Elbow

Après un disque comme The Seldom Seen Kid unanimement reconnu comme un sommet de la pop anglaise des années 2000, ce nouvel album était fortement attendu par tous les fans d’Elbow. Il peut être difficile de se relever d’un tel succès, mais avec ce groupe pour lequel la modestie et la sensibilité priment, les compositions font toujours mouche.

Build A Rocket Boys! s'ouvre avec des titres qui prennent leur temps afin de laisser évoluer chaque chanson jusqu’à en obtenir l’intensité désirée. L’entame sur The Birds est déjà un grand moment, annonçant dès le départ un album qui donne envie d’en écouter plus. Sous forme de crescendo, cette introduction donne le ton à un disque s’annonçant précis, avec des arrangements proches de la perfection et une voix plus maîtrisée et enchanteresse que jamais. Guy Garvey s’impose plus encore sur ce disque comme une des grandes voix de la pop actuelle. Subitement des notes de claviers apportent une touche électronique qui, mélangée à un violoncelle, donne un coté épique à cette fusion entre l’organique et l’électrique.
On ressent immédiatement un sentiment d’intemporalité quasi-religieuse lorsqu’une chorale occupe l’espace sonore sur Lippy Kids, ou encore lorsque The Birds est reprise en fin d’album avec une voix vieillie, celle de John Moseley. La superposition du chant et des chœurs façonne une émotion incomparable procurant l'envie d’écouter le titre encore et encore. Ces chœurs apportent même une face gospel lorsqu’ils sont accompagnés de clappements sur With Love ou une profondeur supplémentaire lorsque les voix de Garvey et des frères Potter se mélangent.

Il règne sur la majorité des titres un sentiment de calme par rapport aux précédents, même si quelques changements d’ambiances existent comme la basse puissante de Neat Little Rows. Ce dernier est le seul titre rock présenté ici, ce qui pourrait en faire un single redoutable avec son refrain au piano des plus accrocheurs. Son évolution se veut psyché avec un rythme saccadé recouvrant une guitare aux accents presque noisy en arrière. Elbow retrouve ici des habits plus torturés après des débuts plus en retenue.
Quelques ballades aux accents folks sont également présentes à l’image de The Night Will Always Win et sa voix déchirante au summum de son intensité. Un instant de perfection, de flottement, qui laisse Guy Garvey s’imposer sur une lente mélodie accompagnée d’un simple clavier et de tambours lointains. The River est de la même trempe avec ces piano-voix flottant dans la stratosphère et offrant des moments d’accalmie entre des passages plus pop. L’un d’entre eux a pour nom High Ideals et propose un rythme plus funky sur un riff de guitare tranchant, raisonnant sur des cuivres et des violons addictifs. Open Arms tente quand à elle une incursion au synthé, avant d’évoluer vers un refrain limpide et plein d’espérance chanté à tue-tête et rappelant Arcade Fire dans ce qu’ils ont fait de meilleur.

Placé en clôture, Dear Friend, tout en légèreté, confirme que, décidément, il n’y aura aucun temps mort sur ce disque puisque chaque chanson est une petite pépite qui force l’admiration à chaque écoute. Avec Build A Rocket Boys!, Elbow s’assume pleinement comme une formation de référence dans la musique britannique.
On retrouve dans ce cru une qualité de composition du niveau des meilleurs moments du groupe avec une réelle capacité de synthèse. De la mélodie classieuse et intemporelle, on passe à un tournant rock, une douceur folk avec quelques touches de synthé. Certaines compositions sont taillées pour le live et les adaptations en résultant apporteront certainement encore plus de magie à un album plus posé mais véritablement réussi.