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Biffy Clyro

Interview publiée par Fab le 13 octobre 2009

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A l'aube de la sortie de leur cinquième album studio, Only Revolutions, et d'une longue tournée européenne en première partie de Muse, les trois écossais de Biffy Clyro reviennent pour nous sur le disque le plus atypique et ambitieux de leur longue discographie...

Votre nouvel album, Only Revolutions, sortira au début du mois de novembre. Comment s'est déroulé son enregistrement ?

Simon : Tout a commencé après notre dernière tournée l'année dernière. Nous n'avions pas envisagé de faire de pause mais j'ai voulu consacrer un peu de temps à mon side-project Marmaduke Duke pour enregistrer un nouvel album, et tout cela a pris beaucoup plus de temps que prévu. Nous sommes donc partis pour Los Angeles au début de l'été afin de retrouver Garth Richardson qui avait déjà produit notre précédent disque, et cela pour une durée d'environ deux mois avec une pause de trois semaines. Nous aurions pu l'enregistrer d'une seule traite mais cela n'aurait pas été sain pour nous, nous aurions fini par perdre la tête ! L'été n'a donc pas été facile de ce point de vue mais après avoir écrit de nouvelles chansons régulièrement pendant deux ans nous avions une idée très précise du résultat recherché.

Pouvoir sortir ce cinquième album après tous ces efforts, c'est une forme de délivrance ?

Simon : La sortie du disque est souvent la partie la plus excitante du processus. Nous n'avons pas changé nos habitudes pour écrire les chansons, nous étions installés dans notre campagne, un peu isolés. Il n'y avait aucune pression, nous évoluions à notre rythme en priant pour le disque soit à la hauteur de nos espérances au final. Nous avons écrit de bonnes chansons, d'autres plutôt moyennes, mais avec le recul il a été plus simple de faire le tri et de choisir quelles pistes travailler. La pression est venue lorsque nous sommes partis aux studios Ocean Way à Los Angeles... c'est un lieu de haut standing et il fallait justifier l'investissement en enregistrant un bon album. Nous avons vraiment réfléchi à tous les aspects du disque avant même d'y arriver, nous n'y allions pas pour passer des vacances mais pour travailler sérieusement. Nous sommes encore perçus comme un petit groupe indie et nous voulions prouver que l'argent dépensé n'était pas un gâchis.
James : Personne ne nous a mis de pression pour cet album, et si nous sommes encore là aujourd'hui à jouer de la musique ce n'est pas pour gagner de l'argent mais parce que nous prenons toujours autant de plaisir tous les trois qu'il y a dix ans. La pression vient de nous-mêmes car nous conservons une vraie volonté de progresser d'un disque à l'autre...
Simon : J'aime cet album comme tous ceux que nous avons enregistrés et il ne nous reste plus que quelques semaines à attendre avant que tout le monde puisse l'écouter. Même si l'on m'en donnait la possibilité demain, je ne changerais pas la moindre note sur cet album car je suis persuadé que ceux qui nous suivent depuis des années vont comprendre quelle a été notre démarche. D'un autre côté, où serait le plaisir si nous savions à l'avance que le disque va plaire (rires) !

Cet album est très différent de tout ce que vous avez proposé jusqu'à maintenant, est-ce que son titre, Only Revolutions, se rapporte à cette idée ?

Simon : Ce serait une possibilité mais il n'a pas été pensé en ce sens. La vie, l'amour et la mort font que l'existence même d'une personne est une révolution perpétuelle, et c'est cette idée que nous avons voulu souligné. Sur cet album, l'amour et l'espoir sont deux thèmes importants, c'est même l'une des principales différences avec Puzzle selon moi. Après une période vraiment sombre j'ai exploré des idées plus positives et cet album montre de quelle manière.

La plupart des chansons de ce disque présentent de nombreux arrangements avec du violon et des cuivres, des instruments que vous aviez déjà utilisés de par le passé mais jamais sous une forme aussi intensive. Quand avez-vous décidé d'explorer cette voie ?

James : C'est un aspect important du disque mais ce n'est pas la première fois que nous nous y essayons. Je pense malgré tout que l'impact est plus important cette fois-ci au sein des chansons, comme avec les cuivres pour The Captain par exemple. Biffy Clyro a toujours été et restera un groupe de rock mais il n'a jamais été question de fixer des barrières, notre univers n'est pas cloisonné et c'est ainsi que nous voyons les choses. Il est important de continuer à expérimenter de nouvelles idées plutôt que de rester figés dans quelque chose que nous avons maintes fois proposé.
Simon : L'utilisation de nouveaux instruments ne remplace pas ce que je considère comme la base des chansons, comme la guitare ou la batterie...

Vous avez collaboré avec David Campbell pour mener à bien l'enregistrement de l'album. Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur lui et son apport à votre musique ?

Simon : David avait en charge de mettre en place tous les arrangements du disque. Il n'est pas très connu mais c'est une légende pour moi, il a quand même été le bassiste de Marvin Gaye à une époque ! Il a écouté ce que nous avions à lui dire et il a trouvé comment intégrer les sonorités classiques dans nos chansons. That Golden Rule et The Captain sont des chansons rock basiques à la base mais David est vraiment parvenu à les transfigurer. C'était un challenge très excitant pour lui car il n'est pas habitué à travailler avec des groupes comme le notre, et surtout pas des chansons aussi puissantes. En dépit de toutes les personnes avec lesquelles il a collaboré durant sa carrière, j'ai été très impressionné par sa volonté de toujours aller plus loin dans ses idées. Si j'avais été à sa place, avec toute la gloire et l'argent qu'il a amassés durant des années, je n'aurais sans doute pas eu envie de rencontrer trois écossais comme nous (rires) !
James : Pour certaines personnes la musique devient rapidement un travail, une solution simple pour gagner de l'argent. Pour lui comme pour nous, il a toujours été important de faire passer le plaisir avant tout cela.
Simon : C'est une personne calme et posée, mais lorsqu'il est question de musique, c'est une personne unique dans sa manière d'être.

Le plus dur pour vous ne sera-t-il pas de parvenir à transposer l'aspect orchestral des chansons sur scène ?

Simon : Nous avons beaucoup travaillé en studio sur la manière d'interpréter ces chansons en trio sur scène, sans orchestre ou quoique ce soit, et je reste confiant en notre capacité à le faire comme nous l'avons toujours fait. Sur cet album nous n'avons pas décidé d'utiliser des arrangements juste pour le plaisir mais parce que choix apportait vraiment une plus-value... mais même sans cela, les chansons seront tout aussi bonnes quand nous les jouerons dans des conditions live. The Captain a été pensée en ce sens par exemple et, même sans les cuivres lors de l'introduction de la chanson, les autres instruments sauront compenser cette absence sans perdre une quelconque énergie. Encore une fois, Biffy Clyro est un groupe de rock avant tout, même si nous prenons parfois des libertés en studio. Enregistrer une chanson et la jouer face à un public sont deux choses distinctes Je trouve même cela très intéressant de pouvoir créer un impact de différentes manières à partir d'une unique chanson.

Only Revolutions ne serait-il pas plus simplement votre album le plus ambitieux à ce jour ?

Simon : D'un point de vue instrumental, je le pense. En plus des orchestrations que nous avons ajoutées, nous avons tous les trois tenté de modifier notre manière de jouer. Les riffs de guitare sont plus variés et même Ben a cherché à diversifier sa technique à la batterie. Notre ambition n'est pas nouvelle toutefois, je pense que c'est une qualité dont nous avons fait preuve sur chaque album même si parfois nous avons manqué de temps ou d'argent pour réellement aller au bout de nos idées. Je dirais aussi que notre expérience passée a tenu un rôle important car nous savions avant même d'entrer en studio quel était le but recherché. Tout était organisé dès le départ pour chaque chanson, et pour la première fois depuis longtemps tout s'est déroulé comme prévu du début à la fin.

Votre nouveau single, The Captain, est une chanson écrite il y a quelques années déjà. Pourquoi l'avoir enregistrée pour cet album alors que vous ne l'aviez pas retenue sur Puzzle ?

Simon : Il existe en réalité deux versions de cette chanson. La première, Help Me Be Captain, est celle que nous avons jouée à plusieurs reprises lors de nos concerts il y a trois ans environ et il sera possible de la trouver en bside de The Captain dans quelques semaines. Tout ne nous plaisait pas complètement dans cette chanson et nous ne l'avions jamais publiée... C'est pourquoi nous avons au final conservé certaines des idées pour en faire une seconde version différente et plus réussie selon nous. Les mélodies utilisées pour ces deux chansons sont proches mais certains aspects demeurent malgré tout différents et c'est selon moi ce qui fait le charme de The Captain. Les deux chansons forment un tout d'une certaine manière, je pense que nos fans sauront apprécier le résultat.

Vous avez travaillé avec Josh Homme sur Bubbles, pouvez-vous m'en dire plus sur cette collaboration ?

James : Tout a commencé avec les deux tournées que nous avons fait en première partie de Queens Of The Stone Age aux Etats-Unis et en Europe. Josh Homme est un musicien que nous apprécions et nous avons eu l'occasion d'apprendre à le connaître en tant que personne à cette époque. Lorsque nous sommes partis enregistrer l'album à Los Angeles nous lui avons téléphoné et il est venu nous rendre visite un soir. Il n'était pas prévu qu'il participe d'une quelconque manière mais après avoir écouté Bubbles à deux ou trois reprises il a pris une guitare et joué quelques notes. Il n'a pas cherché à changer la chanson, il a été très simple dans sa manière d'être et une autre personne aurait très certainement pu produire le même résultat. Nous avons surtout apprécié de passer un peu de temps avec lui à cette occasion.

Il est presque surprenant d'apprendre que Josh joue sur une chanson plutôt légère comme Bubbles...

Simon : La logique aurait voulu qu'il joue sur un titre plus heavy mais comme James l'a dit, nous n'avons pas fait venir Josh Homme juste pour le plaisir de le citer dans les crédits de l'album. Il était présent dans le studio et il a pensé qu'il pouvait apporter quelque chose de plus à cette chanson en particulier... et je pense que le résultat prouve qu'il avait raison. Je suis même content qu'il ait proposé de faire quelque chose pour Bubbles, il aurait été dommage de le faire sur une chanson trop proche de l'univers de Queens Of The Stone Age, cela n'aurait pas eu un grand intérêt. De son point de vue également, il était plus intéressant de s'attaquer à quelques chose de plus éloigné de ses habitudes.

Il y a environ un an, peu de temps après la sortie de Moutains, vous aviez affirmé que cette chanson était supposée clôturer le chapitre la période Puzzle. C'est une surprise de la retrouver sur ce nouvel album...

Simon : Il y a eu une vraie discussion à ce sujet au sein du groupe. La chanson avait été écrite durant les mois ayant suivi la sortie de Puzzle, elle appartenait donc logiquement à cette époque même si c'est l'une de nos compositions les plus joyeuses... contrairement à cet album. Mountains ne devait être qu'un simple single au départ mais nous avons eu peur que notre public l'oublie un peu trop rapidement ensuite si nous en restions là sans l'intégrer à un album. Dans cinq ans, si nous souhaitons la jouer lors d'un concert et que personne ne s'en souvient, ce sera un gâchis... Nous avons fait cette erreur une première fois en refusant d'intégrer Hope For An Angel sur Blackened Sky et maintenant la plupart des gens l'ont oubliée, la chanson est pour ainsi dire perdue. Il était hors de question de faire un mauvais choix une seconde fois.

Cela fait maintenant un peu de deux ans que vous avez quittés Beggars Banquet pour rejoindre 14th Floor Records, un choix que vous aviez à l'époque justifié par le fait que votre premier label ne vous permettait sans doute jamais de passer un cap supplémentaire. Êtes-vous satisfaits de votre choix désormais ?

Simon : Si je devais donner un simple exemple pour illustrer nos propos, ce serait Paris. Avant de rejoindre 14th Floor Records, nous ne donnions au mieux qu'un seul concert en France pour chaque album avec quelques dates en Europe. Depuis ce changement, nous sommes venus à de très nombreuses reprises seuls ou pour des premières parties, peut-être près d'une dizaine de fois maintenant. En choisissant de rejoindre une nouvelle structure nous avons fait le choix de nous exposer à une plus large audience. Je suis fier de toutes les tournées que nous avons faites au Royaume-Uni, mais si nous avions dû nous cantonner à cette région de l'Europe durant des années encore je crois que je me serais vraiment ennuyé. Au lieu de tomber dans la routine de l'enregistrement suivi d'une tournée de dix dates, nous avons maintenant la chance de partir aux États-Unis, au Japon ou en Europe régulièrement, et même d'assurer la promotion de nos disques dans différents pays comme aujourd'hui à Paris. Nous avons toujours cru en nous-mêmes et il était temps à un moment donné de trouver les ressources pour aller plus loin dans notre logique et montrer nos qualités à de nouveaux publics. Je ne veux pas paraître arrogant ou prétentieux mais lorsque nous avons pris la décision de quitter notre maison de disques nous étions convaincus que nous pourrions trouver un nouveau souffle ailleurs.
James : J'entends encore aujourd'hui des personnes nous critiquer par rapport à ce choix et je le regrette. Ces mêmes personnes pensent que nous avons fait ce choix en fonction de l'argent qui nous avait été proposé mais pourtant rien n'a changé dans nos vies. Nous n'avons jamais déménagé, nous répétons toujours dans les mêmes lieux et nos fréquentations sont identiques.
Simon : Le plus drôle par rapport à ce type de raisonnement est que nous sommes toujours considérés comme un groupe indie et que les investissements financiers sont mis en œuvre pour des formations autrement plus importantes que la notre. Je vais me répéter, mais seule notre ambition en tant que groupe et musiciens avait guidé notre choix.

Que vous reste-il alors à réussir en tant que groupe ?

James : Rester qui nous sommes et continuer à enregistrer des disques et partir en tournée. J'aime l'image positive que nous donnons auprès du public depuis des années et je souhaite sincèrement que rien ne change de ce point de vue. Pouvoir visiter plus souvent d'autres continents est aussi un objectif mais le mode de vie que nous avons toujours connu en tant que groupe me satisfait et je nous estime chanceux de pouvoir continuer à vivre ainsi près de quinze ans après la création de Biffy Clyro.
Simon : Ma plus grande fierté est que le groupe est toujours parvenu à se renouveler d'un disque à l'autre. Je suis heureux de voir qu'après toutes ces années nous sommes toujours bel et bien là alors que tant de groupes ont connu un succès éphémère avant de se séparer. Toutes proportions gardées, il n'existe que peu de formations, à l'image de Radiohead par exemple, capables de durer aussi longtemps sans disparaître. J'en suis fier.