Bibio

Stephen Wilkinson, producteur multi-instrumentiste plus connu sous le blaze de Bibio, revient avec son dixième album studio, sobrement intitulé BIB10. Vite étiqueté « Folktronica », ce genre un peu fourre-tout du début des années 2000 accolé à des artistes aussi divers que Four Tet, Goldfrapp ou Bat for Lashes, à cause de sa musique à base de guitares mélodiques modifiées électroniquement et de synthétiseurs vaporeux, Bibio n'a pourtant cessé depuis dix-sept ans d'explorer les genres musicaux, du hip-hop à la dream-pop, de l'IDM à l'indie rock. Adoubé dès ses débuts par Boards Of Canada, dont il reprendra d'ailleurs Kaini Industries issu de leur mythique album Music Has The Right To Children, c'est tout naturellement que l'anglais rejoignit l'écurie Warp Records en 2009 pour ne plus jamais la quitter, en devenant un des plus fidèles lieutenants et y sortir la même année son chef d'œuvre, Ambivalence Avenue.

Wilkinson présente BIB10 comme « son album le plus festif » et une « ode à la guitare dans toute sa diversité ». Si certains titres pourront effectivement vous faire shaker le booty en début de soirée, on vous conseille plutôt de rester sur un bon Rosalia pour mettre le feu au dancefloor lors de votre pendaison de crémaillère (avec ce coming-out, j'ai conscience de risquer ma place dans ces colonnes) car le travail de l'anglais demeure toujours aussi doux, subtile et mélancolique. En revanche BIB10, album chill et langoureux, sera le compagnon idéal de vos warm-up ou de vos toutes fins de soirées pour ceux qui seront « restés debout toute la nuit pour être chanceux ».

Premier single de cet opus, Off Goes The Light ouvre le bal avec sa pop rêveuse à la fois lascive et entrainante. On sent nettement l'influence des sonorités fin 70 – début 80 sur la plupart des titres de l'album. C'est particulièrement le cas avec Potion et Even More Excuses, petites perles de RnB rétros n'hésitant pas à dégainer le vocoder, comme si Prince s'était mis à la Vaporwave. Avec S.O.L on sort même la boule à facettes pour une virée disco-funk à base de piqués de guitares répétitifs et de petites cocottes à la Chic sublimées par le chant tout en groove d'Olivier St Louis. On reste dans le même esprit avec Cinnamom Cinematic et ses influences brésiliennes pour une irrésistible funky-bossa nova. Les années quatre-vingt hantent également Rain And Shine, Lost Somewhere et Fools, mais cette fois pour des chansons romantiques sur lesquelles Bibio se fait autant crooner que lover et qui donneraient envie de sortir son briquet si on n'était pas déjà passé à la cigarette électronique.

Comme souvent, Bibio sait surprendre son public et arpente sur BIB10 des chemins parfois inattendus, se réinventant tout en conservant sa pâte tellement identifiable. Mais que les fans de la première heure soient rassurés, ils seront sans aucun doute conquis par des titres comme Sharratt, ritournelle bucolique et instrumentale toute en légèreté ou A Sanctimonious Song, ballade folk lente et sombre mâtinée d'electronica, évoquant un Nick Drake revisité par Oneothrix Point Never ainsi que son pendant solaire Phonograph, évoquant tellement Sufjan Stevens qu'il donne envie de croquer à pleine dents dans un pêche juteuse sous le soleil estival italien.

Sans atteindre les sommets d'Ambivalence Avenue, qui semble appelé à rester à jamais l'Annapurna de sa discographie, Bibio signe avec ce dixième album une de ses plus belles réussites qu'on conseillera tout particulièrement aux amoureux de la guitare, aux geeks férus de trouvailles de productions inventives ainsi qu'à toutes les oreilles curieuses prêtes à suivre ce franc-tireur de la musique dans ses nouvelles aventures.