fait la plus nette. Wandering Attention, avec sa production plus moderne, ses lignes vocales tendues et son refrain imparable, dessine une soul moins nostalgique et plus ancrée dans le présent. Fear confirme cette inflexion, tout en maintenant une continuité émotionnelle. Quant à More Than You Are Now, sa guitare folk vient clore le disque sur une note apaisée, presque méditative.

MRCY n'ont pas encore renversé la table, et ce n'est d'ailleurs pas leur genre, mais avec VOLUME 2, ils élargissent leur palette, gagnent en profondeur et affirment une ambition artistique discrète mais réelle. Ces huit nouveaux titres s'écoutent avec plaisir, parfois avec émerveillement, et toujours avec cette impression que le meilleur reste à venir. La suite logique, désormais, sera l'épreuve du premier album. Avec un tel volume de jeu, on espère que MRCY ne se contenteront pas de creuser indéfiniment le même sillon, une soul à l'ancienne, certes exécutée avec brio, mais qui finirait par tourner en rond, ni de céder aux sirènes d'un virage grand public, aussi lucratif que fade. On attend d'eux qu'ils poursuivent ce qu'ils amorcent ici, une expansion sensible de leur univers ainsi qu'une tension plus marquée entre classicisme et audace.

Reste à voir s'ils oseront, pour de bon, aller chercher cette faille qui donne à une musique sa singularité.