Chronique Single/EP
Date de sortie : 29.08.2025
Label :Partisan Records
Rédigé par
Jérémi Desplas, le 28 août 2025
Blown est le nouvel EP de TTSSFU, nouvelle signature de Partisan Records (probablement le label le plus influent des dernières années) venue de Manchester et qui, après avoir tourné aux côtés de Soccer Mommy ou English Teacher, espère passer un cap avec ce disque.
Allons droit au but : ce qui saute aux oreilles avant tout dès l'introduction, c'est la ligne de basse sortie directement (à une note près) de l'un des morceaux les plus connus du rock, à savoir Should I Stay Or Should I Go des Clash, rien que ça. Que le nombre de mélodies ne soit pas infini sur un manche fini va de soi, et les groupes qui se piquent et repiquent de bonnes idées sont nombreux y compris parmi les plus grands, mais cette rythmique précise fait quand même partie de celles auxquelles on évite de toucher. C'est d'autant plus malheureux que ce morceau d'introduction est probablement le moins bon de l'EP : tout en nonchalance, il donne l'impression d'une chanson paumée à tous points de vue, celle pour se remettre en jambe après un coma ou une gueule de bois. Un EP se distinguant souvent par son premier morceau, le choix de Cat Piss Junkie pour lancer celui-ci s'apparente à une fausse bonne idée.
Forever est tout de suite plus consistant avec sa voix délicatement réverbérée et ses guitares saturées. « Many problems never felt so good » résume bien l'état d'esprit : le sentiment que tout ne va pas pour le mieux mais on sent que c'est mieux que rien. Ce n'est pas la plus mémorable ou originale des chansons noisy-pop, mais elle reste touchante. Sick s'apparente à son double négatif, plus lent et inquiétant, comme un battement de cœur au ralenti. L'explosion à la fin du morceau surprend mais paraît un peu trop brutale pour être pleinement réussie. De manière générale, de nombreuses influences se font entendre ici sans pour autant être transcendées : la chanson suivante, Everything, paraît tout droit sortie d'un album de Duster, ce qui n'est pas désagréable pour un auditeur qui se retrouve dans sa zone de confort, mais force est de constater que la touche personnelle n'est pas forcément au rendez-vous. Le grand brouillard de saturations nous confronte directement à tout ce qui était dit à mi-voix depuis le début : c'est torturé mais avec les apparences sauvées, un mélange d'innocence et d'un côté malsain comme la pochette, sauf que les apparences en question ne se distinguent pas plus que ça de la moyenne.
Call U Back sonne le réveil en avançant à pleine vitesse : fi de dissimulations, tous les riffs se greffent sur une rythmique métronomique. « It's worth the try » nous est susurré à l'oreille, on ne sait pas forcément où on va mais l'énergie de la chanson donne une vraie raison de tenter de sortir des sentiers battus. L'enchaînement est réussi avec Weekend qui déploie ses grands rideaux noirs de saturation pour permettre une meilleure introspection. L'EP se conclut sur Being Young, chanson plus lumineuse : le jour s'est levé et offre un bref répit. L'instrumentation minimaliste est cette fois adaptée, et semble vouloir nous faire de nouvelles promesses.
Blown laisse un goût un peu amer en bouche, avec une première moitié multipliant les coups d'œil vraiment trop appuyés et un manque d'originalité, alors qu'il y a de bonnes idées sur la fin. La difficulté à s'extraire de ses inspirations pour créer quelque chose de vraiment original est un défi qui est posé à tout groupe, mais lorsque l'on lit proclamé haut et fort dans la présentation accompagnant la sortie qu'un morceau précédent a atteint un million de vues sur Youtube, on se pose tristement la question de si la trop fameuse ligne de basse ou les ambiances plus DIY que DIY ne sont pas calculées pour les algorithmes. Pas forcément si différent de l'époque où les hebdomadaires musicaux devaient sortir du chapeau un nouveau groupe moyen voire moins que moyen pour devenir les nouveaux Smiths, Nirvana ou Oasis, mais la conséquence du triste état des moyens d'écoute musicale aujourd'hui reste difficile à encaisser : parfois, il nous fait nous méfier de groupes que l'on voudrait défendre.