Nous avions (re)découvert fin 2021 au travers de l'album Y In Dub la pièce culte revisitée de The Pop Group, formation issue de cette Angleterre punk et socialiste, fortement anticapitaliste car alors sous le joug de la « dame de fer » Madame Thatcher et avide de métissage, s'agissant particulièrement de culture et de musique.
Son leader Mark Stewart ne s'étant jamais catalogué comme « chanteur de », et donc agissant depuis quarante ans en réel électron libre, son CV affiche des compétences d'interprète-compositeur, producteur, artiste conceptuel et surtout représente une incroyable source d'inspirations pour ceux qui aujourd'hui en inspire eux même tant d'autres tels Nick Cave, Massive Attack ou Primal Scream.
Artiste charismatique agissant toujours dans l'ombre, Mark Stewart revient cette année avec un nouveau disque qui propose une série de collaborations atypiques par le choix des artistes et qui en dit long sur son incroyable érudition musicale.
Le tracklisting de VS (ndlr : « Versus », comme pour illustrer les alliances de chaque morceau) offre un aperçu des plus pointilleux sur l'éclectisme de Mark Stewart. Les titres baignant tous dans une base electro, ils sont pour chacun le fruit d'une association : figurent sur la liste des invités Stephen Mallinder et Eric Random, anciens camarades pionniers de la scène punk de la fin des années 70, Adrian Sherwood, producteur de renom et membre de The Maffia avec Stewart, le collectif Consolidated, figure de la scène alternative et activiste américaine de la fin des années 80 ou des musiciens plus énigmatiques tel le multi-instrumentaliste japonais KK Null ou le groupe concept Gun Nun, formé en partie par les américain d'Algiers. Avec une telle diversité de genres et d'origines, mais toujours suivant le fil conducteur d'une musicalité expérimentale et totalement déconstruite, Mark Stewart continue d'étonner et de tracer des chemins plutôt tortueux pour accéder à son univers.
Point commun entre toutes les pistes, la voix déformée mais reconnaissable de l'anglais qui déclame des bribes de discours de façon torturée comme il le faisait lors dans ses diatribes de l‘époque de The Pop Group. Points divergents : on passe des beats hip-hop de Rage Of Angels et Last Enemy au rock industriel de Cast No Shadows, tout en se perdant dans les longues boucles dystopiques de Cursed Child.
Le dub se fait puissant sur les chaotiques Ghost Of Love et New Error jusqu'à devenir totalement énigmatique sur le bien nommé __. Les racines punk et destroy reviennent sur All My Senses et le disque de se conclure sur Alpha, hommage à Lee « Scratch » Perry, collaborateur de longue date et grande source d'inspiration de Stewart tout au long de ses multiples projets.
Au final, VS, qui fera à n'en pas douter le bonheur de nombreux DJs pour leurs sets, est une nouvelle production aux angles anguleux et assez brute de décoffrage, mais sa production et ses mixes hautement soignés ne peuvent que capter l'attention de celles et ceux qui ont assez de curiosité intellectuelle pour sortir de leur zone de confort musicale, telle l'autrice de ses lignes. On en profitera au passage pour vivement recommander de se plonger dans l'éphémère mais intense discographie de The Pop Group afin d'y trouver une grille de lecture fort utile tout en prenant une leçon sur les authentiques racines du mouvement punk britannique.