Chronique Album
Date de sortie : 17.01.2025
Label : Tapete Records
Rédigé par
Jérémi Desplas, le 13 janvier 2025
Air du temps et tendances naturelles de la gente underground obligeant, on commence à avoir tellement l'habitude d'écouter des braillards révoltés ou des jeunes neurasthéniques déprimant dans leur chambre couverte de posters de Duster ou Codeine qu'on oublie parfois qu'il reste des gens qui s'accrochent à une forme de bonheur et de légèreté et à qui il vient à l'idée de faire de la musique pour le dire.
Deuxième album des Londoniens de Ex-Voïd, formé sur les cendres de Johanna Gruesome, In Love Again marque une certaine évolution du son du groupe, plus orienté vers une pop-punk influence Sarah Records (on évitera d'ailleurs une extrapolation hasardeuse et facile du nom de la chanson Sara, qui n'a pas motivé la phrase précédente) et qui s'éloigne de la power pop un peu trop simpliste de son prédécesseur Bigger Than Before (2022). Plus mélodieux, plus construit, plus cohérent, ce nouvel opus a ses arguments et les fait valoir.
La plus grande richesse de l'album réside dans sa capacité à utiliser les ruptures amoureuses qui ont jalonné son écriture pour donner une densité émotionnelle à un ensemble par ailleurs assez optimiste, l'empêchant ainsi de sombrer dans une béatitude sans intérêt tout en produisant des chansons résolument pop. Paradoxalement, c'est d'une vraie résilience aux déboires et expériences relationnelles foirées à tort ou à raison dont témoigne l'album, et avec un sourire qui évoque des relents du charisme du Lush de Lovelife.
Et parce que convoquer des noms importants dans le vent est toujours une erreur, on insistera sur la richesse mélodique de l'album, tout en arpèges et saturations chaleureuses pleines de chorus, tantôt shoegaze, tantôt indie pop, mais qui ont toujours une ligne ou une transition accrocheuse et travaillée qui montrent un réel talent malgré quelques passages plus faibles (Strange Insinuation).
La capacité de l'album à mettre en perspective bons et mauvais moments est aussi ce qui lui donne une valeur de refuge émotionnelle complet : dès l'entame Swansea, on repère un véritable lien spatial entre lieux et émotions et histoires. On peut bien passer par des lieux qu'on ne connait que trop bien pour y avoir passé les moments les plus marquants de sa vie, y recroiser d'anciennes relations et se mettre à chialer et écrire une chanson en y repensant, il y aura toujours de la matière pour vivre des nouveaux moments à l'avenir. Et ça, c'est rassurant, même s'il y a une chance sur deux pour que ce soit de nouveau foireux, mais finalement c'est quand même bien comme ça.
Quant aux moments qui, mêmes s'ils paraîssent petits nous font sentir qu'il faut les garder en mémoire, on se mettra volontiers dans les oreilles Pinhead et son tunnel de saturation pour se sentir transportés, ou bien July et sa ligne de guitare irrésistible pour rentrer chez soi cheveux au vent en se disant qu'au moins on garde la capacité de ressentir des trucs et c'est quand même ce qu'on a de mieux. La conclusion Outline est magnifique : c'est celle pour faire le point chez soi, épuisé par un trop-plein d'émotion qui obligent à se recentrer sur soi pour se demander comment est-ce qu'autant de sentiments peuvent cohabiter en nous. Et comme semble nous le dire la reprise saturée en fin d'album, on sait bien que ce n'est pas fini.
In Love Again est un album sans prétention enregistré avec pleurs mais aussi plaisir. C'est parfois une faiblesse, mais c'est ici ce qui le rend attachant.