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Pitchfork Music Festival

Paris, du 6 au 18 novembre 2025

Live-report rédigé par Franck Narquin le 10 novembre 2025

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samedi 8
Troisième soir des soirées Avant-Garde du Pitchfork Music Festival, ce festival où l'on vient autant écouter de la musique que vérifier si le mot "avant-garde" veut encore dire quelque chose. Entre un public de fidèles mélomanes, quelques touristes de la hype et beaucoup de bière tiède, on navigue de salle en salle à la recherche du frisson. Spoiler, on l'a trouvé plusieurs fois.


Tommy Barlow
19h00. Trente minutes avant le premier concert de la soirée, une longue file patiente déjà devant le Café de la Danse. A peine les portes ouvertes, une nuée d'adolescent.es s'amasse au premier rang. Surpris par un tel engouement pour Tommy Barlow, on apprend vite que ces fans surexcités patientent en fait pour le set de 21h40 de Malcolm Todd, 22 ans, nouvelle sensation du RnB alternatif US, déjà comparé à Steve Lacy et cumulant de plus d'auditeurs que l'ensemble des autres artistes des soirées réunis. Mais revenons à notre concert car Tommy Barlow est un autre nom à retenir. En quelques titres, le natif de Cambridge, accompagné d'un guitariste et d'un violoniste, envoûte l'audience avec sa voix rauque et ses compositions sombres et intenses. On pense à King Krule et Mount Kimbie et l'on se demande comment on a pu passer à côté de son sublime premier album Mustard Seeds.

Verdict : A découvrir absolument (pour adultes et adolescents)

LUCY (Cooper B. handy)
Comme dans un épisode de Star Strek, on se téléporte au Badaboum pour assister à la prestation de LUCY (Cooper B. Handy), phénomène underground inclassable que Pitchfork décrit comme « l'un des outsiders de la pop les plus brillants et les plus déjantés ». Sa biographie Spotify prévient qu'« il suffit d'une seule chanson pour comprendre qui il est et ce qu'il incarne ». Ça tombe bien, nous n'assisterons qu'aux quinze dernières minutes de son set bien foutraque. Figure centrale d'une scène lo-fi et DIY en ébullition, LUCY fabrique ses disques comme d'autres tiennent un journal intime, à coups de mélodies bancales, de beats malpolis et de fulgurances sincères. On pense à un jeune Beck époque Stereopathetic Soulmanure, bricolant son génie dans un garage trop petit pour contenir ses idées. Après l'introspection gracieuse de Tommy Barlow, la gaudriole arty de LUCY. La soirée démarre fort !

Verdict : LUCY in the Sky with Diamonds


Real Farmer
Elevés dans la campagne hollandaise, les quatre membres de Real Farmer ont troqué les fourches pour les guitares anguleuses et une rage punk. Ils investissent ce soir le Supersonic avec une sérieuse envie d'en découdre. Sans sommation, le groupe bastonne sévère. Malheureusement, la fosse n'était pas encore assez pleine pour accueillir de volcaniques pogos car leur musique s'apprécie ainsi, en sueur, les côtes enfoncées par des coups de coude et la bière en pluie tiède sur la nuque. Du coup, on pense à s'hydrater. Sans révolutionner le genre, ils envoient la sauce avec une énergie et une intensité débordante. Comme dirait Jean-Pierre Marielle, ça mitraille sec !

Verdict : Bezoek Groningen !


nabeel (نبيل)
Le jour, Yasir Razak, exerce la profession de professeur d'anglais à l'Université de Virginie. La nuit, il devient le leader de nabeel, tête de file d'un nouveau mouvement qu'on pourrait appeler l'arabic shoegaze. La musique de l'irako-américain s'inspire de l'indie-rock 90's (shoegaze, slowcore et grunge) et y ajoute des textes intimes, souvent centrés sur les relations familiales, chantés en arabe. Leur EP ghayoom reste l'une des propositions les plus excitantes que nous ayons écoutées cette année (on pense à My Bloody Valentine, Dinosaur Jr. et Elliot Smith jammant dans le désert d'Arabie). C'est donc avec une joie non feinte et une énorme excitation que nous nous calons au tout premier rang de la Mécanique Ondulatoire pour ne rien rater de leur set tant attendu. Intense, poignant, impressionnant, voire boulversifiant, on manque d'adjectifs pour qualifier ce qu'on y a vu et entendu, tant le groupe trouve la balance parfaite entre mélodies et noise. Pour couronner le tout, Yasir arbore une casquette du Liverpool FC, parce que chez nabeel, on aime le beau jeu et le romantisme flamboyant. Dites à George W. Bush, qu'on a enfin trouvé où se cachaient ses fameuses armes de destruction massive.

Verdict : You Will Never Walk Alone


Wombo
Direction le Supersonic pour retrouver Wombo, trio du Kentucky très attendu pour sa troisième apparition parisienne. Leur set est enlevé, précis, impeccablement exécuté, mais peine à réellement décoller, un peu trop sage, peut-être, coincé entre la révélation bouleversante de nabeel et la tornade annoncée de Makeshift Art Bar. Sur scène, le groupe reste concentré, presque statique, là où leur musique invite davantage au déséquilibre. On pense à Blonde Redhead en version minimaliste, à Stereolab sans les claviers, à ce rock d'art et d'ombre qui séduit plus l'esprit que les corps. Une parenthèse élégante et bien tenue, même si l'on aurait aimé les voir lâcher un peu la bride.

Verdict : Wombo, mais pas K.O.


Makeshift Art Bar
Débarqués de Belfast, les quatre de Makeshift Art Bar vont littéralement retourner le Supersonic Records. Malgré leur jeune âge, ils livrent un set incandescent, un rock noise incisif, brutal mais groovy, quelque part entre Gilla Band et Chalk. Le chanteur arbore un T-shirt de The Null Club (le groupe du guitariste de Gilla Band, Alan Duggan-Borges) et un badge Joy Division fixé à son jean par des épingles de nourrice, tout est dit. Sur scène, ça joue comme si leur survie en dépendait. Quand le guitariste perd sa sangle en plein morceau, il continue à marteler son instrument contre son ventre, puis ses jambes, dans un chaos parfaitement orchestré. Chilly Gonzales appellerait ça l'inconfort créatif, ce moment où la contrainte révèle la vérité du geste. On pense à Sonic Youth au bord de la rupture, à shame sous amphétamines, à ces groupes qui préfèrent l'urgence à la perfection. La grosse claque du festival !

Verdict : Belfast Calling


Witch Post
On termine la soirée au Supersonic avec Witch Post, duo américano-écossais dont le set, sans être désagréable, s'avère un peu plan-plan. Comme jeudi, le dernier groupe de la soirée souffre de passer après la tempête. Soyons honnêtes, on préfère papoter, serrer quelques pinces, claquer la bise, refaire le match et se constituer son best of de la soirée plutôt que d'être hyper attentif au groupe. On pense à attraper le dernier métro, à s'hydrater et à prolonger un peu la fête ailleurs. Puis, à un moment, on se dit que la musique n'avait peut-être rien de renversant, mais que la soirée, elle, l'était déjà bien assez.

Verdict : Même pas peur

Cette dernière soirée Avant-Garde aura confirmé ce que le festival sait faire de mieux, mélanger les horizons, provoquer des rencontres improbables et révéler des artistes qu'on suivra de près. Entre la grâce mélancolique de Tommy Barlow, la folie artisanale de LUCY, la révélation nabeel et la claque Makeshift Art Bar, on en a largement pour notre argent. On pense à ce moment précis où la fatigue, la bière tiède et la bonne musique finissent par former un seul et même sentiment, celui d'être exactement là où il fallait être (mais ça, ça ne vous regarde pas, bande de petits coquins !).
artistes
    Pollyfromthedirt
    Yaeger
    Somewhere Special
    Tommy Barlow
    Annahstasia
    Macolm Todd
    LUCY (Cooper B. Handy)
    454
    Bruki
    Real Farmer
    Wombo
    With Post
    Sean Solomon
    Gia Ford
    Makeshift Art Bar
    Stella Birdie
    Nabeel
    RIP Magic
photos du festival