Marsden & Richardson

La crise sanitaire que nous traversons depuis plusieurs longs mois maintenant met à mal la tenue des concerts, des festivals et tout ce qui fait vivre les acteurs qui gravitent autour de ces événements. À défaut, c'est cependant pour les artistes parfois l'occasion de réaliser des projets mis entre parenthèses ou rangés dans un tiroir en raison d'un calendrier trop chargé. À cet égard, on peut se demander dans quelle mesure Mary-Laura Carter nous aurait présenté son excellent album solo si l'emploi du temps de son groupe Blood Red Shoes n'avait pas été délesté de dates de concerts dans un monde d'avant sans COVID-19 et ses variants.

Cette obligation de repenser son activité artistique est d'ailleurs certainement ce qui permet à Russel Marsden et Emma Richardson de sortir le disque qui nous intéresse aujourd'hui. Si vous ne les remettez pas de prime abord, ces derniers sont les deux membres du groupe Band Of Skulls, respectivement guitariste/chanteur et bassiste/chanteuse de la formation qu'a quitté le batteur Matt Hayward il y a à peu près cinq ans. Band Of Skulls développent un rock bluesy plutôt gras et nerveux bien loin de ce que nous présentent aujourd'hui les deux comparses.

Car cet album sobrement intitulé Marsden & Richardson n'a absolument rien à voir avec tout ce que vous pourriez attendre si vous suivez Band Of Skulls. Les deux ont voulu profiter du temps pour livrer l'album qui sommeillait depuis, semble-t-il, trop longtemps en eux. Il a fallu repenser une approche musicale, redéfinir des contours et changer un paradigme établit depuis des années pour fonctionner réellement en duo.
Marsden & Richardson est donc le résultat de cette gestation. C'est un album personnel, intime et intimiste. Une sorte d'introspection douce et délicate. Car aucune des chansons ne hausse le ton, et on reste dans le chuchotement, et dans l'intériorisation, quand bien même la cadence se fait légèrement plus rythmée comme sur ce très agréable Oh Forgiveness.

Mais la plupart du temps, c'est le format de la balade qui est choisi par le duo pour s'exprimer. Il résulte des compositions comme Closer Together, Water, ou Sideways un côté cotonneux et suranné plutôt touchant. Parfois on déborde sur quelque chose qui a un léger arrière-goût de soul funk comme sur le refrain du très bon Beautiful Love. Ce genre de fulgurance fait passer le petit côté malaisant de certains morceaux comme Mama ou That's What Other People Do, trop frontaux et maladroits pour ne pas en devenir impudiques.

Ainsi, si vous êtes prêts à vous laisser bercer et emporter, difficile de ne pas être touchés par certains titres comme le très classieux Outsider, qui s'inscrivent dans un ensemble somme toute très uniforme. C'est d'ailleurs précisément là que le bât blesse finalement, car nonobstant l'efficacité émotionnelle de la plupart des petites pièces que composent Marsden et Richarsdson, on se retrouve vite submergé sous ce déluge incessant et brouillardeux de cordes du premier jusqu'au dernier morceau. Incapable de varier son effort, la répétition du schéma des balades duveteuses fini malheureusement par lasser, et le final Why Do You Have To Be So Beautiful devient vite irrespirable à tel point que l'on en attend la fin avec impatience.

À trop vouloir en faire, le duo ne parvient donc pas à convaincre totalement. C'est dommage, car les bonnes intentions de la démarche ne méritaient pas que le trait soit forcé à ce point. L'ensemble, noyé par cette orchestration qui se veut touchante, en devient parfois franchement lourde et agaçante.
Le déballage émotionnel est un exercice ardu, car les pièges sont nombreux. En premier lieu celui de vouloir réaliser un sans-faute qui pousse pourtant à l'irréparable. À mettre trop de cœur, à trop se livrer, cet album n'évite ces pièges qu'en de trop rares occasions. Disons qu'avec un nouvel album de Band Of Skulls, tout cela sera vite oublié.