Maps

Bienvenue dans une terre inquiétante aux immenses forêts et aux êtres mystérieux, où la magie est réelle et la sorcellerie redoutée. Une ferme hantée, une société secrète, un album disparu depuis plus de dix ans et qui réapparaît mystérieusement le jour d'Halloween… Les cartes de James Chapman sont décidément bien énigmatiques, et cette fois-ci, elles nous entraînent dans des territoires ombrageux où le réel se dissout dans le fantastique.

Sorti de nulle part ou presque, Welcome to The Tudor Gates s'impose comme un objet étrange, presque spectral. Est-ce en célébrant les vingt ans de son tout premier single que James Chapman a décidé de fouiller dans ses archives, ou bien quelque esprit frappeur s'est-il amusé à faire remonter à la surface un album que son auteur croyait perdu à jamais ? La frontière entre la coïncidence et la malédiction est ici aussi floue que les nappes de brouillard qui enveloppent la musique de Maps.

Présenté comme la bande originale d'un film d'épouvante que le musicien n'a jamais vu, cet album évoque ces œuvres de genre des années 60 et 70, où la contrainte technique devenait un moteur de créativité. L'angoisse y est feutrée, presque élégante : une peur domestiquée, diffuse, parfois teintée d'humour involontaire. On pense à ces films où les décors en carton-pâte et les effets spéciaux approximatifs finissaient par créer une atmosphère unique, plus poétique que terrifiante.


Comme à son habitude, James Chapman fait tout lui-même : composition, enregistrement et mixage. Mais loin de se complaire dans l'expérimental pur, il tisse un univers d'une grande cohérence sonore. Les mélodies, discrètes mais obsédantes, s'enroulent autour de textures synthétiques qui rappellent à la fois le psychédélisme et la musique ambient. Les percussions y sont rares, voire absentes, laissant la place à des nappes et des claviers brumeux. Chaque son semble minutieusement ciselé, dosé comme une potion de magicien. Maps joue avec les codes de l'épouvante mais n'oublie jamais la grâce. Pas de screamers, pas de monstres dégoulinants ni de possessions spectaculaires : nous sommes ici dans une épouvante vegan, subtile et pleine de saveur, où l'inquiétude se savoure plutôt qu'elle ne s'impose.

Les huit morceaux, simplement intitulés Chapter One à Chapter Eight, ne livrent aucune narration explicite : l'auditeur peut soit imaginer le scénario et peupler ce manoir sonore à sa guise, soit regarder le montage fait à partir de films des années 20's à 70's. C'est d'ailleurs en regardant le montage que l'on réalise le pouvoir évocateur des images qui sont bien plus angoissantes que celles qu'on pouvait s'imaginer.

Avec Welcome To The Tudor Gates, James Chapman réaffirme son talent singulier : celui de bâtir des mondes à la fois étranges et familiers, où l'émotion se glisse dans les recoins du son. Un album fantôme, élégant, mélancolique, et presque apaisant.