GIRLS IN SYNTHESIS

Il est grand temps en cette mi-octobre aussi triste à la fenêtre que dans les titres des journaux de se vider la tête à grand coup de larsens dévastateurs avec le nouvel album The Rest Is Distraction du trio londonien Girls In Synthesis.

Pour celles et ceux qui découvrent ce nom à la lecture de ces quelques lignes, Girls In Synthesis ne sont pas des débutants sur la scène punk anglaise. Ces derniers se trouvent déjà armés d'une compilation de leurs premières œuvres entre 2016 et 2018 Pre/Post : A Collection 2016-2018 (un objet qui va se faire rare, avis aux fans de Discogs) et d'un premier album au nom digne d'une prédiction de Madame Soleil Now Here's An Echo From Your Future, apparu en 2020 lorsque que les consignes sanitaires tombaient à la pelle.

La brutalité de leur son ne rendait alors que plus dystopique cette vision de lendemains covidés mais permettait à nos oreilles de s'évader dans une petite apocalypse sonore qui laisser s'échapper dans nos salons confinés toutes les tensions du moment. S'ensuit en 2021 l'EP Shift In State, s'orientant alors vers une ambiance un brin plus maitrisée et tendant plus vers un post-punk très nerveux. Rien ne se perd alors et surtout pas le feu que mettent dans leurs titres courts et ultra exaltants John Linger à la basse, Jim Cubitt à la guitare et Nicole Pinto à la batterie.


Nous retrouvons en cette fin 2022 le groupe avec The Rest Is Distraction et onze shots de pure adrénaline. Ici, dès les premières secondes, et ce à chaque titre, aucune fioriture : tout démarre au quart de tour et une partie de ping-pong endiablée se déroule entre la surpuissance de la guitare, la lourdeur de la basse et l'incroyable rythme des fûts aux effets de chenille d'un tank qui écrase tout sur son passage. On retrouve chez Girls in Synthetis comme une pureté dans l'épaisseur de leur punk qui tire souvent vers l'expérimental grâce aux multiples distorsions et autres cadences arythmiques, mais le tout sans jamais tomber dans le bourrin sans âme.
Ici, le chant est habilement mené conjointement par le bassiste et le guitariste, microphones face à face en live, et tout en bon punk anglais qui se respecte, le disque vient ainsi commenter les noirceurs de la société british actuelle, de la politique extérieure calamiteuse dont nous ne pouvons que subir les conséquences actuellement jusqu'aux ravages causés par les troubles psychologiques encore trop fortement ignorés parmi toutes les couches de la population.


En résonnance, une atmosphère claustrophobe mais dont on aime à se nimber pour ainsi pourvoir exulter toute sa rage. Les références sont aussi nombreuses que prestigieuses à la première écoute : des premiers Killing Jokes aux Sex Pistols, en passant par les Clash, le plus inspirant de ces groupes peut se retrouver facilement dans l'opaque toile de jute que nous tissent Girls in Synthesis. Mais qui dit opacité ne dit pas impénétrabilité, loin de là. La facilité avec laquelle nous plongeons avidement dans les titres de The Rest Is Distraction, et la vitesse à laquelle défile l'écoute sans que nous ne ressentions de l'ennui est assez impressionnante pour ce type de gros son, pas toujours accessible au plus grand nombre.

Girls In Synthesis semblent faire l'unanimité en live, et il est fort dommageable que la France ne fasse pas encore partie de leur feuille de route dans la tournée hivernale qui pourtant les mène au Royaume-Uni, en Belgique et en Allemagne, entre autres. Restons optimistes et économisons un peu de cette énergie également pour les accueillir le moment venu.