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Mongrel

Interview publiée par Chloé Thomas le 6 février 2009

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Jon McClure (Reverend and the Makers), le rappeur Lowkey et Andy Nicholson (ex-bassiste des Arctic Monkeys) ont surtout envie de parler de la Palestine et on a bien du mal à leur faire dire des choses sur leur musique, mais ils sont très fiers de leur disque. Entre paranoïa et narcissisme, Jon mène l'entretien, parfois interrompu par Lowkey, tandis qu'Andy comate sur le canapé et ne dira pas un mot.

Sur votre page myspace, on lit en exergue: "Long live Palestine". Peut-être voulez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet?

Jon : Long live Palestine ! Libérez le peuple palestinien de l'oppression israëlienne, poursuivez Israël pour crimes de guerre, et merde à Bono et David Beckham!

Qu'ont fait Bono et Beckham?

Jon : Rien! Le silence en dit plus long que les mots. Si Beckham disait qu'Israël est coupable de crimes de guerre, beaucoup de gens le suivraient. Mais au lieu de ça, il reste posé à faire de l'argent, c'est un branleur, et Bono aussi, et Bush aussi. Croyez-moi, 98% des musiciens sont des lâches, parce qu'ils ne disent rien, alors que c'est en ce moment qu'on a le plus besoin d'eux. Où sont les John Lennon, les Bob Marley, les Joe Strummer? Notre génération a été privée de leaders. Obama ? C'est un pas dans la bonne direction; mais Obama soutient Israël. Israël est aujourd'hui un fait, on ne peut demander aux juifs de repartir. Mais qu'on se rappelle que les Palestiniens sont plus nombreux que les Juifs; les juifs sont en minorité dans leur propre pays.
Lowkey : D'après moi, avant la première guerre mondiale, même avant Herzl et la théorisation du sionisme, juifs, arabes et chrétiens vivaient en paix en Palestine. Ce n'est donc pas une question de religion. Il s'agit d'une oppression systématique, basée sur les structures du capitalisme, et pleinement soutenue par nos gouvernements et notre silence.

Lowkey, vous avez toujours fait une musique très politisée; mais ce n'est pas forcément le cas ni de Reverend and the Makers, ni d'Arctic Monkeys, ni de Babyshambles, groupes dont les musiciens de Mongrel sont issus...

Jon : Sur une chanson du premier album de Reverend And The Makers, je parle des attentats suicides. Et à l'époque j'étais le seul artiste à remettre en question la politique étrangère du gouvernement britannique. Et Lowkey a donné une vois aux Anglais d'origine arabe. Nous avons aussi lancé un défi au NME d'afficher plus de personnes d'origine étrangère en couverture. Ils ne montrent que des hommes blancs.Depuis les années 80, les MCs ont fait de la dub, de la soul, etc, mais n'ont produit aucune chanson qui soit dérangeante au niveaud des paroles.
Lowkey : Je suis arrivé à la conclusion que la musique, dans sa forme la plus pure, est l'expression et la voix d'une âme opprimée. Mais aujourd'hui plutôt que d'être la voix d'un peuple opprimé, elle est devenu l'outil de l'oppresseur. La musique qu'ils essayent de promouvoir aujourd'hui c'est une musique qui dit: trouve du boulot, achète une voiture, va à l'université, trouve-toi une femme... devient une pièce dans la grande machine, mais ne détruis pas la machine.
Jon : Malgré la tentative des médias de me diaboliser, maintenant ils disent que je suis un visionnaire, mais je m'en fous. Ils ne peuvent plus nous arrêter, parce que la musique est là, le disque est sorti. Lowkey a donné une voix aux jeunes arabes. L'album se vendra peut-être à 20 000 exemplaires, parce que les médias refusent d'en parler, mais les gens vont le faire circuler, on ne pourra pas l'arrêter, parce que cet album est génial. C'est le meilleur album depuis trente ans; le dernier de ce genre c'était Blue Line de Massive Attack. On va parler de cet album parce que les gens savent que ce qui se dit dedans est vrai. Pendant ce temps, les magazines comme le NME, les grandes compagnies de disques sont au bord de la faillite. Et elles l'ont bien cherché : quand on vend 15 livres un disque qui a coûté 50 centimes à produire, on mérite de faire faillite.

Prévoyez-vous, comme cela se fait de plus en plus, d'offrir l'album sur internet, pour contourner ces problèmes ?

Jon : Nous avons proposé au NME de leur donner l'album gratuitement si ils mettaient les MCs noirs, arabes, en couverture. Ils n'ont pas répondu. Ce sont des lâches. En France la situation est différente pour deux raisons, d'abord parce qu'il y a une culture hip-hop, avec MC Solaar et ce genre de personnes; et ensuite parce qu'il y a une culture protestataire. Quand quelque chose vous déplait, vous descendez dans la rue. En Grande-Bretagne les gens ne bougent pas.
Lowkey: Et aussi, en France, vous avez cette loi qui oblige la radio a diffuser une certaine proportion de musique française. En Angleterre, on court après la daube américaine.
Jon : Et tous ces groupes que le NME soutient, ils sont tous pareils, ils viennent tous d'un campus américain et chantent n'importe quoi, c'est vague, c'est abstrait, c'est déconnecté des vrais problèmes.
Lowkey : Les gamins qui écoutent ça ne se réfèrent qu'à leur propre apathie.

Dans The Menace, vous critiquez l'usage des religions, et chantez “fundamentally you're a fundamentalist ». Où est le fondamentalisme aujourd'hui?

Jon : Bush raconte que Dieu l'a visité une nuit et lui a dit d'envahir l'Irak. C'est du fondamentalisme.
Lowkey : Et c'est très manipulateur. Sur mon myspace, on m'envoie des messages disant que les immigrés devraient rentrer chez eux, qu'ils sont une menace pour notre culture. Mais ils ne peuvent pas rentrer chez eux parce qu'on bombarde leurs maisons, et que l'Occident est le seul endroit sûr pour eux. Je suis né à Londres, il n'y a pas plus britannique que moi; ça n'a jamais été un problème parmi les arabes que je sois anglais, mais ça a toujours été un problème parmi les anglais que je sois à moitié arabe.
Jon : Bush et Blair ont attaqué l'Irak parce que le pays hébergeait des terroristes. Pourtant la CIA a donné asile à des terroristes; et Pat Robertson, le télévangéliste américain, a appelé au meurtre d'Hugo Chavez: c'est un appel au terrorisme, donc l'Amérique héberge des terroristes, et si on suivait le raisonnement de Bush il faudrait bombarder les Etats-Unis.
Mais il faut dire aussi que l'album de Mongrel est très stimulant, pas seulement au niveau des paroles, mais aussi au niveau de la musique. Cela ne ressemble à rien, musicalement parlant.

Vous semblez avoir voulu transcender les frontières des styles musicaux sur ce disque...

Lowkey : Oui, mais le disque est compris malgré tout, parce qu'il est plein d'une vérité très profonde.
Jon : Et en mars, nous allons aller au Vénézuela, rencontrer Hugo Chavez, visiter le pays, et on va faire le deuxième album de Mongrel là-bas. Mongrel est en constante évolution, va de l'avant. Si cette musique était sortie en 1978, ou en 1967, on aurait dit tout de suite: c'est le future de la musique. Aujourd'hui la presse est verrouillée et va nous ignorer; mais elle ne peut pas nous ignorer longtemps, parce qu'on est tellement bons.

Comment avez-vous géré le fait d'avoir deux leaders dans le groupe?

Jon : Ca n'a pas été un problème; il n'y a pas que Lowkey et moi, il y a aussi des filles.
Lowkey : Mongrel était l'idée de Jon au départ, dans son concept. Mais finalement il n'y a pas vraiment de leader dans le groupe.
Jon : Andy a quitté les Arctic Monkeys, un des plus grands groupes de rock du monde actuellement, il a renoncé à la possibilité de faire plein d'argent, pour rejoindre une expérience musicale unique. D'ici 2012 la face du monde aura complètement changé et on reconnaîtra cet album pour ce qu'il est : novateur. Mongrel va faire trois album par ans et ils seront tous excellents. Rien ne peut nous arrêter.