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Noel Gallagher's High Flying Birds - Chasing Yesterday
Chronique Album
Date de sortie : 02.03.2015
Label : Sour Mash Records
4
Rédigé par Hugues Saby, le 27 février 2015
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Nous sommes le 25 février 2015, il est 16h45 heure locale, la température extérieure est de 9°C, le temps est nuageux avec de courtes éclaircies. Le commandant de bord Noel et son équipage d'oiseaux de haute-voltige vous souhaitent la bienvenue à bord de cet appareil. Décollage imminent, aller simple pour l'irrationnel. Ah ? Oui, car ici bas, dès qu'un Gallagher ouvre la bouche, que ce soit pour émettre une note, raconter une connerie plus grosse que le melon de Liam, ou insulter son frère, le monde entier devient cinglé. Et ce depuis ce fameux 31 mars 1993 où Oasis joua quatre morceaux -dont une reprise- au King Tut's Wah Wah Hut de Glasgow et fut signé par Creation Records. Après ce jour, la raison n'a plus eu sa place nulle part. Ce jour-là, un maelstrom de dinguerie s'est levé. Il ne s'est jamais calmé, et les deux geezers de Manchester ont entraîné tout le monde avec eux dans les moments les plus glorieux – Definitely Maybe et (What's The Story) Morning Glory?, les records de vente, Knebworth -, ceux moins glorieux – les disques d'après, Beady Eye, les fights sur Twitter -, mais surtout ces purs moments de rock'n roll complètement barges – l'interview Wibbling Rivalry, la réception au 10 Downing Street, la séparation à Rock en Seine-... Peu de personnalités musicales ont incarné à ce point l'idéal rock en ce qu'il a de plus génial ou de plus ridicule, de plus démesuré et de plus risible.

Tout ça pour dire que non, il est impossible d'être rationnel lorsque sort un nouvel album estampillé du sceau royal. D'abord parce que personne n'est objectif – surtout pas votre serviteur, qui considère le premier album d'Oasis comme le chef d'œuvre rock absolu -, que tout et surtout son contraire a été dit sur le sujet Gallagher, et que quoi qu'on pense, personne ne sera d'accord. Je suis sûr que certains d'entre vous me détestent déjà pour ce que j'ai pu dire à un moment ou un autre de ces courtes lignes. Tenter de se mettre d'accord serait aussi illusoire que de réconcilier un fan de Manchester United avec un ultra de Manchester City. Vous voyez le genre ? L'ouverture de Chasing Yesterday est la meilleure démonstration de cette théorie : dès que résonnent les premiers accords de Riverman, la patte est immédiatement reconnaissable. Ce rythme si particulier, ces harmonies inimitables, concentrent en quelques secondes l'essence même de l'écriture de Noel. On peut y reconnaître Wonderwall bien sûr, et plein d'autres morceaux. On peut y voir un clin d'œil, une resucée des vieilles ficelles, du génie, de l'arrogance ou de la fainéantise. Tout le monde aura raison, tout le monde aura tort. Et surtout, on s'en branle. Pour la simple et bonne raison que le chief est un songwriter de génie depuis qu'il est né, et qu'il a tellement fait pour le rock qu'il n'a plus rien à prouver. Que ce titre soit bon, moyen ou mauvais, que cet album vaille la peine d'être écouté ou non, que Noel soit fini ou frais comme au premier jour, tout cela n'a aucune importance. Sur ce disque, et comme à chaque fois qu'il compose, chaque note tombe juste, au bon moment, exactement où on l'attendait. Noel sait ce que l'on veut, il nous le donne, il le fait bien. Son timbre nous enveloppe et nous rassure parce qu'on le connaît depuis toujours, depuis ce moment où on l'a entendu, ébahi, pour la première fois. C'était sur Don't Look Back in Anger, c'était il y a une éternité, c'était hier.

Cela dit, il faut bien faire le job et mettre une note à ce disque. Je le dis et le répète : cela n'a aucun sens, mais c'est le jeu. Alors, cet album, que vaut-il, « objectivement » ? Certains titres sont des démonstrations pures, véritables manuels de songwriting pour les nuls. C'est le ces de Riverman (dont certaines résonances évoquent fortement Cast No Shadow) et surtout de The Dying Of The Light. La tension/résolution du couplet/refrain y est un modèle du genre, et certaines paroles sont d'une beauté d'un autre monde aussi bien que d'une simplicité à pleurer. « And I try my best to get there, but I can't afford the bus fare », c'est désarmant non ? Il y a des cavalcades garage pop comme au bon vieux temps (Lock All The Doors, qui lorgne du côté de Morning Glory - le morceau, pas l'album - et You Know We Can't Go Back dont l'intensité et la nervosité rappellent le premier album solo de Johnny Marr).
Il y a des ventres mous (The Girl With X-ray Eyes, The Mexican). Il y a ce single énervant (In The Heat Of The Moment) qui agace avec ses choeurs et ses cloches surproduites. Il y a des envolées lyriques et des expérimentations dont l'excès de polissage les rend plutôt vaines (Ballad Of The Mighty I, The Right Stuff). Parfois, Noel abuse de son talent et se vautre dans la facilité, que ce soit dans la répétition d'un poncif d'écriture classique (les « on and on, and on, and on... » sur While The Song Remains The Same) ou dans des paroles dont la banalité est indigne de lui (« You'll be by my side ; The more that you want it, the more that you need it »). Parfois, il parvient à glisser dans les morceaux les plus calmes une urgence sidérante, comme s'il avait encore vingt ans (le refrain de While The Song Remains The Same).

Tout ceci n'est, bien sûr, que le début d'un semblant d'analyse, tant on pourrait disserter des heures entières sur telle ou telle ligne de guitare, telle ou telle inflexion de voix, l'art du bonhomme à capturer une émotion en un accord, deux notes, trois mots, et son égale faculté à tout gâcher par une faiblesse due sans doute à un émoussement bien compréhensible et bien légitime de son style d'écriture et de composition. Et encore une fois, il serait vain de cataloguer ou évaluer ce Chasing Yesterday. Si vous n'avez pas compris pourquoi à ce stade, je ne peux plus rien pour vous. Au final, ce disque est très réussi, peut-être même plus que son prédécesseur. Il ne mérite sûrement pas un 5, mais pas non plus un 0, et encore moins un 3, intolérable médiane pour un sujet de cette envergure. Quand je pense à Standing On The Shoulder Of Giants, je penche pour une note médiocre. En réécoutant Live Forever ou Supersonic, j'aimerais pouvoir lui mettre un 10, comme à l'école des fans. La morale de cette histoire, c'est que le commun des mortels ne peut pas juger un Gallagher, du moins pas à la lueur des critères standard. Ces deux têtes de lard ont atteint un statut comparable à celui de leurs idoles proclamées, les Fab Four, avec leur horde de tifosi inconditionnels et de haters intarissables. À leur sujet, tout le monde a tort, et tout le monde a raison. Tout ce qu'on sait, c'est qu'ils nous ont permis de vivre des moments de grâce et ont écrit quelques unes des plus fabuleuses pages de l'histoire de la musique populaire moderne.

Ça peut plaire ou déplaire, c'est comme ça, tout simplement. Ou pas. Tout le reste n'est que littérature.
tracklisting
    01. Riverman
  • 02. In The Heat Of The Moment
  • 03. The Girl With X-Ray Eyes
  • 04. Lock All The Doors
  • 05. The Dying Of The Light
  • 06. The Right Stuff
  • 07. While The Song Remains The Same
  • 08. The Mexican
  • 09. You Know We Can't Go Back
  • 10. Ballad Of The Mighty I
titres conseillés
    Riverman - Lock All The Doors - The Dying Of The Light - While The Song Remains The Same
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