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La Route du Rock

Saint-Malo, du 17 au 20 août 2017

Live-report rédigé par François Freundlich le 24 août 2017

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Après une soirée d'ouverture réussie à La Nouvelle Vague, prenons la direction du désormais légendaire Fort de Saint-Père qui a vu (et verra) défiler tellement d'artistes cultes depuis les débuts du festival La Route du Rock. Ce week-end ne fait pas exception puisque la tête d'affiche du soir n'est d'autre que PJ Harvey herself. On peut difficilement imaginer une meilleure entrée en matière.

Terminons l'après-midi dans la douceur, malgré les nombreuses files d'attentes dues à un public venu en masse. Les Californiens de Froth vont faire pousser des palmiers sous nos pieds avec leur shoegaze aux mélodies entêtantes noyées sous un déluge électrique enivrant. La voix juvénile du chanteur Joo Joo Ashworth se voit masquée par des trainées de poudre, aux envolées prenant parfois des airs de My Bloody Valentine. Les échos s'étendent à perte de vue dans des instrumentaux labyrinthiques, passant du paisible aux explosions subites. On avait déjà eu l'occasion d'admirer Froth dans un petit club et nous constatons l'évolution du groupe, dans sa maîtrise et la force de ses compositions laid-back et vaporeuses. Une ouverture parfaite avec un rafraichissement à la main sous le soleil, comme on les aime.

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Les têtes d'affiches s'enchainent très tôt ce vendredi soir avec d'autres Californiens : les chouchous de Foxygen et leur pop psychédélique en forme de revival 60's. On craignait un peu de les retrouver après les dernières prestations où le groupe se perdait dans des artifices pompeux qui laissait le spectateur dans l'incompréhension, sans même reconnaître les morceaux. Cela ne sera pas le cas cette fois puisque le duo Sam France et Jonathan Rado est au sommet de sa forme, adaptant à la perfection ses meilleures compositions. Sam France ne manque pas de faire le show avec des pas de danse chaloupés et une voix suave ou criarde, haranguant le public les doigts en « peace and love » levés.
Le groupe est accompagné par une section de cuivres (avec saxophone) ainsi qu'une choriste dont les pas de danse et la silhouette attirent tous les regards. Seule ombre au tableau : l'un des meilleurs titres de la dernière décennie, San Francisco, se voit gâché par un microphone inaudible, ce qui nous laissera un goût amer dans la bouche pendant tout le concert. Dommage, dommage. On frissonnera tout de même sur les « that's news to me » de Shuggie. Foxygen nous quittent sur les instrumentaux torturés de Rise Up, non sans que Sam France n'ai expliqué vouloir nous faire l'amour à tous et avoué aimer vraiment son pays. Le « Fuck Trump » des Allah-Las la veille était moins ambigu. Foxygen ou le moment de danse candide du festival sur des « Pa Pa Pa Lalala ».

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Voilà plusieurs années que le festival voulait l'inviter à nouveau et c'est désormais chose faite : PJ Harvey et son groupe sont à La Route du Rock. L'entrée est solennelle et militaire avec des tambours qui annoncent une procession des musiciens sur une introduction au saxophone. Ah ! Le saxophone qui remplace la guitare. Pourquoi 2017, pourquoi ? Le coté statique et métronomique de son dernier album en date transparaît sur les trois premiers titres, assez compliqués à appréhender même si la voix et le charisme de Polly Jean laissent le public pantois. La plupart restent la bouche ouverte sous l'effet de la présence magistrale de PJ Harvey, qui semble dominer l'audience de son regard profond. Elle est évidemment accompagnée de ses acolytes de luxe : avec notamment John Parish et Mick Harvey dont les instruments réjouisse nos oreilles qui ne font qu'en redemander. On frémira sur cette version en apesanteur de Let England Shake accompagnée par les mouvements théâtraux de l'anglaise. On se souviendra également de cette introduction de White Chalk avec la guitare de John Parish avec la voix de PJ Harvey s'envolant dans des algues angéliques, comme hors du temps. Après les réponses de la foule en forme d'acclamations hystériques, c'est finalement la guitare sombre de John Parish qui introduit la magistrale To Bring You My Love, blues intense qui nous renvoie à la PJ Harvey des 90's, plus brute et dépouillée. Comme on l'adore. On se rappellera de cette image où, le dos tourné, elle contemple son groupe qui l'entoure. PJ Harvey a apporté son amour sur La Route du Rock et c'était beau.

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Le festival avait heureusement prévu une pause dans la programmation, histoire de ne pas devoir enchainer directement après ce concert. C'est le petit génie de Seattle, Car Seat Headrest qui poursuit l'aventure sous la nuit maintenant tombée. On en termine avec le peaceful, pour entrer dans la phase d'énergie électrique de ce vendredi. Toutes guitares dehors, Will Toledo et son groupe nous font vibrer en poussant le tensiomètre très haut avec des solos incisifs interrompus par la voix lisse du leader ou celle plus abrupte du guitariste Ethan Ives. Car Seat Headrest calment parfois le jeu mais en restant dans un son lourd rappelant parfois les Pixies. Toledo reste impassible malgré les glissements amorcés par ses lunettes pendant les passages les plus excités. Les adaptations live s'éloignent beaucoup des influences folk aperçues sur son fameux album Teens Of Denial pour se rapprocher d'un rock ténébreux puisant dans les Strokes ou les BRMC. Ce n'est peut-être pas exactement la douceur que l'on attendait de ce concert mais ce renversement de situation a eu le mérite de nous préparer à la suite d'une soirée de plus en plus énervée. Et à plaire aux villageois qui crient « alélaaa » sur les passages calmes.

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De la furie en veux-tu ? Les Anglais de IDLES vont faire exploser les compteurs en nous gratifiant d'extraits de leur premier album Brutalism, qui porte très bien ton nom. Une déviance punk dans toute sa splendeur s'échappe de ces furieux dont le chanteur Joe Talbot nous pose des questions existentielles entre deux doigts majeurs « Why don't you get a job ? Why don't you watch football ? Why don't you like reggae ? ». Ce coté contestataire aux accents british nous rappelle parfois le coté abrupt des Sleaford Mods, mais noyé sous un déluge de guitares distordues et en version Bristol. On ne s'ennuie jamais lorsque Talbot s'adresse à nous en français, le sommet restant un « ça fucking va ? » d'anthologie. On ne peut s'empêcher de sautiller sur la basse post-punk de Mother et ses lyrics « The best way to scare a Tory is to read and get rich ». Le pâté est envoyé loin et bien au-delà. Talbot termine en stage-diving dans la foule accompagné du guitariste essayant de grimper sur lui. La rage à l'état pur s'échappe des IDLES, laissant une marque indélébile dans nos tympans et probablement dans les remparts du fort de Saint-Père. Aïeu.

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Pour ne pas nous laisser trop longtemps en hydrocution sonore, les tarés de Thee Oh Sees, renommés Oh Sees, s'installent sur la grande scène avec leurs deux batteries cote à cote et leur chanteur à l'attitude reconnaissable entre tous : John Dwyer. Guitare portée haut et tête de psychopathe, le garage abrasif des Californiens portée par des riffs simples et redondants fait le job sans en faire trop non plus. Passée la surprise des deux batteries jouant simultanément, on se dit qu'il s'agit d'un effet davantage visuel qu'apportant réellement quelque chose. Des effets de distorsion s'ajoutent à la voix criarde et effrénée poussant le tourbillon électrique toujours plus loin. Les mosh pits et autre stage divings s'en donnent à cœur joie dans la foule : les Thee Oh Sees sont toujours aussi efficaces, peut-être même un peu trop.

La soirée se terminera dans l'électro avec Helena Hauff et DJ Shadow, concluant une première journée spectaculaire marquée par la grâce de PJ Harvey, la folie de Foxygen et la furie de IDLES. Mais le meilleur reste encore à venir !
artistes
    Calypso Valois
    Car Seat Headrest
    DJ Shadow
    Foxygen
    Froth
    Helena Hauff
    Idles
    PJ Harvey
    Prieur De La Marne
    Thee Oh Sees