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La Route du Rock

Saint-Malo, du 19 au 20 février 2010

Live-report rédigé par François Freundlich le 20 février 2010

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vendredi 19
La Route du Rock Collection Hiver est de retour, au sommet de sa forme puisque complète depuis plusieurs semaines. Cette édition débute sur la fausse note de l'annulation de la tête d'affiche The XX, comme l'an dernier avec Gang Gang Dance et Deerhunter. Le sort s'acharne mais ce festival, désormais bien ancré dans les grands évènements rock de l'année, est toujours là pour embellir notre hiver. De mon coté, arrivé très tôt et attendant l'ouverture tardive devant l'entrée de l'Omnibus, je ressens plus le coté hiver que le coté Route du Rock.

Les américains de Fiery Furnaces vont immédiatement réchauffer l'ambiance. De premier abord, je ne reconnais pas le groupe qui accompagnait Franz Ferdinand en 2004 : des claviers disparus et un Matthew Friedberger laissant sa soeur Eleanor chanter sans y ajouter ses intonations. Le groupe se fait beaucoup plus rock qu'auparavant et teinté de rythmiques punk. Malgré tout, les chansons sont foutraques, comme si quelques secondes de dix titres étaient assemblés pour n'en former qu'un au final. Les changements de rythmes sont incessants, et entrecoupés de petits passages à la guitare qui lancent la suite du morceau.
Comment ne pas être étonné par le phrasé si particulier de la chanteuse à frange et au look pyjama discutable, souvent beaucoup plus parlé que chanté. Le débit de chant est très rapide et cela dénote fortement avec ce qu'on peut connaître d'eux sur disque. La voix peut se faire un peu monotone et monocorde à la longue. Les belles mélodies pop se sont transformés en rock fiévreux tout juste sorti du four, avec de gros riffs, une batterie très lourde et un ensemble très énervé. Une très bonne surprise pour débuter la soirée, on entre immédiatement dans le vif du sujet avec un groupe qui aurait mérité de se produire plus tard.

Mais « pop is not dead » car c'est au tour de Beach House d'entrer en scène. Comment ne pas tomber sous le charme de Victoria Legrand et de sa voix rauque aux mille facettes ? Devant son clavier, et avec une sensualité inouïe, elle égraine ses pépites de titres plus délicieux les uns que les autres. Alex Scally l'accompagne d'une guitare donnant la mesure à des nappes de claviers planants et à une batterie lointaine. Mais les yeux sont rivés sur Victoria lorsqu'elle entame le magnifique Norway. Son introduction aérienne et ses montées de claviers se superposent à une voix qu'on semble redécouvrir à chaque fois qu'elle raisonne, créant une atmosphère très particulière dans la salle. Le public est attentif et sous le charme. Les plus beaux morceaux des albums Devotion et du très bon Teen Dream sorti récemment sont proposés, même si on regrettera l'absence dans la setlist de Used To Be. Beach House m'a ébloui ce soir et j'ai aimé chaque minute du concert au point de ne plus vouloir qu'ils (elle) nous quittent. Car tel le doux rêve adolescent de leur album, la simplicité intemporelle autant qu'éphémère du trio aura marqué magiquement cette Route du Rock. Les mots sont parfois superflus pour décrire un ressenti mais un concert de Beach House se vit intérieurement tout simplement.

Comment continuer la soirée après ça ? Plus dure sera la chute... Troisième groupe américains de la soirée, Jackie-O-Motherfucker va faire retomber l'ambiance d'une Route du Rock qui va s'assoupir pendant quelques temps. Débutant par une longue introduction lente et planante avec une voix lointaine et plaintive, il se trouve que cette introduction n'en n'est pas une puisqu'elle va durer tout le long du concert. Laissant une grand place à l'improvisation, le groupe propose un rock expérimental et psychédélique. Le concert est avant tout une performance joignant le free jazz au rock progressif. Le quatuor à lunettes propose un son déstructuré, donnant avant tout l'impression de jouer pour lui même. Difficile d'accrocher, et une grande partie du public se décide à aller boire ailleurs pour fuir ce groupe « chiant comme la pluie ». La seule solution est d'aller s'asseoir, tout en remarquant un nombre important de personnes endormies dans le public, et attendre que cela se passe.

Malgré tout, ça n'est pas le moment de sombrer car la fin de soirée s'annonce dantesque. The Horrors débarquent sur scène dans une hystérie collective. Le groupe le plus attendu de la soirée va enfin déchaîner les kids français et anglais(es) venus pour pogoter, tout de même. Le quintet au look typé (mais moins qu'avant) débarque : Faris Badwan en dernier, très acclamé lors de son entrée en scène. Le charismatique leader va haranguer un public qui lui est clairement dévoué, recevant pull-over et soutien gorge. La voix sombre et le poing levé, Faris capte l'attention avec son air rebelle et insolent. Le reste du groupe est plus en retrait, trop occupé à assener un son d'une puissance fulgurante.
Les basses terrassent les murs de l'omnibus et le son garage tinté de punk et de new wave remue l'estomac. Les couches instrumentales se superposent avec un Joshua Third au look Johnny Greenwood '93 qui tranche de sa guitare les synthés et machines du brillant Spider Webb comme sur un I Can't Control Myself lourd et au son Joy Divisionesque. Le public s'enflamme et se bouscule en tentant quelque slams. Les titres joués sont majoritairement ceux du dernier album Primary Colours à l'image d'un final sur Sea Within A Sea entêtant, avec un crescendo et un final déboussolant. Nous n'avons pas droit au rappel dantesque qui m'aura encore plus marqué dans d'autres concerts hors festival, mais on en sort tout de même conquis par ces horreurs endiablées. « Don't believe the hype » mixent les Magnetic Friends lors des changements de plateaux, là on a envie d'y croire.

La soirée continue avec BEAK> présenté comme le projet solo de Geoff Barrow de Portishead. Il est accompagné par Billy Fuller à la basse, assis au centre de la scène, et Matt Williams aux claviers et arrangements divers. Geoff est quand à lui le plus souvent derrière la batterie et au chant. Il échange sa place sur certains morceaux avec Matt pour attraper une guitare. Le son proposé est assez complexe et nécessite un temps d'adaptation pour bien comprendre ou ils veulent en venir. Mais une fois que l'on est entré dans leur monde, difficile d'en ressortir : on se sent pris aux tripes par leur son.
Les morceaux sont basés sur une batterie rapide accompagné d'un chant lointain avec énormément de reverb. Le synthé apporte un coté krautrock expérimental pour faire évoluer la structure fixe basse - batterie des morceaux vers un son plus barré. Les meilleurs titres restent ceux ou le clavier est remplacé par une guitare grave et trainante, le son se fait plus fort, poussant parfois le public à se boucher les oreilles. Ce dernier n'est d'ailleurs pas revenu en nombre après le concert des Horrors. BEAK> est un groupe qui peut susciter l'interrogation ou l'ennui si on ne cherche pas à entrer dans son univers mais qui devient jouissif si on parvient à le comprendre. On ferme alors les yeux et on se laisse emporter.

Nous avons assisté ce soir à des concerts inégaux mais dans l'ensemble plaisants si l'on excepte un gros coup de mou de milieu de soirée. Beach House restera le moment magique à retenir, autant que The Horrors le moment de folie. Fiery Furnaces étaient très bons et auraient peut-être du échanger leur place avec Jackie-O-Motherfucker, qui n'avaient pas ici leur place tout simplement. L'intensité de BEAK> a séduit, quant à Turzi ils achèveront cette soirée avec leur electro-rock entraînant. A samedi, pour une soirée très attendue et qu'on espère attractive car riche en groupes très prometteurs.
artistes
    Turzi

    BEAK>

    The Horrors

    Jackie-O-Motherfucker

    Beach House

    Fiery Furnaces

    Magnetic Friends