Chronique Album
Date de sortie : 06.05.2025
Label : Jane Records
Rédigé par
Franck Narquin, le 7 mai 2025
Dans la famille bar italia, vous connaissiez déjà Nina Cristante (alias NINA en solo), Sam Fenton et Jezmi Tarik Fehmi (alias Double Virgo), ainsi que leur ancien batteur de scène Guillem Peeters (alias Eterna). Voici maintenant Emilie Palmelund, sculptrice-plasticienne et bassiste de tournée, qui débarque avec son premier album sous le pseudonyme Rita P. Ceux qui suivent de près la scène émergente anglaise l'auront déjà croisée sur nos playlists, notamment Sound Of 2025, cartographie des vingt-sept artistes UK à surveiller cette année. Emilie Palmelund fait ici un pas de côté, quittant l'ombre portée des silhouettes voûtées de bar italia pour se dévoiler sous une lumière plus crue, comme une sculpture de plâtre encore fraîche, un peu brute mais pleine de vie.
Intitulé Rita's Purse, ce premier album se compose de treize vignettes sonores, toutes centrées sur le personnage de Rita, sorte de double fictif et fantomatique. Écrit, interprété, enregistré et produit par Emilie Palmelund elle-même, il a été mixé et masterisé par Guillem Peeters, garantissant cette texture lo-fi, quelque part entre l'urgence punk et le minimalisme post-punk, qui a fait la réputation du collectif. Dès les premières notes, on reconnaît cette veine alt-rock 90's qui semble couler dans les veines des membres de bar italia, avec ses lignes de basse vrombissantes et ses mélodies acides, comme si Rita P cherchait à capturer l'énergie en tension permanente de sa famille musicale.
Les premières pièces sont les plus immédiates, taillées pour ceux qui aiment les mélodies sombres et accrocheuses. Rita's Pest et RRP font penser à un The Cure des débuts, mais avec cette touche plus relâchée et brouillonne typique de bar italia – comme si Robert Smith avait lâché sa laque pour se perdre dans un squat londonien. When Rita Pretends tranche par un son sec, presque martial, rappelant les expérimentations noise de NINA. Puis vient Rita Poser, avec sa ligne de basse obsessionnelle et ses éclats de guitare dissonants, un morceau parfait pour errer dans les ruelles de Camden un soir de pluie acide.
La suite du disque s'enfonce dans des territoires plus déviants, flirtant parfois avec l'expérimentation bruitiste. Rita's Piano Song s'amuse avec un piano désaccordé, chancelant comme un vieux meuble abandonné dans un studio mal chauffé et rappelle l'album trip9love de Tirzah. One More Prank On Rita et Rita's Pop réintroduisent cette désinvolture mélodique chère à bar italia, mais sans l'ironie mordante, comme si Emilie Palmelund cherchait à réenchanter les vestiges de la scène indie. Rita Mistook Plague For Potential nous plonge dans une ambiance plus poisseuse, un slowcore halluciné qui pourrait être la BO d'un film d'horreur oublié des années 90.
Avec Not Very Rita Proof, on touche même à une forme de ballade douce-amère, pervertie par des guitares crissantes en fin de morceau, tandis que R. Got Lost in the Typing Pool et Real Panic ralentissent la cadence pour mieux plonger dans une langueur post-punk narcotique. Enfin, Rita Is Penniless retrouve cette basse ronde et ces guitares tranchantes à la Pixies, avant que Rita Picks Problems ne vienne refermer le disque sur une note plus introspective, tout en échos et en résonances, comme un dernier murmure avant de tirer les rideaux sur cette étrange galerie de personnages sonores.
Avec Rita's Purse, Rita P ne se contente pas de suivre la trace de ses camarades de bar italia, elle s'en écarte pour explorer un univers plus personnel, moins heurté mais tout aussi dense. Une œuvre modeste mais ambitieuse, pleine de failles et de résonances, qui capture l'âme brisée mais résiliente de la scène underground londonienne.