Dans la famille, « artistes de légende », je demande le Saint-Père. Après Patti Smith, Iggy Pop et Björk, les Nuits de Fourvière offrent à leur public rien de moins que l'ex-leader du groupe à l'origine du hard rock et de vocations musicales par centaines depuis cinquante ans : Led Zeppelin.
En mode solo, accompagné des Sensational Space Shifters – une équipe de fins limiers piochés dans les entourages de Portishead, Brian Eno et Tinariwen – la voix de Starway To Heaven et Whole Lotta Love se produit sur la scène du Théâtre Antique de Fourvière pour la plus grande joie de ses fans, de 7 à 77 ans.
Il est précédé du mystérieux et assez peu connu Don Cavalli. L'homme vient du Sud-Est de l'Italie, à l'origine ; puis du Val-de-Marne, où il a grandi et vit ; puis d'Amérique, entre Tennessee et Caraïbes, où il a trouvé le terreau fertile de sa musique. Ce grand fan de rock'n'roll primitif (qu'il a longtemps pratiqué) s'est fait largement connaître sur les ondes de Radio Nova, notamment avec son titre blues orientalisant, The Greatest, interprété avec la chanteuse chinoise Xiao Li Zhan. A trois sur scène, le blues rock de Don Cavalli est une parfaite introduction au set à venir. On regrettera que les titres, souvent très bien produits, de Don Cavalli sonnent un tantinet simplistes et légers en configuration live.
A soixante-six ans, Robert Plant en impose encore, physiquement parlant. Barbe fournie et chevelure imposante, Robert Plant et sa formation réjouissent les fans venus, comme souvent écouter en priorité les titres les plus anciens de l'ex-Led Zeppelin. C'est chose faite dès le premier titre du set avec, Trampled Under Foot. Et, si les premières mesures révèlent une quasi jouissance spirituelles pour celles et ceux qui n'ont jamais eu la chance d'assister à un concert des légendaires Led Zeppelin, il faudra, comme pendant tout le set, se contenter de version réarrangées et souvent tronquées par une orchestration de qualité, mais déroutantes.
Sur Black Dog, troisième titre de la prestation, le doute n'est plus permis. Robert Plant n'est plus dans la performance vocale comme du temps de son duo avec l'immense Jimmy Page. Difficilement reconnaissable, ce titre phare de Led Zeppelin n'est plus que l'ombre de lui même. Mais, après cinquante ans de carrière et des milliers d'interprétations des standards du groupe de par le monde, il semble logique que Robert Plant revisite ses propres titres. Moins dans la performance vocale et les aiguës que par le passé, il démontre, finalement une tessiture peut être plus variée. Sur scène, Liam "Skin" Tyson, Justin Adams, Billy Fuller, John Baggot, Dave Smith côtoient le musicien et chanteur africain Juldeh Camara passé maître dans le maniement du riti, violon traditionnel africain à une corde. Aux cotés de Justin Adams et Jimmy Page intérimaire il assure les solos sur Spoonful ou Little Maggie. Après seulement trois titres de son répertoire le plus récent, Rober Plant And the Sensational Space Shifters entament le tour d'honneur de fin de set avec un medley composé de Cross Road Blues, I Just Wanna Make Love To You, You Need Love et, enfin, un Whole Lotta Love démarrant sur une trombe de percussions rock and rollienne et finissant sur des tonalités toutes africaines.
C'est, au final Rock And Roll le bien nommé, joué en fin de rappel qui se rapprochera le plus de l'esprit des Led Zeppelin, renforcé par les très bonnes performances des deux solistes au corps à corps, Justin Adams – dont le talent scénique est remarquable, notamment quand on a la lourde tache de jouer les quasi remplaçants d'un Jimmy Page – et Juldeh Camara en fin de titre. Difficile de se faire une idée de la satisfaction d'un public lyonnais, privé de coussins verts pour un soir sur demande de l'artiste. Si ces derniers n'ont pas volé de part et d'autre de la scène en guise de pouces levés vers le ciel, nombreux sont ceux qui ont, pour un soir, gravi les marches menant droit au paradis du rock. Malgré un set bien moins puissant que celui d'Iggy Pop (pour comparer ce qui est à peu près comparable) et une prestation moins nerveuse de la part de Robert Plant, le set de ce soir a été à la hauteur de l'enjeu : on a vu et entendu l'ex-leader de Led Zeppelin sur scène. Et ça, c'est déjà beaucoup !