Saint Etienne

Fin mai 2025, l'annonce de la sortie d'International a fait l'effet d'une bombe. En révélant la parution en septembre de leur treizième album, Saint Etienne ont précisé contre toute attente que ce disque serait leur dernier. On savait que quelque chose se préparait — notamment avec la mise en vente éphémère, en février, du 45 tours inédit Glad avec Electronic Sound Magazine — mais personne n'imaginait que la fin du groupe était proche.

Formé en 1990 à Croydon, dans le sud de Londres, le trio constitué de Sarah Cracknell, Bob Stanley et Pete Wiggs s'est imposé dès ses débuts avec ses premiers singles Only Love Can Break Your Heart (reprise de Neil Young) et Nothing Can Stop Us. Avec leur pop glamour, ils ont enchaîné les tubes pendant près de trente ans. Home Counties (2017) fut leur dernier disque livrant encore des petites perles sucrées comme Dive ou Magpie Eyes. En 2021, le groupe surprend son monde avec I've Been Trying to Tell You, un disque minimal éloigné des pop songs dont ils ont le secret. Pour la première fois, le trio ne s'est pas retrouvé en studio, pandémie oblige, mais le résultat final fut bluffant avec les nombreuses boucles et samples dans une atmosphère musicale très cotonneuse. Fin 2024, The Night, composé de quatorze pièces sans beats, confirmait cette exploration musicale hors des formats habituels.

Avec International, Saint Etienne reviennent à l'essence même de leur ADN : la pop. Avec Glad, coécrit avec Tom Rowlands, moitié de The Chemical Brothers et sur laquelle Jez Williams (Doves) joue de la guitare, on retrouve ce côté catchy irrésistible dont ils ont le secret. En plus des guests précités, l'album bénéficie d'une liste d'autres invités prestigieux : Vince Clarke, Nick Heyward, Confidence Man, Orbital ou encore Erol Alkan. Autre particularité du disque : chaque morceau ou presque débute par un court message introductif, en anglais, italien, japonais, allemand ou français. Par exemple, Why Are You Calling s'ouvre sur cette anecdote délicieusement ironique : « Bob est allé interviewer Françoise Hardy pour la troisième fois. Lorsqu'il est arrivé à son appartement parisien près des Tuileries et qu'il est entré chez elle, elle lui a dit (d'une voix lasse) : Ah, c'est encore vous ! ».

Dévoilé début août, Take Me To The Pilot, composé et coproduit avec Paul Hartnoll, est une pépite entraînante, à la fois sombre et lumineuse, portée par des synthés hypnotiques et un rythme irrésistible. L'album alterne entre dance songs (Brand New Me avec Confidence Man), excursions électro (He's Gone) et moments de pure sensualité (Sweet Melodies). Dans cette dernière, Sarah Cracknell s'interroge « New York, where do I stopped ? Paris, night time in Montmartre. Next time where will I go ? ». The Go Betweens, enregistré avec Nick Heyward, ou encore l'addictif Fade, figurent parmi les sommets du disque. The Last Time, referme l'album — et toute une époque — avec une intensité douce-amère.

Françoise Hardy chantait en 1968 « Comment te dire adieu ? ». Avec International, Saint Etienne offre leur propre réponse : un adieu vibrant, habillé de pop éclatante et de collaborations inspirées. C'est à la fois la synthèse et l'apogée de trente-cinq années de musique, un disque qui célèbre tout ce qu'ils ont été, avec très grande élégance. Même si on a du mal à croire à ce clap de fin et que certaines sorties en solo verront peut-être le jour dans le futur, (voire même une tournée qui sait), le monde de la musique ne sera plus tout à fait le même sans Saint Etienne.