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La Route du Rock

Saint-Malo, du 17 au 20 août 2017

Live-report rédigé par François Freundlich le 29 août 2017

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On se dore toujours la pilule sur La Route du Rock, profitant du dimanche breton et de son climat plutôt favorable pour squatter la plage de Bon Secours. Beaucoup de festivaliers ont répondu présent pour les premiers concerts de la journée, dont celui de Petit Fantôme, projet pop en français de Pierre Loustaunau également membre de Frànçois & The Atlas Mountains.

Les spectres nous enchantent de leurs mélodies entêtantes entre nappes de synthé lo-fi et guitares aux accents surf. Les compositions joyeuses rappellent la pop Montréalaise, encore plus quand le chanteur au bob kaki ajoute sa voix virevoltante et ses textes en français, en voie de disparition à La Route du Rock cette année. Il est toujours difficile d'associer de la pop ou du rock dans notre langue mais force est de constater que Petit Fantôme y parvient avec brio, dans la lignée de Julien Gasc ou Forever Pavot. Les instrumentaux étourdissant s'étalent frénétiquement dans un psychédélisme enivrant, parvenant presque à inverser le sens des marées malouines. Ajoutons à cela une trompette qui navigue en eaux troubles, quelques refrains aux allures de tubes en devenir et deux festivalières qui s'improvisent danseuses devant la scène, nous obtenons une recette assez unique qui restera dans nos mémoires.

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C'est la dernière entrée au Fort de Saint-Père avant l'année prochaine et nous la savourons avec les Londoniens de The Proper Ornaments. Leur indie pop aux accents sombres prend toute sa saveur lorsque les voix des trois guitaristes se mélangent à l'unisson, dont celles de Max Oscarnold (TOY) ou James Hoare (Veronica Falls). Ce dernier groupe peut aisément être comparé aux Proper Ornaments : il s'agit évidemment d'un énorme compliment. On pense parfois au coté relâché des Pastels dans ces arrangements tenant de la folk psychédélique, lorsque les harmonies vocales monocordes s'imposent sur les glissements tranquilles des guitares électriques. The Proper Ornaments est le genre de groupe permettant d'achever un après-midi dans l'allégresse et la béatitude.

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L'élégante Angel Olsen apparaît ensuite pour notre plus grand plaisir, juste au moment où le soleil vient frapper la grande scène de plein fouet. On se rappelle de sa dernière apparition sur le festival, ses cheveux emmêlés dans une serviette de bain, la faute à la pluvieuse douche de Saint-Père. L'accessoire choisi est cette fois une paire de lunettes de soleil sur une scène à la mesure du succès rencontré depuis. L'Américaine hésite entre un rock lancinant à la Velvet Underground sur ses premiers titres où la voix se fait grave et monocorde, et des passages en mode diva. Sa voix s'échappe alors dans des aiguës avec des morceaux bien plus calmes vers le milieu du set. La première Angel étant notre préférée, on appréciera des versions enlevées de Shut Up And Kiss Me ou Give It Up. Sur ce dernier titre, la chanteuse succombe aux ténèbres d'une guitare sombre et déviante à souhait. On s'ennuiera tout de même sur certains passages folk, moins efficaces mais distillant un pesanteur bien plus légère et parvenant tout de même à nous magnétiser subitement sur quelques énervements. Cet ange à double-face nous a troublés mais est finalement parvenu à nous conquérir.

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Le furieux power trio (devenu quatuor en live) Londonien YAK va sensiblement augmenter le volume sonore avec un punk massif, remuant et addictif à souhait. Sur une petite scène des remparts exclusivement britannique ce soir, ils débutent sans temps mort sur la géniale Harbour The Feeling, provoquant immédiatement la réaction du public qui saute sur place comme un seul homme. L'efficacité de leur son brut et sans fioriture fait mouche, rappelant The Stooges avec cette voix déclamée criarde mais possédant cette élégance toute british. Leurs compositions distordues nous donnent envie de gigoter comme des petits fous, en s'approchant au plus près lorsque le chanteur Oliver Henry Burslem vient se mêler à l'avant de la fosse. Le chaos organisé dispersé par YAK a tout pour plaire et l‘euphorie qui se dégage de leur prestation est communicative. En résumé : on s'est fait plaisir.

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La star du jour s'appelle Mac DeMarco : le débonnaire Canadien est attendu comme le messie par une audience tout acquise à sa cause. Avec sa voix de velours et sa pop synthétique relaxante, il va calmer le public de la Route du Rock qui va pouvoir s'adonner au slow dancing et au porté de conjoint sur les épaules en toute quiétude. Mac nous gratifie de ses fameuses facéties tout au long du show, rejoignant notamment une table VIP composée d'amis, famille et d'Angel Olsen, installés sur le bord de la scène. Il s'en approchera pour gober entièrement une canette de bière dans sa bouche. Il gobera également un épi de maïs envoyé par le public. Mac DeMarco adore gober.
Entre temps, ses douces mélodies amères comme Salad Days nous « empopisent » l'esprit. Les adaptations live ne sont jamais très différentes des originales mais le concert nous permet de découvrir son nouvel album... qui n'est pas si différent des anciens. L'ensemble est toujours mignon à écouter, surtout quand ponctué par un esprit déconnant, comme cette reprise de A Thousand Miles de Vanessa Carlton en ne conservant qu'une unique phrase. Cela avait l'air spontané mais Mac DeMarco fait le coup à chaque concert, comme c'est rigolol. Plus sérieusement, on tentera de se souvenir de cette version aux synthés divagants de Chamber Of Reflection, ponctué par un stage diving du chanteur aux pieds nus. Le genre de concert où on a l'assurance d'avoir un public de fans mais où l'on sait à peu près à l'avance ce qu'il va se passer...

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Autre fanbase réjouie, celle des New-Yorkais de Interpol, présents sur le fort quinze ans jour pour jour après la sortie de la premier album Turn On The Bright Lights mais également quinze ans et onze jours après leur dernier passage sur La Route du Rock (avec entre autres The Coral ou The Divine Comedy). Pour l'occasion, le groupe propose une interpretation intégrale de cet album. Le set débute avec trois extraits de l'album Antics et un seul de leur dernier disque en date. Le son d'Interpol est reconnaissable entre mille avec cette voix couinante et éraillée et ce vortex de guitares saturées et enveloppantes. Paul Banks dresse sa silhouette en chef d'orchestre au centre du groupe, l'angle aigu formé entre son corps et sa guitare ne vacillant pas d'un iota. De la guitare lacérée de Untitled jusqu'à l'émouvante Leif Erikson, on redécouvre cet album qui a marqué l'année 2002. Ces relances de guitares et cette voix monocorde ne nous font pas beaucoup plus d'effet qu'à l'époque de sa sortie mais les fans autour de nous sont au septième ciel et c'est bien là l'essentiel de ce concert. Interpol ne rompt pas avec sa monotonie, une guitare ne sautant jamais plus haute que l'autre, avec une redondance assez statique. Ils termineront tout de même sur leur tube Evil qui voit le public offrir ses dernières forces pour le groupe. Voilà une excellente manière de dire au revoir.

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Pour le dernier concert sur la petit scène des remparts, c'est un nouveau groupe furieux qui est sur le point de nous attirer des ennuis auditifs : The Moonlandingz. Formé par l'expressif leader des Fat White Family, Johnny Rocket, on a récemment pu les voir associés à Yoko Ono, Sean Lennon ayant produit leur album. Le sauvage leader, qui terminera évidemment torse nu, nous gratifie de son attitude provocatrice et de sa voix agressive. Rocket est aussi démonstratif que la guitariste Mairead O'Connor n'est concentrée. Elle disperse pourtant des sonorités infernales et sombres, accrochant les lignes de basse brutales et une batterie punk de ses cordes maltraitées. Le tout forme un amas lourd à la reverb lointaine, à la limite du rock indus. Cette journée qui avait débuté dans le paisible se termine dans la furie générale.

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Et ce n'est pas terminé, puisque la dernière tête d'affiche du festival se nomme Ty Segall, le blondinet aride de Los Angeles. Ty est de retour après son concert avec son groupe Fuzz en 2016, accompagné cette fois de son groupe composé notamment du frivole Mikal Cronin à la basse. Le garage rock des hommes en rouge explose à nos oreilles comme un baril de TNT. Leur son lourd et agressif pousse au remuage de tête en règle, même si on a parfois l'impression que le groupe se paluche sur de longs développements pas toujours bien compris. Ty Segall met toute la gomme et élève sa voix éraillée dans les aiguës, avec son profil d'ouvrier sortant du garage. Les titres de son dernier disque en date ponctuent le show avec entre autre l'ouverture psyché sur Break A Guitar et Freedom. Les solos font légion et s'enchainent, interrompus uniquement pour souhaiter l'anniversaire de leur ingénieur du son. Un cœur bat donc sous cette façade de colère. Les tubes un peu plus calmes comme Caesar sont laissés pour la fin du set, ce qui permet d'apprécier davantage les racines folk des Californiens. Avec une nette préférence pour celles-ci, beaucoup trop mises à l'écart. Ty Segall nous quitte avec un vrombissement dans l'oreille, après être resté sur un volume maximal pendant une heure. Il ne reste plus qu'à se tailler.

C'est déjà la fin de cette 27ème édition de La Route du Rock à Saint-Malo qui aura donc fait mentir le club des 27 puisqu'elle fût une admirable réussite. On se souviendra des excellents moments passés avec Alex Cameron, Foxygen, IDLES, Arab Strap, The Jesus And Mary Chain, Future Islands, Soulwax ou YAK. Ce sont plus de 36 000 festivaliers, dont 26 000 au fort de Saint-Père, qui ont assisté à un festival qui a manqué avant tout de place dans son écrin mythique. On a cependant beaucoup de mal à l'imaginer dans un autre endroit mais si les conditions d'accueil sont meilleures, on sera prêt à s'adapter. Rendez-vous donc en août 2018 pour la prochaine édition !
artistes
    Angel Olsen
    Interpol
    Mac DeMarco
    Petit Fantôme
    Prieur De La Marne
    The Moonlandingz
    The Proper Ornaments
    Tale Of Us
    Ty Segall
    YAK