Atypique dans le paysage français de par son implantation sur le parvis de l'Hôtel de Ville en plein centre de Paris et un accès intégralement gratuit, le festival FNAC Live proposait cette année encore une programmation essentiellement francophone le temps de trois soirées consécutives du 28 au 30 juin, non sans réserver quelques surprises de choix avec les présences d'une poignée d'artistes internationaux confirmés à l'image de Hot Chip, Franz Ferdinand ou encore Beck.

L'affiche de cette première soirée du mercredi 28 juin se veut ainsi parfaitement l'air du temps, en témoigne un public venu massivement dès l'ouverture des portes pour acclamer des artistes confirmés ou en devenir. Parmi les premiers à monter sur scène, le rappeur
Lujipeka semble en terrain conquis face à une foule jeune et connaissant certains de ses titres par coeur, rapidement suivi quelques minutes plus tard par le jeune
H JeuneCrack issu du même mouvement mais dont l'énergie n'aura pas suffi à masquer les faiblesses de son répertoire et un flow guère convaincant.

L'un des avantages du festival FNAC Live est de pouvoir assister à quelques concerts exclusifs afin d'en profiter dans un cadre idyllique, presque irréel. Ainsi, pour ce premier jour de festival, les fans de guitares n'avaient pas d'autres choix que de décrocher tant bien que mal une invitation pour assister dans des conditions privilégiées au concert de Warhaus et Beck. Deux noms qui viennent contraster avec la programmation du jour, ce qui explique qu'il soit nécessaire alors de réserver ces incroyables moments à une petite poignée de passionnés.
C'est donc un parterre assis sagement en rang d'oignon qui accueille
Warhaus, alias Maarten Devoldere, membre fondateur de Balthazar qui tente une nouvelle échappée en solo avec son troisième album
Ha Ha Heartbreak. Les belges de Bathazar ne sont pas des inconnus dans notre belle contrée, le groupe se produisant régulièrement chez nous. Maarten Devoldere prend ainsi place dans une salle garnie tant de fans plus que de curieux, et nous propose un concert de quarante-cinq minutes qui oscille entre pop de chambre et rock glacé, le tout porté par le chant grave et profond du musicien. Accompagné de trois musiciens, on retrouve ce soir l'aspect torturé du dernier disque aux thèmes mélancoliques car s'agissant de rupture amoureuse mais la grâce de l'interprétation, avec la présence des instruments à vent et à cordes ainsi que de quelques percussions et des langoureuses boucles de synthé, rendent le moment doux et apaisant.
Maarten Devoldere a une sacrée présence sur scène. Se mouvant avec beaucoup de grâce, il sait capter toute l'attention du public malgré que ce dernier soit un peu éloigné de lui. Cela n'empêche pas le chanteur de communiquer avec les présents, les titres défilants et les spectateurs captant bien l'esprit dandy suranné qui règne sur les albums de l'artiste. C'est une pop élégante jusqu'au bout des ongles, avec beaucoup de références aux maîtres du genre tels Serge Gainsbourg ou Leonard Cohen qui se distille lentement mais sûrement dans les salons dorés de l'hôtel de Ville, les spectateurs réservant une standing ovation sur le dernier titre.

Alors que le ciel parisien se veut quelque peu menaçant, l'énergique
Adé, issue de Therapie TAXI, se présente avec un univers bien plus sage que celui de sa formation d'origine. Franche du collier dans certaines de ses interventions, la française ne ménage pas ses efforts pour présenter son premier album solo,
Et alors ?, paru à l'automne 2022, mais ne parvient guère à convaincre. Si le triptyque final mené par son tube
Tout Savoir ou encore
Sunset réveillera le public en fin de set, des chansons pop somme toute très conventionnelles et une première demi-heure ayant manqué de rythme ne lui auront pas permis de montrer son univers sous son meilleur jour.

Nous sommes de retour au salon pour assister au concert surprise du festival :
Beck en acoustique sous les dorures de la République. Voilà quelques semaines que le chanteur américain traine ses guêtres dans l'Hexagone, en studio avec Phoenix pour la sortie d'un single collaboratif, de passage pour un guest de haute tenue au Zénith de Paris aux côtés de The Black Keys puis invité d'honneur ce soir. Les tickets distribués la veille s'étant évaporés en quelques minutes, beaucoup de fans se sont retrouvés sur le carreau. C'était sans compter l'organisation très bienveillante qui a laissé quelques motivés pénétrer dans le salon pour assister à cette petite heure privilégiée.
Ainsi, c'est très modestement que Beck prend place sur la scène, muni de sa guitare acoustique et d'un musicien venant ambiancer le tout à la pedal steel guitar, en nous annonçant qu'il est ravi d'être présent comme de pouvoir côtoyer tant de musiciens français qu'il admire énormément. Beck ne serait pas Beck sans sa gentillesse naturelle, toujours tentée de cette timidité un peu maladive dont il continue à faire preuve après toutes ces années de succès et de reconnaissance.
Le musicien brise la solennité de l'endroit en se lançant entre les titres dans des petites discussions tantôt à propos de son travail avec Phoenix, Charlotte Gainsbourg ou Michel Gondry, tantôt pour commenter son jeu, évoquer la beauté de l'endroit... C'est une impression de papoter avec votre collègue de bureau ou votre voisin qui se dégage, de ces petites palabres polies un peu banales mais qui façonnent notre quotidien donc qui nous rassurent. Et Beck va proposer ce soir un florilège de titres apaisants, d'une grande beauté en étant ainsi dépouillés et révèle comme il l'avait fait à la Maroquinerie pour son concert acoustique improvisé, cette facette de lui plus intime, plus sincère.
L'acoustique du salon étant parfaitement adaptée à ce type de set, le chant de Beck résonne de bout en bout et les spectateurs sont émerveillés par l'intensité dissimulée derrière ce personnage toute en simplicité et humilité. Le contraste est saisissant d'avec l'entertainner qui, tout en costume souvent vintage, nous fait montre de ses talents de danseur tant en break dance qu'en musique disco, et ces conditions rendent le personnage encore plus attachant qu'il ne l'était déjà.
Pendant ce temps,
Nuit Incolore prend place au plus près de la foule derrière son piano et ses samples alors que les roadies de Hot Chip s'activent au second plan. Branché pour ne pas dire looké, multipliant les déhanchés lorsqu'il n'est pas installé derrière son instrument, le jeune suisse ne manque pas d'assurance dans ses interprétations avec des textes en français taillés sur mesure pour la jeunesse, laissant entrevoir une trajectoire toute tracée vers le succès dans les mois à venir, à défaut de faire preuve d'authenticité.

Il est désormais 21h30, l'heure pour
Hot Chip de prendre le relai alors que la nuit commence doucement mais sûrement à envelopper les lieux. Habitués des salles de la capitale depuis une quinzaine d'année désormais, les anglais se font toutefois plus rares en festival, l'accueil plutôt tiède leur étant réservé ce soir semblant confirmer cette tendance. Les afficionados, quant à eux, ont la surprise de voir la formation anglaise se produire en quintet sans deux de ses membres, Al Doyle et Felix Martin, tandis que Rob Smoughton et Leo Taylor sont comme à leur habitude appelés en renfort. Alexis Taylor et Joe Goddard se font quant à eux immédiatement remarquer de par leurs tenues, majoritairement rose pour le premier et bariolée pour le second.
La courte heure de set leur étant accordée ce soir ne va guère leur laisser le temps de s'éparpiller, un total de dix titres extraits de pas moins de six de leurs albums allant être joués sans sourciller et sous la forme d'une longue montée en puissance conclue par la machine à danser
Over And Over. Sans deux de leurs membres, les anglais semblent à première vue perdre une partie de leur force de frappe et dynamique scénique, notamment sur
Huarache Lights et
Down, avant que
Flutes et ses chorégraphies ne remettent les pendules à l'heure, le public commençant à se prendre au jeu à l'image de Owen Clarke et Rob Smoughton, déchaînés tout au long de la prestation du soir. Un Rob Smoughton dont on saluera une fois encore la polyvalence, ce dernier passant de la guitare à la basse en passant par les percussions et les choeurs, notamment sur un
Freakout/Release vocodé du plus bel effet.
Le groupe trouve ainsi son rythme de croisière durant la seconde moitié de la prestation,
Melody Of Love se voyant interprétée dans une superbe version plus pop qu'à l'accoutumée, avant que Joe Goddard ne prenne les rênes au chant pour
I Feel Better puis
Hungry Child, rejoint pour le second par un Alexis Taylor plutôt discret. Une envolée finale sur
Over And Over et le quintet tire sa révérence, à l'instant même où le public de plus en plus nombreux semblait commencer à se laisser embarquer par les sonorités électroniques délicieusement rétro des anglais.
Une première soirée éclectique comme attendu, sans véritable fil conducteur, mais dont chacun aura su tirer ses éléments de satisfaction, notamment les nombreux retardataires venus à l'évidence pour Polo & Pan.