Pour sa journée "rock", le festival affiche 36 000 spectateurs, contre moins de 25 000 jeudi et vendredi. Le mélange des genres, ce n'est finalement pas de mettre du rap et de l'électro avec du rock, c'est de confondre musique populaire et variété. La qualité n'est pas toujours au rendez-vous, peut-être que le public TikTok n'a pas envie de suivre une journée de festival pour quinze secondes de vidéo ?

Arrivé à 15h30, je parviens à attraper la fin du set de
King Hannah. Après les avoir vus dans des petites salles sold-out, de nuit, lors de leur dernier passage parisien, il est agréable de les retrouver devant des milliers de personnes en plein soleil. Hannah porte toujours la même robe rouge et les guitares partent dans des envolées americana qui marchent très bien en plein après-midi.

J'enchaîne avec
Fat Dog. Eux aussi, je les ai vus plusieurs fois cette année, et passé l'effet de surprise envoyé par leur énergie brute et leur show maximaliste, je commençais à me demander si le chien ne se mordait pas un peu la queue, d'autant qu'il est un peu difficile de différencier les nouveaux titres des anciens. Mais avec une centaine de concerts au compteur sur les douze derniers mois, la meute a gagné en maturité. Plus besoin de vidéos pour occuper l'espace, le chanteur et les musiciens se suffisent à eux-mêmes, faisant même un bon usage de l'avancée de scène. Quant au violoniste, il a amélioré ses mouvements de hip-hop qu'il a enfin la place de faire sur scène. Leur pseudo folk sectaire fonctionne très bien en festival, le groupe va au contact, parfois littéralement, à l'image du claviériste parti pour un pogo dans le public dès le premier titre. D'ailleurs, heureusement que les musiciens assurent leur présence scénique car le chanteur passe la moitié du set à hauteur de public, invisible pour ceux qui ne sont pas alentour. Quand les premières notes du
Galvanize des Chemical Brothers retentissent, on pense d'abord à un sample mais malheureusement c'est juste la sono qui marque la fin d'un set très serré.

Retour à une ambiance plus calme avec
Sharon Van Etten & The Attachment Theory. A l'image du dernier album de l'américaine, le set est plus pop et électronique que ce que à quoi je m'attendais, avec pas mal de clavier. Les anciens morceaux plus électriques passent mieux, ou c'est juste que je les connais davantage. Après Fat Dog, la transition est dure et j'ai du mal à rentrer dans un set qui s'étire en longueur, mais j'ai aussi un peu la flemme d'aller voir Last Train. Grand bien m'en a pris car le set se termine sur
No One's Easy To Love et
Seventeen, cette dernière donnant des frissons malgré le soleil.

Les sympathiques
The Royston Club jouent leur rock gentiment énergique sur la scène Horizons. Le public s'est déplacé en masse, je n'avais pas vu la petite scène aussi remplie de tout le festival. Leur pop rock est très british et je les imagine bien avoir commencé en cover band d'Oasis dans les pubs du Pays de Galles. C'est bien fait sur le fond et la forme, mais je préfère les choses un peu plus cabossées.

Je vais être servi, avec la sensation du festival, à savoir les sales gosses de
KNEECAP qui occupent les commentateurs conservateurs à cause d'un ami monté sur scène avec un drapeau du Hamas. Au Wide Awake Festival à Londres, ils avaient traité l'incident à la légère, lâchant en rigolant "it was not even us", toujours appréciable dans un festival quand 364 personnes sont mortes au festival Nova le 7 octobre. Ami du Hamas ou pas, fan de l'IRA ou pas, ils cultivent l'ambiguïté, et ça sert leurs affaires. Mais à Rock en Seine ils ont écouté leurs avocats et se contentent de passer des messages factuels sur le génocide en cours à Gaza. Prévenu par les RG que des agitateurs avaient prévu de perturber leur show, ils appellent aussi le public à la paix et à l'amour. Cette menace nous a aussi valu une fouille renforcée à l'entrée sur le site. Attirée par la polémique ou par trois gars qui gueulent en gaélique sur une bande son rap, la foule s'est pressée et la scène déborde de partout. Le set est énergique et joyeux, engagé pour la réunification de l'Irlande, et le groupe déroule un set rap conforme aux canons du genre. Ce n'est pas ma
tasse de thé pinte de Guinness, je vais tenter ma chance ailleurs.
Deux constats similaires sur la scène Revolut : d'abord, le public déborde de tout côté et le site est quasiment saturé. Deuxième constat,
Stereophonics jouent autant avec les clichés pop rock que KNEECAP avec ceux du rap. Ce n'est pas désagréable, mais qu'est ce que c'est propre ! Compte-tenu du monde présent, je décide d'aller me positionner sur la Grande Scène.

Même dix minutes avant le début du concert et deux scènes qui débordent, le public est très nombreux pour
Fontaines D.C.. Porté par une discographie parfaite, le groupe a bien grandi depuis un dernier passage à Rock en Seine en 2022. Pour la promotion de
Romance, ils n'ont joué qu'au Zénith de Paris avant d'écluser les festivals, comme le disait un ami, c'était probablement la dernière occasion de les voir dans de bonnes conditions. Comme à son habitude, Grian Chatten communique assez peu, toute la charge émotionnelle passe par les chansons qui sont parfaitement interprétées. Les titres des trois albums s'enchaînent parfaitement, et si le son du dernier avait surpris à sa sortie, il est dorénavant parfaitement assimilé. C'est à contrecœur que je m'extirpe de la Grande Scène pour aller voir Chest. avant le concert de SUUNS.
Le chanteur nous prévient,
Chest. n'est pas seulement un groupe français, ou un groupe parisien, c'est un groupe du 11ème arrondissement. Leur rock est donc précis, mais avec une bonne dose de punk qui me fait penser aux bagarreurs de IDLES. Malgré un gros conflit d'agenda avec Fontaines D.C., le public est venu nombreux.

En revanche, il semblerait que la musique de
SUUNS soit trop perchée pour faire traverser tout le site à la foule de la Grande Scène. Tant pis pour eux, le trio de Montréal confirme le buzz qu'il a commencé à la Route du Rock à Saint-Malo dix jours plus tôt. Avec deux guitares pour sculpter le son, et un batteur pour le groove, leur musique crée un univers propice au rêve bien éveillé pour danser. La formule se décline aussi en version synthé / basse / guitare / voix pour une impression plus atmosphérique. C'est la bande son parfaite pour admirer le couché de soleil sur le parc de Saint-Cloud.

Avec ça, j'ai raté
The Limiñanas. Les ayant déjà vus, et appréciés deux fois à Rock en Seine, je m'étais dit que je pouvais faire l'impasse. J'arrive donc pour leur dernier titre, la reprise du
Rocket USA de Suicide. Je me place assez facilement pas trop loin de la scène pour assister à un déluge de guitares, portées par un light show blanc éblouissant et soutenues par une rythmique minimaliste. Il n'y a pas grand monde ici non plus, où est passé le public scotché devant KNEECAP et Stereophonics ? C'est dommage car le set avait l'air excellent, et il est peut-être temps que je me décide à les voir ailleurs qu'en festival.

Je me doutais bien de la réponse : le public est massé devant
Queens Of The Stone Age. Il est un peu compliqué de remonter le site, puis la marée humaine, pour voir le groupe en vrai plutôt que sur un écran géant. En plus ils jouent
No One Knows en deuxième morceau alors que je peine à arriver. Ce sont les boss du festival, pour leur quatrième passage, ils jouent comme à la maison et on en oublierait presque le gigantisme de l'endroit. Josh Homme et son groupe ont la classe naturelle, et les fans sont en extase jusqu'à un final en apothéose sur la triplette
Make It Wit Chu,
Go With the Flow et
A Song For The Dead.
Finalement, le rock à Rock en Seine, ce n'est peut être pas une mauvaise idée !