Ulrika Spacek

Il faut bien reconnaître qu'on se demandait si cela allait finir par arriver. Avec ses nombreux projets parallèles (Astrel K, FORMIKA...) Rhys Edwards allait-il relancer un jour Ulrika Spacek ? On avait eu un premier élément de réponse avec l'annonce d'un concert à venir au Manchester Psych Festival, mais l'annonce de la sortie du nouvel album du groupe a cette fois officialisé la situation et nous a pleinement ravis : Compact Trauma est leur troisième album sur le label Tough Love Records, cinq ans après l'EP Suggestive Listening paru à l'occasion du Record Store Day en 2018.

Première surprise après l'effleurement d'une corde de guitare qui se fait entendre au tout début de The Sheer Song, le morceau d'ouverture de l'album devient une forme assez invraisemblable de clics et d'électronique. Pendant une minute, on a du mal à comprendre dans quel univers on gravite. Est-ce un morceau d'Astrel K voire de FORMIKA ? Le doute est levé au bout d'une minute : la batterie, les guitares, la basse et la voix de Rhys Edwards nous emportent dans une mélodie terriblement addictive. La chanson va avoir diverses phases entre son entrée en la matière, sa mise en place jusqu'au torrent déversé telle une montée rageuse follement oppressante qui va se conclure dans une éjaculation sonore libératrice. Quel retour d'Ulrika Spacek ! Le décor est planté.

Pendant cinquante minutes, la formation va s'amuser à multiplier les revirements musicaux au cours des onze compositions de Concept Trauma, avec souvent un traitement sonore brut assez incroyable. Alors, certes, Accidental Momentary Blur ou Lounge Act sont moins soniques et ont une structure qui peu paraître plus équilibrée par rapport à l'ouverture de l'album. Cependant, rien n'est laissé au hasard, et ce besoin de remonter à la surface qui ressort dans ces deux morceaux fait sens tant la tension ou les univers dans lesquels le groupe nous entraîne peuvent s'avérer vertigineux.

It Will Come Sometime s'apparente également à un joyeux bordel sonore avec ses faux départs, des fausses directions et tout ce qui va avec. Comment ne pas penser à Sonic Youth par moment ? L'expérimentation ne sera pas aussi extrême que celles que les New Yorkais empruntaient par moment. A mi-chemin entre noisy, krautrock, pop et délicatesse (c'est dire !), les cinq minutes de Diskbenksrealism sont vraiment subtilement travaillées. La batterie et les sonorités qu'on lui donne sont époustouflants. L'univers glacial de If The Wheels Are Coming Off, The Wheels Are Coming Off, avec ses guitares brutes et terriblement crades est une belle démonstration de ce que le groupe a cherché à nous envoyer en pleine face.

Compact Trauma, la chanson, est une sorte de mouvement hypnotique et répétitif follement changeant où on sent profondément la détresse dans la voix de Rhys Edwards même si celle-ci est masquée dans l'orgie sonore produite par le groupe. Le monumental Stuck At The Door est un autre morceau digne d'une promenade dans un labyrinthe. Pendant onze minutes, le groupe croise les fantômes de Sonic Youth, Stereolab ou encore Twin Peaks (la série, pas le groupe), dont cinq ambiantes où se détache finalement cette sensation de se retrouver en apesanteur. No Design vient conclure de la plus belle manière l'album. Entre Tame Impala et Jamie xx, la bande à Rhys Edwards apaise notre aventure sonore, même si la rythmique finale vient nous rappeler que nous n'avons pas rêvé tout au long de ce voyage.

Ulrika Spacek reviennent donc avec un disque incroyablement réussi. Rempli de complexité, riche et déroutant, Concept Trauma est une expérience sonore folle. On n'imaginait pas être autant capté par cette profondeur qui passe par des phases aussi variées que la peur, la joie, la détresse ou encore l'espoir. Réussi de bout en bout, cet album est un indispensable de l'année 2023 dans lequel on aura plaisir à se replonger encore et encore.