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Ulrika Spacek

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 4 juillet 2017

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Fin avril dans un café éthique du 11ème arrondissement de Paris. Les cafés sont équitables et la quiche sans gluten. C'est là que les deux Rhys, Edwards et Williams, sirotent un jus végétal d'un vert presque douteux. Après avoir fait leurs armes au sein des groupes The Enigma Project et Tripwire, Rhys Edwards et Rhys Williams se retrouvent à Berlin et choisissent, en une soirée, de partir sur des bases nouvelles. Ce sera Ulrika Spacek qui, très vite, se retrouve sur le label Tough Love Records.

Marqués à vie par l'album OK Computer de Radiohead, Ulrika Spacek choisissent de se plonger dans le krautrock, le shoegazing et des méandres hallucinées qui, parfois, fricotent de près avec les délires contrôlées des australiens de Tame Impala. Avec Modern English Decoration, Ulrika Spacek décochent un deuxième album « arty » qui se vit comme un voyage introspectif en gravité zéro.

Le projet Ulrika Spacek est né en 2014, mais plusieurs membres du groupe avaient déjà évolué dans d'autres formations avant cela. Comment avez vous démarré votre carrière musicale et comment en êtes-vous venus à vous rencontrer pour créer Ulrika Spacek ?

Quelques uns d'entre nous ont eu la chance de fréquenter la même école, bien dotée en fonds de l'état et qui pouvait mettre l'accent sur l'éducation artistique. A contrario des autres écoles du quartier, nous avions accès à des instruments comme une batterie, quelques guitares électriques et leurs amplis. Pas en très bon état, soit, mais cela a suffit à alimenter notre imagination et nos envies de musiques. Nous avons gratté nos premières guitares vers l'âge de treize ans et c'est à cet âge là que nous avons commencé à jouer ensemble. A partir de là, il était évident que nous aurions besoin de musique et de jouer ensemble pour nous sentir bien.

D'où vient le nom du groupe, Ulrika Spacek ?

C'est typiquement le genre de nom que tu trouves lors d'une soirée arrosée et enfumée où tu cherches à faire des liens impossibles entre plusieurs influences culturelles ou historiques. C'est un croisement de noms propres entre Ulrike Meinhof (ndlr : Ulrike Marie Meinhof était la terroriste du groupe Allemand, Fraction Armée Rouge) et l'actrice Sissy Spacek (ndlr : Carrie de Brian de Palma). Il faut dire que nous étions alors à Berlin... Trois heures plus tard, Rhys et moi décidions de créer un groupe et de l'appeler Ulrika Spacek.

Nous voyons ces deux premiers disques comme « frère et soeur ».

Modern English Decoration est votre deuxième album après The Album Paranoia. Beaucoup d'artistes disent que le deuxième disque est souvent le plus difficile à mettre en route car une attente se crée auprès de vos fans. Combien de temps ont pris l'écriture et l'enregistrement de Modern English Decoration ?

Nous avons démarré l'écriture de ce disque immédiatement après la sortie de notre premier album, The Album Paranoia. C'était durant l'été 2015. Nous étions dans une période très créatrice et nous voulions profiter de cet élan. Pour nous, il n'y a pas eu de pression particulière à la mise en route de ce second opus. Nous voyons ces deux premiers disques comme « frère et soeur ».

Pourquoi l'avoir nommé Modern English Decoration ?

Je ne me souviens pas vraiment d'où vient cette phrase... Parfois, tu te réveilles avec des mots en tête. Nous avons ressenti ce nom comme la visualisation d'un intérieur anglais design un peu « cliché » et, considérant que nous travaillions alors dans un petit salon très bordélique, cela nous a fait sourire. Nous voulions appuyer sur les guitares « chimney » et le mot « décor » semblait parfaitement coller à la coloration sonore que nous envisagions. A un moment où le nationalisme grandit en Europe, nous trouvions nécessaire d'user du mot « english » dans un titre afin d'en faire un symbole plus positif.

Où s'est déroulé l'enregistrement ? Qui a produit Modern English Decoration ?

Nous avons produit nous-mêmes ce disque. Comme pour The Album Paranoia, c'est un projet très DIY. Si pour The Album Paranoia beaucoup de titres furent enregistrés dans notre chambre, pour Modern English Decoration, nous avons pas mal enregistré dans le salon (rires) ! Doucement, mais sûrement, le groupe se déploie dans cette maison (rires).

Pouvez vous nous parler de cette maison d'artistes, nommée KEN ?

C'est une maison victorienne avec terrasse. Trois d'entre nous vivent là en colocation avec un sculpteur qui est très compréhensif quant à nos répétitions et le bruit que nous faisons (rires). C'est merveilleux de pouvoir créer des titres et des disques dans cette maison. Nous n'avons aucune restriction financière – comme on pourrait l'avoir en studio – ou de temps. Cela nous permet de vivre nos créations 24h sur 24 et de travailler à n'importe quel moment du jour ou de la nuit.

Votre musique est souvent composée d'un ajout de calques sonores ; quelles sont vos méthodes de travail ? Démarrez vous un titre avec les textes ou avec une mélodie ?

Très souvent, la base vient d'une boîte à rythmes sur laquelle nous couchons des calques d'instruments, petit à petit. Nous ne sommes pas le genre de groupe à écrire un titre, le répéter puis l'enregistrer une fois qu'il est au point. Généralement nous enregistrons les quarante premières secondes, puis nous laissons reposer quelques semaines pour réfléchir à quelle direction donner au titre avant de revenir dessus. Mais, parfois nous sommes capables d'écrire un titre d'un seul trait. Il n'y a pas de règle.

A Berlin, je n'ai quasiment jamais écouté de groupes à guitares.

Vous avez passé pas mal de temps à Berlin. Qu'avez vous trouvé dans la culture berlinoise ? Une autre approche musicale ?

C'est une ville merveilleuse qui mériterait une résidence chaque année. Elle occupe une place très spéciale dans nos cœurs car c'est là-bas que tout a commencé pour nous. Rhys (Williams), que je n'avais pas vu depuis longtemps était venu me rendre visite à Berlin et nous y avons officiellement créé Ulrika Spacek, décidé de l'album et mis en place son artwork en quelques heures ou jours à peine. A Berlin, je n'ai quasiment jamais écouté de groupes à guitares. Il est difficile de ne pas plonger corps et âme dans la musique techno quand on vit à Berlin. Et, sûrement que la répétitivité et le coté hypnotique de ces musiques nous ont influencés pour l'écriture et de l'album et la structure des lignes de guitares.

Vos vidéo clips ainsi que les artworks sont souvent très recherchés. En tant qu'amateurs d'arts en général, êtes-vous impliqués dans leurs créations ?

Absolument. Nous créons nous mêmes tous nos clips et nos artworks. Ceci dit, nous sommes encore des « amateurs » et nous nous appuyons sur l'expérience et talents de vrais artistes graphiques. Par exemple, avec l'aide de Kyle Macfadzean qui est un artiste graphique très complet.

Quel est le futur proche pour Ulrika Spacek ?

Maintenant que Modern English Decoration est sorti, nous allons partir sur la route pour couvrir de nombreux festivals tout au long de l'été. Après cela, nous ferons une tournée en Angleterre et en Europe pour promouvoir le second album. Et, pour finir, et en exclusivité car ceci n'est pas encore annoncé, nous repartirons sur la route pour assurer l'ouverture d'un groupe majeur. Nous sommes excités à l'idée de jouer sur de grosses dates et des scènes importantes.