Cardinals
The Guilteens

Retour sur les berges du canal Saint-Martin à Paris, dont les quais sont évidements désertés en cette fin novembre, les pavés mouillés et les feuilles mortes qu'on ramasse à la pelle pouvant provoquer gadins et autres entorses à foison. Ce soir, nous ne ferons pas la queue devant la salle de concert, nous irons plutôt nous réfugier dans les backstages en compagnie de Cardinals, afin de pouvoir rencontrer ce jeune groupe dont nous avons chanter les louanges dans ces mêmes colonnes, et ce dès la sortie de leur fabuleux 1er EP Cardinals en juin de l'an passé. Ces derniers ont alors décroché la très honorable 5ème place dans notre Top EPs 2024, à la suite de la toute première apparition du groupe à Paris lors du premier festival They're Gonna Be Big organisé par le Supersonic, qui n'a fait que confirmer tout le bien que nous pensions déjà de ce groupe difficilement définissable.

Cardinals, c'est un quintet de Cork en Irlande formé de Euan Manning au chant et à la guitare, Finn Manning à l'accordéon, Darragh Manning à la batterie, Oskar Gudinovic à la guitare également et Aaron Hurley à la basse et la petite demi-heure d'entretien que nous vous narrons dans une autre rubrique de votre webzine rock préféré vous démontrera que malgré leur jeune âge, ces musiciens affirmés savent pertinemment comment mener leur barque, leur musique et leurs fans avec.


Nous pénétrons donc dans la petite salle du Point Ephémère pour le tout début de la première partie nommée The Guilteens. Une première nous concernant avec ce groupe, lui aussi en provenance de Cork avec, dès les premières secondes, un style garage aux consonnances très goth rock. Le groupe est mené par un incroyable jeune guitariste du nom de Finn Sedas, sosie en plus fit du regretté John Belushi, lunettes noires, petite bouille renfrognée et chapeau melon, qui avec son timbre grave et son jeu de guitare très pointilleux nous embarque avec ses trois autres camarades Cathal Nally, Tomás O'Brien et Shane Murphy dans les méandres d'un son caverneux, dont la puissance résonne aux quatre coins de la salle et nous ébranle sans jamais non plus nos étourdir, jusqu'aux tréfonds de nos petits corps.
Leur musique, imprégnée d'une petite note de blues guttural, elle-même rehaussée par la trompette du second guitariste Cathal Nally, comporte une sacré touche d'élégance, de celles que l'on pourrait retrouver dans une BO de film noir, très captivante. En une petite demi-heure, The Guilteens ont remporté le défi de convaincre la salle, et les échanges très agréables entre le public et Finn, au français excellent, auront donné l'envie d'en connaître plus sur ce nouvel espoir venu d'Irlande, en écoutant notamment le premier EP du groupe intitulé Heavy Letters, sorti le 31 octobre dernier.


Mais ce soir, c'est bien un de nos crush 2024 que nous retrouvons. Au même titre que slate les Gallois et Scatered Ashes les Dublinois, Cardinals ont culminé dans le top EPs de votre chroniqueuse, et ce à juste titre : leur son fondé sur un mélange astucieux de post punk, de rock un peu cold wave et surtout, rehaussé de l'accordéon de Finn Manning, apportant une touche irlandaise sans jamais tomber dans le folklore, est tout simplement addictif.
Depuis 2024, Cardinals ont écumé les salles d'ici et d'ailleurs, jusqu'à aller jouer aux États-Unis, où ils ont mené leur toute première tournée en septembre dernier. De retour en Europe entre Allemagne, Belgique, Pays Bas et la seule date française ce soir à Paris, le groupe entame ainsi sa tournée pour clôturer l'ère du premier EP. C'est une salle honorablement remplie et dotée de pas mal de fans qui reprendra parmi les premier rangs les paroles de leurs titres. Cardinals ne font pas dans la démesure s'agissant de leur jeu de scène, nous avons plutôt à faire à des musiciens aux mines un peu sévères, mais cela va parfaitement avec leur musique qui, vous l'aurez probablement compris depuis quelque temps déjà, colle totalement avec les critères qui culmine dans notre propre grille d'évaluation, soit le sombre et le ténébreux (qui va très souvent avec le cheveux brun). Cela étant définitivement acté, Cardinals vont bien au-delà de ces quelques considérations, leur style, qu'eux-mêmes souhaitent ne pas vraiment définir, est un mélange envoûtant de guitares sachant tant faire dans la rudesse que dans la douceur. L'heure n'est jamais à la plaisanterie sur scène, et les regards affirmés comme le peu de paroles échangées renforcent le côté un peu insondable du groupe.


En seulement une petite heure et treize morceaux, nous plongeons tant dans les singles maintenant connus comme St Agnes, Twist And Turn et le très suave I Could Make You Care que dans les nouveautés, pour découvrir ce soir en live Masquerade, premier single issu du premier album à venir. S'en suivent Barbed Wire, Big Empty Heart et The Burning Of Cork, où de nouveau le chant de Euan apporte ce qu'il faut de luminosité à cette sonorité aux contours anguleux. De même, l'accordéon de Finn qui est devenu « la touche Cardinals » permet d'étoffer leur univers musical tout en rappelant d'où viennent nos amis. C'est une fidélité à toute épreuve envers leur ville natale que Cardinals mettent en avant, et pourtant, leur horizon va bien au-delà de la verte ile d'Irlande. Cependant, on ne peut s'empêcher de penser à d'autres formations irlandaises elles aussi un peu cabossées dans leur musicalité en écoutant Cardinals, et on se dit que cette scène est définitivement la plus excitante du moment.

Tout au long du set, sous un lightshow entre lumières et ténèbres, un peu à l'image de ce flux instable d'émotions que déclenche leur musique à nos oreilles, Cardinals tiendront fermement la scène sans vaines effusions, et feront à nouveau preuve d'un très haut degré de professionnalisme. Un sérieux qui peut cacher également un peu de vulnérabilité, rendant de fait ce groupe très attachant. Cette première tête d'affiche de Cardinals aura été un succès, le groupe nous ayant convaincu de son très fort potentiel, et au même titre que d'autres compatriotes avant eux pour lesquels les étoiles ont su parfaitement s'aligner pour leur ouvrir les portes de la renommée internationale, malgré un style à la base réservé aux initiés, nous souhaitons à cette incroyable formation de tout chambouler sur son passage grâce à sa musique authentique et extrêmement attirante.