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Robert Plant

lullaby and... The Ceaseless Roar

Robert Plant - lullaby and... The Ceaseless Roar
Chronique Album
Date de sortie : 08.09.2014
Label : Nonesuch/ Warner Bros. Records
4
Rédigé par Xavier Turlot, le 29 septembre 2014
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A une époque où Led Zeppelin reviennent sur le devant de l'actualité musicale avec la réédition de leurs premiers albums, l'attention de son meneur semble se porter sur bien autre chose. Avec la sortie de son dixième album solo, lullaby and... The Ceaseless Roar, Robert Plant continue de sillonner avec aisance et ouverture d'esprit des territoires musicaux très différents de ceux qui l'ont vu percer il y a quarante-cinq ans. Il est appréciable de voir un mastodonte de l'histoire du rock évoluer sans ringardise hors de l'ombre de son passé.

Toujours accompagné de musiciens aux cursus variés, les Sensational Space Shifters, l'Anglais livre à nouveau un mélange de sonorités étonnant destiné en priorité à envoûter et à brouiller les sens. Passionné de longue date par la musique celtique, il a depuis été attiré par un blues beaucoup moins nerveux que celui auquel il s'adonnait au sein de Led Zeppelin, ainsi que par la musique traditionnelle d'Afrique du Nord. Ce nouvel album, qui marque son retour en terres britanniques après un long épisode américain, est un objet étrange et hypnotique qui se refuse à la facilité.
Rien à voir avec les ballades country-blues enregistrées avec Alison Krauss en 2007 sur Raising Sand ou avec les touches americana prononcées de Band Of Joy en 2010. L'ouverture du disque se fait ici par une sublime et frénétique ligne de banjo sur une reprise d'une chanson traditionnelle, Little Maggie, qui arbore une couleur intemporelle et inclassable avec son violon celtique et ses bidouillages électroniques. C'est un avertissement. La texture de la voix est presque soufflée, donnant un air d'incantation au phrasé du chanteur. Une magnifique introduction hors d'âge et à cheval sur plusieurs continents...

Robert Plant sait toujours dérouler ses talents d'écriture, ayant particulièrement soigné les mélodies vocales de Rainbow et Somebody There, deux belles chansons aux allures de singles estivaux remplis de poésie. Le timbre du chanteur est calme et posé, très loin des envolées lyriques de sa formation initiale, et ce registre lui sied à merveille. Sans doute même qu'il aurait dû l'explorer bien plus tôt... Sur Pocketful Of Golden, on peut encore tracer la filiation très rock progressif dans l'élaboration du morceau, même si les percussions et la flûte irlandaise nous montrent que le chemin part déjà plus loin...
La rupture arrive réellement sur le quatrième titre de l'album, Embrace Another Fall, où Plant fait un grand écart entre ballade celtique légèrement kitsch à la Loreena McKennitt et musique orientale, avec toute une batterie d'instruments incongrus qui sont sortis : bendirs, kologos, tehardants... La mélodie déroutante et légèrement dissonante s'efface un moment pour laisser s'épancher une décharge de guitare électrique, avant de mettre en voix en avant la voix d'une chanteuse, Julie Murphy, à qui revient l'honneur de terminer ce morceau protéiforme. Robert Plant a poussé ici au maximum son talent pour varier les ambiances et transformer un morceau en voyage, au risque peut-être de friser l'excès (les nappes des violons synthétiques sont toujours un peu hasardeuses…).

Des rumeurs courent quant à une collaboration avec Jack White... A l'écoute de Turn It Up et de Up On The Hollow Hill, on se dit que rien ne serait plus logique et fécond. La première possède une structure mélodique et rythmique bancale avec un côté angoissant à la Alice Cooper, sans négliger une bonne grosse décharge de blues rock. La voix du leader ne s'emballe que lorsque c'est strictement nécessaire, à la limite d'une transe psychédélique des années 1970. La seconde dévoile une magnifique progression vocale qui joue avec une guitare criblée de distorsion. Un solo enchanteur s'y déploie avec sensualité, et à aucun moment le morceau ne part dans une direction indésirable. Ce schéma linéaire laisse la simplicité de la composition nous percuter avec délicatesse, et constitue peut-être la meilleure piste de l'album.
Deux morceaux très pop FM frôlent quand même l'indigestion : A Stolen Kiss et House Of Love. La première déploie un piano très kitsch et une mélodie qui rappelle The Rain mais en moins convaincant, quant à la seconde elle recèle un petit quelque chose qui fait penser à du U2 tardif, avec ce choix toujours discutable des violons... Un léger manque de personnalité mais qui constitue un point faible tout à fait acceptable. Car le groupe s'est aussi lancé dans une reprise d'une chanson d'un très ancien bluesman, Leadbelly, intitulée Poor Howard. Le banjo y a logiquement la part belle, et Robert Plant est toujours aussi à l'aise dans ce registre qu'il n'a enfin de compte jamais quitté. Le violon country, les chœurs pop et les instruments à cordes touaregs forment ensemble un résultat très étonnant. Il aura fallu qu'un jour quelqu'un ait cette idée d'assembler ces conceptions musicales éloignées de milliers de kilomètres. Les Sensational Space Shifters se font même plaisir en craquant sur un jam d'afrobeat intitulé Arbaden, chanté par Juldeh Camara, et qui touche la frontière de la transe avec son chant ensorcelant mais qui hélas se conclut étrangement tôt.

A l'observation de la carrière de solo de Robert Plant, on comprend qu'il coupe court avec dédain aux rumeurs d'une reformation de Led Zeppelin. Refusant de vivre sur les vestiges de son histoire, il ne semble toujours pas prêt à vivre la vie de rentier anglais anobli que beaucoup d'autres ont adoptée. Il dit s'être interrogé sur sa capacité et sa motivation à écrire encore des chansons, et ne l'avoir fait qu'une fois en avoir été convaincu. L'écoute de ce dixième album depuis 1982 confirme que le talent, l'authenticité et la curiosité sont toujours aussi vivaces, il n'y a que la maturité et de nombreux voyages qui s'y sont greffés...
tracklisting
    01. Little Maggie
  • 02. Rainbow
  • 03. Pocketful Of Golden
  • 04. Embrace Another Fall
  • 05. Turn It Up
  • 06. A Stolen Kiss
  • 07. Somebody There
  • 08. Poor Howard
  • 09. House Of Love
  • 10. Up On The Hollow Hill (Understanding Arthur)
  • 11. Arbaden (Maggie's Babby)
titres conseillés
    Rainbow, Turn It Up, Up On The Hollow Hill
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