Chronique Single/EP
Date de sortie : 18.07.2025
Label :Sony Music
Rédigé par
Adonis Didier, le 16 juillet 2025
Nectar : boisson consommée par les dieux de l'Olympe qui leur assure, avec l'ambroisie, l'immortalité et la jeunesse éternelle. Un mot dont la racine indo-européenne signifie très littéralement « surmonter la mort », utilisé en botanique pour désigner un suc extrêmement concentré servant aux fleurs à attirer les insectes pollinisateurs, et un mot qui est aussi plus rarement un prénom. Celui de Nectar Abena Nyantekyewaa Woode, née aux dernières lueurs du siècle dernier à Milton Keynes d'une mère anglaise et d'un père ghanéen, devenue Nectar Woode pour d'évidentes raisons de place sur les pochettes de disques au moment de lancer sa carrière musicale.
Une carrière qui démarre à Londres en 2021 par le single Fear Leads Us On en featuring avec le pianiste Eriksson Kaner et le producteur Mom Tudie, et une carrière qui va véritablement « décoller » deux ans plus tard suite à l'excellent Good Vibrations. Pas une reprise des Beach Boys mais une authentique chanson de soul fun et funky qui rappelle certains de ses prédécesseurs sur la scène neo-soul londonienne, et en particulier le génial Samm Henshaw qu'on n'a jamais assez l'occasion de citer ici. Une scène soul moderne et éclectique, issue d'un mélange de cultures africaines, asiatiques, caribéennes au contact du patrimoine génétique et culturel d'Outre-Manche, notamment menée par Joy Crookes, Olivia Dean, Loyle Carner, Nilüfer Yanya et consorts, dans laquelle s'intègre à merveille la musique de Nectar Woode qui, profitant de cette soudaine poussée de popularité, publie en 2024 deux EPs, Nothing To Lose puis Head Above Water, avant de se lancer en 2025 dans un troisième court format intitulé it's like I never left.
Le nectar, un concentré sucré et visqueux à la base du miel qui enrobe les cordes des brillantes guitares jazzy de Light as a feather, qui sautille sur les percussions saccadées de When The Rain Stops, une musique légère comme une abeille qui se met parfois à piquer comme une guêpe. Only Happen débute l'EP par des couplets denses et profonds, remplis de basses et de contre-voix, avant de retrouver les habituels refrains funky-soul festifs, à contrario d'une LOSE qui s'impose déjà comme la meilleure chanson du disque de par son étrangeté pesante, ses basses électroniques qui grouillent, vrombissent et barrissent, cette soul enregistrée au fin fond du lac Volta par l'âme de tous ses enfants esclaves. Une profondeur que l'on retrouve une chanson plus loin sur Ama said et qui fait dire que si la musique de Nectar Woode est encore en plein développement, le meilleur reste possiblement à venir si l'artiste confirme dans cette voie puissante et engagée qui la sortirait de la masse des chanteuses de soul à tendance hip-hop.
Car on sait ce que c'est d'arriver dans un mouvement aux figures de proue bien installées, coincé dans cet entre-deux qui veut que l'on ait toujours un bout de public par similarité mais jamais assez pour se construire pour une vraie fanbase. Et si une artiste a aujourd'hui un petit chemin de traverse devant elle pour sortir de l'habituel « t'aimes bien Olivia Dean ? Franchement tu devrais trop écouter [insérer nom de random chanteuse déjà oubliée le lendemain et jamais écoutée] », c'est bien Nectar Woode, un concentré sucré et visqueux du meilleur de la neo-soul londonienne, qui devrait attirer autant les abeilles et les colibris que les fans du monde entier. Une artiste qui si tout va bien devrait d'ici un an ou deux se retrouver nominée au Mercury Prize, vous l'aurez lu ici en premier, alors n'hésitez pas à vous la jouer avec ça en soirée jazz fusion underground, c'est cadeau et gratuit. Et si jamais vous misez votre maison sur cette prédiction des plus sûres, certaines, et 100% garantie, eh bien... j'espère que vous avez une deuxième maison !