Chronique Album
Date de sortie : 13.01.2023
Label : AWAL
Rédigé par
Adonis Didier, le 6 janvier 2023
La nouvelle année. Des bases saines. Et comme l'a dit un jour un grand philosophe de Carmélide, autant tout cramer et repartir sur des bases saines. Une maxime que l'on pourrait facilement appliquer à WILDES, tant le temps fut long et la route pentue pour qu'enfin apparaisse à nos oreilles ce premier album, si attendu que tout le monde l'avait finalement oublié.
Retour en 2016, il y a sept ans donc, année lors de laquelle Ella Walker, a.k.a WILDES, sort son premier single intitulé Bare. Dans l'air du temps, subtil mélange d'Adèle et de Lorde, le succès est instantané, la presse musicale se l'arrache et compare son premier EP à du London Grammar et du Mazzy Star, pendant que certaines de ses chansons font les beaux jours de la série américaine Suits, laissant sa popularité s'accroître encore un peu plus et dépasser les frontières de l'île de Bretagne.
Sauf que nous sommes maintenant en 2020, le 17 janvier pour être exact, et WILDES sort « à peine » son deuxième EP, alors que s'annonce le conn*** de virus, et l'occasion de remettre gentiment sa vie en question à seulement vingt-trois ans. Des semaines passées à composer seule dans la petite ville de North Shields avant même le premier confinement, un producteur qui ne répond plus aux appels, et Ella retourne à West London, dans la demeure familiale, pour tout reprendre depuis le début. Tout reprendre artistiquement, mais aussi mentalement, et la jeune musicienne balance tout ce qu'elle ressent pêle-mêle dans la musique, composant chanson sur chanson, exorcisant relation toxique sur relation toxique. Une amoureuse, dont elle était prisonnière sans le savoir, mais aussi sa relation avec son ancien label, unilatéral et liberticide, trop pour une jeune femme devenue à son insu le petit pantin des velléités mercantiles du grand capital.
Sortie du confinement. Libérée, délivrée, et en studio, Ella Walker reçoit l'aide du musicien et producteur irlandais St Francis Hotel (la légende ne dit pas si elle l'a réservé sur booking), dont la personnalité va parfaitement se fondre dans la sienne, pour créer une dynamique qui semble être enfin la bonne. L'album sort finalement deux ans plus tard après quelques reports, pour un résultat qui, s'il ne change pas fondamentalement la personnalité musicale de WILDES, nous laisse entrevoir de nouveaux horizons artistiques, et un talent vocal de haute-volée.
Première chanson de Other Words Fail Me, Woman In Love nous surprend par une guitare bluesy et une lente procession à la rage contenue, les lourds coups de butoir de la grosse caisse renforçant le sentiment d'oppression et de marche au travail forcé sous un soleil de plomb. Une magnifique métaphore dans le style de PJ Harvey (ou King Hannah pour les plus jeunes), suivie d'une chanson nettement moins inattendue, Lightly, faisant ressurgir la WILDES à la voix puissante seule devant son piano que l'on connaissait jusque-là.
Balançant entre le naturel et l'aventure, on sent l'artiste en recherche de sa propre personne, alors que chaque chanson semble tenter quelque chose de différent. Far And Wide verse dans la pop touchante et trépidante, toujours avec justesse, Flames pousse dans la post-pop en nous rappelant d'assez loin le doux souvenir de Daughter, avant que Just Like You ne joue avec maestria le rôle du rayon de soleil d'un album à la teinte générale plutôt sombre. Un tout qui sait rester relativement cohérent, mais dont on peine tout de même à dégager un véritable style, et dont certains éléments finissent par lasser, que ce soit par manque d'inventivité ou d'intensité.
Ainsi, Restless ou Anytime semblent se contenter d'une formule relativement classique, magnifiquement produite, mais sans jamais réussir à mettre en avant ce qu'Ella Walker a vraiment dans les tripes, ni même à s'en prendre aux nôtres. Des chansons trop lisses heureusement compensées par Real Life et Enfant, versions plus variées et plus crues du même morphotype musical, le genre à faire dresser quelques poils pour peu que l'on soit sensible aux chanteuses à voix. L'album se termine sur la douce note qu'est True Love, agrémentée à la production et aux chœurs par The Flaming Lips, dont on sent fortement la patte, et très légèrement la composition. Une belle chanson qui donne envie d'y revenir, et un album qui donne lui aussi envie d'y revenir malgré ses quelques défauts et ses rares longueurs.
Au bout du compte, et n'oublions pas que ce n'est que son premier album, WILDES est une véritable artiste en devenir, qui, si elle n'a pas encore tout à fait trouvé sa voie, semble prendre une direction des plus prometteuses à même de nous offrir de futurs très grands albums. Et rien que pour ça, c'est déjà une bonne année qui s'annonce.