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Kelly Lee Owens

Dreamstate

Kelly Lee Owens - Dreamstate
Chronique Album
Date de sortie : 18.10.2024
Label : dh2
4
Rédigé par Franck Narquin, le 14 octobre 2024
L'annonce de la participation de Kelly Lee Owens au ARTE Concert Festival le 26 octobre prochain, et ce quelques jours après la sortie de son nouvel album Dreamstate, nous a donné envie de nous poser la question, à la manière de l'excellente émission Blow Up : C'est qui, ou plutôt c'est quoi justement, Kelly Lee Owens ? Voici notre réponse subjective, forcément subjective, prenant la forme d'une déclaration d'amour bien plus que celle d'une page Wikipedia.

Kelly Lee Owens naît en 1988 dans le Denbighshire, sur la côte nord du Pays de Galles. Elle grandit dans un petit village où elle passe son enfance à rêvasser dans les champs et à écrire de la poésie. Kelly regarde les étoiles. Quelques années plus tard elle débarque à Londres et rencontre Daniel Avery, Ghost Culture et Erol Alkan. Une belle brochette de parrains pour quiconque veut se lancer dans la musique électronique. Les étoiles veillent sur Kelly. La galloise a beau avoir quitté sa petite ville natale pour la capitale anglaise, ses trois premiers albums sortiront chez Smalltown Supersound Records, label norvégien dédié aux musiques hautes coutures ou hors normes, avec à son catalogue des artistes tels qu'Actress, Yoshinori Hayashi ou Neneh Cherry (deuxième époque). Son premier album éponyme de 2017 marqua les débuts de Kelly sous la haute influence de son idole Björk. En termes de liberté artistique, d'inventivité formelle, de perpétuel renouvellement, de girl power, d'ambition sans limites, de musique underground aux aspirations grand-public (en un mot l'overground), on a vu pire comme modèle, voire, après réflexion, on n'a peut-être jamais vu mieux.

Mais c'est en 2020 avec Inner Song que l'artiste fait son entrée dans mon panthéon personnel et y rejoint Kelly Capwell (ndlr : Robin Wright dans Santa Barbara, perle précieuse issue de la boue des feuilletons US 80's), Kelly Slater (dieu de la glisse et parangon du cool) et Kelly de Air (la pongiste regardant les étoiles). Quelque part entre dream pop et techno, et porté par des singles beaux à en danser les larmes aux yeux, ce disque tient une place à part dans mon cœur, à l'instar de So Tonight That I Might See de Mazzy Star, un compagnon de route pour toujours, une œuvre un peu ailleurs et une musique un peu higher. Nous avons parlé ci-dessus de parrains et de modèles prestigieux mais que dire de l'unique invité qu'il contenait, Mister John Cale, l'homme qui, depuis près de soixante ans, sait toujours exactement où se construit la musique du temps présent. On était ensuite vite passé sur LP.8, plus perçu comme une parenthèse expérimentale qu'un véritable troisième album, mais qui à la réécoute vient boucler habilement la première phase de la carrière de Kelly Lee Owens grâce à des titres résonnant avec son premier disque (S.O (2) et Sonic 8 en écho à S.O et 8).

Vendredi 18 octobre 2024, Dreamstate sort chez dh2, branche électronique de Dirty Hit, qui compte dans son écurie quelques unes des plus singulières têtes chercheuses de la pop actuelle (beabadoobee, Saya Gray ou Lava La Rue). Nouveau label, nouvelle vie, nouvelle route, on dépose sur notre platine la galette avec l'excitation mais également la crainte qu'on a lorsqu'une musicienne qu'on aime tant opère un virage aussi marqué dans sa carrière. S'il vous arrive d'écouter de la musique électronique britannique actuelle ou de lire mes articles, voire encore mieux de faire les deux, vous avez certainement constaté la tendance club, dance et fun prise par de nombreux artistes, de Floating Points à Jamie xx en passant par Barry Can't Swim ou l'inévitable Charli XCX. Le premier single Love You Got nous avait laissé entrevoir une orientation grand public avec un son plus lisse rendant sa musique plus facile d'accès mais bien moins complexe, incarné par ce « wanting pure euphoria » chanté en boucle. Dreamstate est effectivement de loin le disque le plus mainstream de la galloise, mais contrairement à la jeune TSHA se vautrant les deux pieds en avant dans la choucroute dance sur son dernier album, Kelly Lee Owens a le bagage nécessaire pour rendre sa musique plus sucrée sans jamais verser dans la sucrosité et plaire à ta cousine de quinze ans ni sans jamais se renier. On craignait de perdre Kelly suite à sa chrysalide alors qu'elle ne fait ici rien d'autre que de royalement déployer ses ailes.

Alors oui, la Kelly de dh2 nous remue moins les tripes et nous touche moins en plein cœur que la Kelly époque Smalltown Supersound, mais si on préférait la voir filmée avec une caméra analogique 16mm, elle n'en est pas moins sublime sous les couleurs chatoyantes et le grand angle du Cinémascope. Certains singles comme Love You Got et Higher permettront de toucher un nouveau public, mais on déplore qu'en plus d'un son trop lisse, les chansons manquent singulièrement d'originalité. À l'opposé, Dreamstate vise une trance à la Underworld époque Second Toughest In The Infants et nous permet de découvrir un nouvel aspect de Kelly Lee Owens avec ce morceau passant en cinq minutes d'une dream pop ouateuse à une acid house rugueuse. Mis à part deux ou trois fillers, le reste de l'album n'est composé que de belles réussites. Coécrite et coproduite par Tom Rowlands des Chemical Brothers, la bien nommée Ballad (In The End) est dépourvue de tout beat mais pas d'émotion et se voit sublimée par une production d'orfèvre. Si le résultat peut faire penser à Grimes ou CIRCE, mon petit cœur y voit plutôt un pont évident avec Asleep From Day, l'aérien duo The Chemical Brothers - Hope Sandoval. Sunshine avec sa boucle enivrante montant progressivement en intensité transformera le plus austère mormon en véritable derviche tourneur tandis que la drum and bass éthérée de Time et la balade vocodée Trust And Desire finiront de convaincre les fans de la première heure de la qualité évidente de ce quatrième album.

Kelly Lee Owens prouve qu'elle peut passer de l'exigeant LP.8 à l'accueillant Dreamstate sans oublier ses fondamentaux ni diluer son talent, qu'elle sait se renouveler sans se disperser et qu'elle est prête à voler haut sans qu'on la perde de vue. Si aujourd'hui Kelly tutoie les étoiles, c'est tout simplement que Kelly a toujours été une star.
tracklisting
    01. Dark Angel
  • 02. Dreamstate
  • 03. Love You Got
  • 04. Higher
  • 05. Rise
  • 06. Ballad (In The End)
  • 07. Sunshine
  • 08. Air
  • 09. Time To
  • 10. Trust and Desire
titres conseillés
    Dreamstate - Ballad (In The End) - Sunshine
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