Chronique Album
Date de sortie : 24.05.2024
Label : Father/Daughter Records
Rédigé par
Franck Narquin, le 23 mai 2024
mui zyu est le pseudonyme musical d'Eva Liu, artiste pluridisciplinaire britannique originaire d'Hong-Kong, qui après avoir été chanteuse de Dama Scout, trio d'alt-art-rock anglo-écossais porté aux nues par Pitchfork mais demeuré ultraconfidentiel, a sorti il y a un an son premier album solo, Rotten Bun For An Eggless Century, sur lequel elle explorait son héritage culturel au son d'une électro-pop lo-fi et aventureuse où cohabitaient logiciels de production modernes et instruments traditionnels chinois.
Avec son deuxième album solo, nothing or something to die for, mui zyu a l'audace de quitter son confortable cocon underground et arty pour se jeter dans le grand bain d'une pop plus accessible, presque grand-public mais certainement pas mainstream. Cette audace se voit récompensée tant son nouveau disque surpasse de loin toutes ses productions précédentes. Avec ses sons bricolés, ses ruptures stylistiques et son érudition affichée, sa musique de niche s'inscrivait pile-poil dans la norme de l'underground tandis que nothing or something to die for parvient à s'en extraire tout en restant en dehors des sentiers battus de la pop music généraliste. Si ce nouvel album a bénéficié de moyens plus importants se traduisant par une production plus élaborée et une réalisation plus aboutie, on notera avant tout que celui-ci est également plus inventif, plus créatif et plus surprenant que son prédécesseur.
En attendant la sortie de nothing or something to die for, nous vous invitons à aller picorer dans son catalogue passé tant les disques de Dama Scout ainsi que Rotten Bun For An Eggless Century contiennent de jolies pépites. Des pépites, on en trouve à foison sur ce deuxième album ainsi que quelques joyaux et diamants bruts. Vous êtes prêts pour la chasse aux trésors ? On l'espère car Il est l'or, mon seignor, il l'or de lancer la revue track by track ! Une revue qu'on vous livre sous forme de bullet points concis et efficaces, car entre le Festival de Cannes, le Grand-Prix de Monaco, Roland-Garros et la Block Party du Supersonic, on le sait, vous n'avez pas le temps d'niaiser.
1. satan marriage : Courte introduction instrumentale mêlant cordes cinématographiques grandiloquentes et beat hip-hop bien sec annonçant le dress-code de l'album. Robe de soirée et sneakers Air Force One.
2. the mould : Pépite électro-pop sur laquelle le chant doux et mélancolique de mui zuy tranche avec une musique joueuse et en permanente mutation comme si un gamin foufou testait en même temps toutes les fonctionnalités de son orgue Bontempi. Electrisante pop.
3.4.5 everything to die for, Donna like parasites et the rules of what an earthling can be : Ballades au spleen adolescent un peu convenues mais sauvées de la routine grâce à un chant refusant toute surcharge émotionnelle et de réjouissantes trouvailles de production. Paroles noires, cœur rose bonbon.
6. please be ok (feat. Miss Grit) : A l'écoute de ce morceau sur lequel les bpm s'accélèrent, on se dit qu'il y a du Trish Keenan dans la voix de mui zyu, ce chant à la ligne claire qui se distingue par son sens du placement et de la modulation parvenant à émouvoir avec un minimum d'effet. Broadcast News.
7. telephone congee i : interlude numéro 1/2.
8. speak up, sponge : Ce titre à l'ambiance sombre (nappes de synthétiseurs lugubres et violons austères) marche sur les pas d'Eat Liquid, l'album de pop orchestrale et expérimentale de la sublime Anika. Anika Dark.
9.12. what's the password baby bird? et sparky (feat. lei, e) : Au jeu des sept familles, on pioche la carte Lætitia Sadier. Le chant de mui zyu dégage à certains moment cette charmante nonchalance typique du style Stereolab et qui qui fait merveille sur ces deux titres. Stereo-laborantine.
10.hopefulness, hopefulness : Une orchestration opulente et cinématographique agissant comme une douce caresse et un beat lourd venant assener tous les quatre temps un coup de fouet sec et ferme font de ce titre une parfaite comédie musicale pour club BSDM. Cris et Chuchotements.
11. telephone congee ii : Interlude numéro 2/2.
13. in the dot (feat. Pickle Darling) : La mélodie de ce morceau dégage un doux parfum Hollywood années 50, toute droit sortie de Cendrillon ou du Magicien d'Oz, mais celle-ci se met tout à coup à tanguer au rythme d'un grosse caisse aux coups étouffés et comme jouée au ralenti. Cette merveille à deux voix rappellera aux plus anciens l'âge d'or de l'abstract hip-hop 90 et les productions inventives et léchés de Dan The Automator ou Nigo. En plein dans le mille.
14. cool as a cucumber : Débutant telle une ballade classique avec une utilisation assez conventionnelle des cordes, on est d'abord surpris du peu de surprise que cool as a cucumber a à nous offrir avant qu'à ses deux-tiers il ne mute et prenne une direction plus électronique et étrange. La Magicienne Oze.
15. 扮豬食老虎 : ce morceau instrumental, dont le titre en forme de cadavre exquis signifie « se faire passer pour un cochon et manger un tigre » clôt l'album sur une note tendre et mélancolique.
Certains verront en ce deuxième album de mui zyu un véritable chef d'œuvre d'électro-pop élégante tandis que d'autres le jugeront trop linéaire et sans grand relief. Veillons à ce que ces deux camps n'en viennent pas aux mains car nothing or something to die for vient nous rappeler encore une fois que la pop music n'est pas une question de vie ou de mort, mais que c'est bien plus important que ça !