Jour 1 – Rock is not dead, il est juste breton
Comme le veut la tradition, le festival s'est ouvert mercredi à la Nouvelle Vague avec une double affiche réunissant Dominique A et Astrid Sonne, fidélité d'un côté et découverte de l'autre. Jeudi, Le Fort de Saint-Père brille sous un soleil radieux, une anomalie statistique en plein mois d'août malouin, mais le vrai choc est ailleurs, dans une programmation où l'expérimental tutoie le culte et où le come-back de WU LYF croise le nouveau visage de Black Country, New Road. Bref, une entrée en matière qui installe d'emblée cette Route du Rock 2025 dans un équilibre entre mémoire et futur.
MEMORIALS – (presque) Le meilleur groupe du monde
Confier l'ouverture du festival au meilleur groupe du monde, drôle d'idée. Car oui, MEMORIALS est le meilleur groupe du monde, si l'on calcule le ratio qualité musicale / nombre d'auditeurs. Entre pop songs idéales et échappées free jazz, Verity Susman (ex-Electrelane) et Matthew Simms (ex-Wire, sosie capillaire de Tommy Wiseau, le « disaster artist ») passent d'un instrument à l'autre comme d'autres changent de bière. Bric-à-brac génial et audace totale. Si le public hésite entre circonspection et sidération, nous on se régale devant cet élan de liberté créative. A défaut d'être réellement le meilleur groupe du monde, MEMORIALS sont certainement l'un des plus sous-cotés.
Black Country, New Road – La route du panache
Qu'on se le dise une bonne fois pour toutes, Black Country, New Road ne jouent plus leurs deux premiers albums sur scène. Pas de procès, pas de drama mais un choix esthétique et éthique. L'ancien Black Country, New Road est mort, vive le nouveau Black Country, New Road. Les filles ont pris le pouvoir, chantent à tour de rôle ou à l'unisson et le groupe nous livre un set intense et émouvant, à la théâtralité assumée. Chaque morceau rappelle qu'ils ont choisi la voie la plus risquée, repartir de zéro pour se réinventer. Cela s'appelle le panache.
La Femme – Les biarrots en été
La Femme, c'était mieux avant ? Ce sont eux-mêmes qui le disent ironiquement depuis leurs débuts. Mais ce soir, ils ont sorti la carte nostalgie en invitant sur scène Clémence Quelennec, leur chanteuse historique. Et comme toujours, on râle en début de concert ("encore eux !") et on finit conquis ("c'est encore mieux !"). Costumes de vacanciers (bermuda et polo Lacoste rose, il fallait oser), tubes en rafale et une promesse tenue. "Ce soir, La Femme va vous donner du plaisir" hurle Sasha. Mission accomplie.
WU LYF – Passé recomposé
Treize ans après leur split, les Mancuniens ont choisi la Route du Rock pour se réincarner. Leur nouveau single nous avait laissés sceptiques, mais sur scène, Ellery James Roberts n'a rien perdu de son charisme rocailleux. Puissant et incarné, oui. Original et convainquant, pas vraiment. WU LYF, c'était mieux avant ?
King Krule – Plan B
Archy Marshall a trente ans et quinze ans de carrière mais pas encore un statut de tête d'affiche du niveau de Pulp ou Kraftwerk. Les organisateurs rêvaient de Beth Gibbons et King Krule fait office de plan B. Devant une foule clairsemée qui salue mollement son arrivée, il déroule un set sombre, long et un peu trop en retrait. Les fans sont aux anges mais les autres s'ennuient ferme. La première vraie déception de cette édition.
Bolis Pupul – Mister Camping
Mais la soirée n'est pas terminée. Premier pas vers la nuit avec le belge Bolis Pupul qui envoie un set enlevé, clair et efficace. Il commence à se faire tard mais pour les plus fêtards l'heure de renter au camping est encore loin.
Overmono – Stereo Total
Clôture agressive et jouissive, la techno puissante des frères Russell emporte tout sur son passage. Ce déferlement sonore rappelle que la Route du Rock aime autant les guitares que les machines. On file vite à la Navette, un seul dodo nous sépare de l'arrivée de tonton Jarvis.
Verdict : Un premier soir sous le signe du contraste avec un départ en trombe suivie d'une petite chute de tension. MEMORIALS ont tutoyé les étoiles devant 500 convaincus, on s'est réjoui devant le joyeux bordel de Black Country, New Road et le kitsch festif de la Femme tandis que WU LYF ont peiné à ressusciter leur glorieux passé et King Krule à assumer son rôle de headliner. Reste qu'on préfère voir le verre à moitié plein, un peu comme la jauge de cette première journée.