logo SOV

La Route du Rock

Saint-Malo, du 19 au 20 février 2010

Live-report rédigé par François Freundlich le 21 février 2010

Bookmark and Share
samedi 20
Le deuxième jour de cette Route du Rock Collection Hiver s'annonce riche en découvertes scéniques. Le feuilleton des annulations continue puisque These New Puritans qui devait remplacer The XX n'ont finalement pu venir... sans nouvelles de leur chanteur. Soit un coup des aliens, soit, pire, peut-être est-il resté coincé sur le Grand Bé de Saint-Malo à marée haute. The Tallest Man on Earth assurera le show, un jour avant son premier concert en France.

Annoncés de manière grandiloquente par un québécois, Clues ouvrent cette soirée avec leur pop déjantée. Alden Penner fait raisonner sa voix cristalline qui faisait déjà atteindre des sommets à son ancien groupe, The Unicorns. Le premier titre Elope est une introduction toute en douceur qui permet de découvrir les deux claviéristes bidouilleurs qui l'accompagnent, ainsi que deux batteurs dont un en short et avec paires de lunettes, ce qui leur vaut des points. Le premier moment fort est Perfect Fit et son introduction au piano sur laquelle se posent quelques paroles tremblantes dont émane le premier frisson du concert. Alden est impressionnant de maîtrise dans les aiguës et l'orgue qui l'accompagne n'en est que plus intense. L'un des grands moments reste lorsque le batteur Brendan Reed (ancien membre d'Arcade Fire) vient un peu penaud sur le devant de scène pour interpréter au chant You Have My Eyes Now. Sa voix mélancolique impose un moment assez magique durant lequel le reste du groupe comme le public est comme en communion autour de lui. Acclamé, il rejoint sereinement sa place derrière les fûts et on se dit que ce groupe n'a pas fini de nous surprendre. La quasi intégralité de leur très bon album éponyme est proposé, y compris l'entrainante Ledmonton, dont les chœurs sont repris par le public. Une dernière ballade acoustique, Let's Get Strong, jouée seul en guitare/voix par Alden, pour achever un concert qui marque les esprits. Un concert de Clues est un moment de grâce et de surprise comme la pop canadienne sait si bien nous offrir.

Les américains de Shearwater prennent la relève pour disperser leurs mélodies pop-folk sur l'Omnibus. Avec son chanteur à la voix grave et ondulée, sa violoncelliste souriante et son batteur aux airs de Lars Ullrich sous valium, le quintet multi-instrumentiste propose de sympathiques ballades aériennes. Jonglant entre pop et dérives psyché bruitistes avec de longs moments instrumentaux, les Shearwater nous emmènent dans le sud des États-Unis avec des relents d’une Bande Originale d’un film de Tarantino, quand la trompette se fait entendre. On a parfois du mal à les suivre sur certains morceaux plus creux où le synthé prend le dessus avec une batterie toujours autant mise en avant. Jonathan Meiburg et sa voix si particulière rappelant les envolées d’Anthony & The Johnsons pour un physique de David Bowie attirent définitivement l’attention ; exception faite d'une fausse note de clarinette étrange venue gâcher la fin du titre. On reste néanmoins charmé par les arrangements de xylophones à quatre mains très réussis. La dernière chanson est interprétée au clavier par Jonathan : quelques accords rappelant Pyramid Song, un rouquin qui monte dans les aiguës, cela rappelle quelqu’un mais qui ? Ce groupe aux influences variées aura livré un concert plaisant, avec certes quelques longueurs mais sans jamais ennuyer.

Alors que les techniciens de plateaux ont vidé la scène, on s’aperçoit que le suédois The Tallest Man On Earth va assurer le concert suivant seul avec sa guitare folk et sa voix. Arrivé plus tôt que prévu alors qu’il ne devait jouer que demain à la Chapelle-Saint-Sauveur, Jens Kristian Mattsson a donc finalement la lourde tâche de suppléer The XX, le groupe pour lequel apparemment chaque festivalier avait sa place ce samedi. Difficile, courageux de se présenter tout seul devant une salle comble et en n’ayant pas dormi. Pourtant sa voix rocailleuse et ses accords bluesy vont convaincre un public admiratif et attentif. Ses mélodies entrainantes rappelant les meilleurs passages de Bright Eyes parviennent à réchauffer l’atmosphère déjà bien chaude de l’Omnibus, le comble pour un natif du pôle nord. Il n’est pas le roi d’Espagne comme il le dit, mais il est bien le roi du festival ce soir puisqu’acclamé pour sa performance seul contre tous. Son seul point commun avec le groupe suivant, Local Natives, est qu’on ne le croit pas quand il dit « I’m the tallest man on earth », tout comme on ne croira pas ses successeurs et leur « we are local natives ».
Mais en attendant la suite, la chanteuse Bethany Toews, débarquée de Los Angeles avec les Local Natives, interprète deux chansons sur le devant de scène. Peu convaincante, sa voix mielleuse accompagnée d’une guitare insipide peine à obtenir des applaudissements. Qu’importe, le meilleur est à venir.

Le quintet américain Local Natives va faire prendre un virage rock à la soirée pour un public qui n’attendait que ça. On est tout de suite sous le charme de l’harmonie vocale des quatre membres du groupe (bien avant la moustache du guitariste) tandis que le batteur donne un rythme effréné à chaque chanson. Il est le plus souvent accompagné par une deuxième caisse claire du claviériste - chanteur. Il n’y a pas de réel leader dans ce groupe où le chant est le plus souvent partagé. Lorsque les voix s’envolent, on pense à Grizzly Bear et on s’émerveille. Chaque chanson laisse une empreinte marquante puisqu’il n’y a jamais de temps mort et que la qualité de composition est toujours au rendez-vous. Perfectionnistes, les Local Natives jouent chaque note avec précision. Ils se connaissent parfaitement et changent d’instruments au beau milieu d’un titre, ce qui force l’admiration. Ils n’hésitent pas à faire savoir leur mécontentement lorsque le choix de setlist ne leur convient pas. L’interprétation de leur tube Airplanes est d’une rare intensité, le public est conquis. Les riffs de guitares rivalisent avec un rythme toujours plus puissant qui emmène le folk du coté d’un rock ténébreux.
En fin de concert, le groupe décide de dédicacer un titre à The XX, qui auraient sans doute aimé être là ce soir. Leur album Gorilla Manor s’annonçait déjà comme un disque phare de l’année, on sait désormais qu’on a à faire ici à un grand groupe de scène. Local Natives a subjugué la Route du Rock et n’a pas fini de faire parler.

Pour terminer cette soirée, Clara Clara, side-project du chanteur folk François Virot, entre en scène. Le français, debout devant sa batterie et au chant, est accompagné d’une claviériste déglinguée et d’un bassiste. Ils proposent un son assez agressif et électrique. Il pousse sa voix, que l’on a connue moins criarde, à l’extrême. La batterie également, n’est pas ménagée. Le clavier se veut assez insupportable, il y a quelque chose de tordu dans ce son. On a l’impression que tout le monde se défoule joyeusement sans aucune cohésion, un comble après la parfaite symbiose des Local Natives. Difficile de tenir, on passe notre tour.

Merci à cette Route du Rock, encore et encore, qui ne nous déçoit jamais et nous apporte son lot de moments inoubliables. Ce soir, Clues nous aura fait vibrer tandis que Local Natives a livré un concert à la limite de la perfection. Mention spéciale à The Tallest Man On Earth pour sa fougue et à Shearwater, plaisant également. Rendez-vous en août pour les vingt ans du festival : on viendra les yeux fermés comme toujours.t
artistes
    Clara Clara
    Local Natives
    The Tallest Man On Earth
    Shearwater
    Clues
    Magnetic Friends