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Tom Vek
Gang Of Four

Fontenay-sous-Bois, Les Aventuriers - 18 décembre 2014

Live-report par Xavier Turlot

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En cette avant-dernière soirée du festival des Aventuriers, à Fontenay-sous-Bois, l’Angleterre fut richement et diversement représentée. Avec Tom Vek en ouverture et une version très élaguée de Gang Of Four pour la clôture, nous avons eu en cette soirée un bel éventail chronologique du rock britannique, et sachez que la provocation n’est pas l’apanage de la jeunesse...

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La salle Jacques Brel est de taille imposante en comparaison des parisiennes habituellement en charge des groupes étrangers indépendants, et cela explique l’auditoire plus que maigre pour accueillir le premier artiste de la soirée. Tom Vek, qui a fait un carton à la Flèche d’or en juin dernier, a dû se sentir revenir à ses jeunes années devant ces quelques spectateurs dubitatifs qui attendent encore d’être conquis. D’autant plus qu’une programmation municipale qui cherche à diversifier et mélanger les types de publics a amené ce soir des gens très sceptiques quant à l’emploi des synthétiseurs et du phrasé math-rock de l’Anglais. Tom Vek arbore un grand sourire et sa dégaine de jeune dandy rêveur propre sur lui ne peut le rendre désagréable devant personne. Le trio attaque par A Chore et A Mistake, mais le son beaucoup trop faible et l’absence de jeux de lumière empêchent l’ambiance de prendre, malgré des morceaux très lourds. Le leader alterne entre basse et guitare, quand son acolyte se débrouille entre clavier, basse, guitare et quelques soupçons de choeurs. La rythmique syncopée et ultra dansante de Pushing Your Luck fait monter un peu la température, et quelques personnes se mettent à frétiller au premier rang. Le son a été monté, les projecteurs commencent enfin à s’agiter pour accueillir une très bonne succession de chansons, presque toutes issues du dernier album Luck. Le synthé diabolique de Ton Of Bricks achève de convaincre un auditoire qui se massifie peu à peu, probablement un peu interloqué par le phrasé inhabituel de l’Anglais, toujours à la limite de la justesse tant il tire sur sa voix. Peu de communication de la part du groupe mais toujours un grand sourire et un plaisir palpable de jouer, même avec le « devoir » visible de convaincre ce soir. Le jeu de scène est quand même très timide, y compris durant les phases instrumentales qui permettraient une plus grande aisance corporelle, et pour ceux qui les ont déjà vus jouer dans un passé pas trop lointain il n’y aura aucun semblant de surprise avec ce set trop rigide et surtout trop court (même s'il ne s’agit pas officiellement d’une première partie). Sherman (Animals In The Jungle) sera la onzième et dernière chanson interprétée, à un moment qui aurait dû constituer le point d’orgue de la prestation et amener à une visite de titres plus anciens pour engendrer un très grand concert...

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Le deuxième groupe de la soirée, Even If, s’est formé autour de l’ex batteur de Téléphone, Richard Kolinka, originaire de Fontenay-sous-Bois. Un seul album sorti en 2012 sert de matériau à leur concert, entre rock et pop synthétique lardée de pads. C’est bien le batteur qui fait l’essentiel du show avec une gestuelle clownesque, faisant tournoyer et valdinguer ses baguettes, jouant debout, courant au devant de la scène pour y jouer sur des pads… La voix du chanteur ne porte pas loin et peu d’instrumentations se démarquent malgré quelques prises de risques stylistiques. La nature du projet est difficile à cerner, on ne peut pas dire que les morceaux se ressemblent mais pourtant peu arrivent à se dégager, même les quelques ballades ou essais new wave. Le plus incroyable est l’absence absolue de communication avec le public, alors même qu’on est dans le fief de la pièce maîtresse du groupe et qu’une bonne partie du public est venu voir la formation de Kolinka, le connaissant de près ou de loin. Il n’y aura pas un mot d’adressé au public, pas de pause entre deux chansons, pas de trait d’humour, pas d’emballement...

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C’est enfin au groupe-phare de la soirée de faire son entrée sur scène. Gang Of Four, quatuor originaire de Leeds, popularisé par l’audace de leur premier album Entertainment! sorti en 1979, n’apparaîtra ce soir que dans une forme très retravaillée, puisque un seul de ses membres fondateurs est encore présent, le guitariste Andy Gill. Le nouveau chanteur John Sterry ainsi que le nouveau bassiste Thomas McNeice ne devaient pas être nés depuis bien longtemps quand le groupe qui les a accueillis se forma. Le jeune vocaliste, arrivé en 2012, n’aura même jamais participé à la composition d’une seule chanson puisque le dernier album en date, Content, est sorti en 2011.
Le groupe arrive sur Return The Gift et son introduction à deux notes de guitares. S’il n’y a qu’une guitare, une basse et une batterie, le groupe a tout misé sur une violence sonore totale. Le bassiste joue sur deux amplis de deux mètres de haut, laissant à peine la guitare de Gill s’extirper de sa barbarie métallique. La batterie est à la hauteur de l’agressivité posée en étalon, avec une sonorisation du début des années 1990 qui mettent à l’honneur le kick et la caisse, d’ailleurs bien loin du son original du groupe. John Sterry ne tient pas en place, il court d’un bout à l’autre de la scène, le visage grave et concentré, changeant de microphone avec celui de son vieux maître. Andy Gill possède en lui un mélange de grande classe et de grande décadence, il frôle à peine ses cordes, droit comme un i, livrant avec froideur ses riffs cinglants aux sonorités industrielles. Marchant à petit pas à travers la scène, il s’avance parfois et se met à fixer les spectateurs du premier rang pendant de longues minutes, les perçant du regard avec un air qu’on imagine être faussement sinistre. On pourrait croire qu’il cherche un quelconque signe d’approbation mais on comprend qu’il est dans une bulle totalement hermétique, perché dans un trip esthétique.

Plusieurs morceaux des deux premiers albums s’enchaînent. Les rythmiques tribales et les dissonances distordues décapent la salle, accompagnées de ce chant cinglant resté arrêté au début des années 1980. Angy Gill a produit le tout premier album des Red Hot Chili Peppers en 1984, et cela devient vite une évidence à l’écoute des chansons de cette époque, le rap en moins. Ce mélange incongru de punk et de funk qui a fait la gloire des Californiens trouve bel et bien ses racines chez les folies de cet Anglais dont peu de gens ont retenu le nom. What We All Want annonce Jungle Man, Anthrax annonce Freaky Styley... Sur Anthrax, Andy Gill perd un peu les pédales, se servant d’une seconde guitare qu’il tient à bout de bras, en tire quelques larsens, la renverse pour la frapper sur le manche puis la jette par terre... Sur son visage toujours la même impassibilité, la même distance avec le monde. A la fin du morceau il reprend cette guitare, lui refait subir le même sort avec un peu plus de brutalité encore puis continue comme si de rien n’était avec l’introduction infernale de To Hell With Poverty. Le batteur sue sang et eau sur ces rythmiques implacables et terriblement exigeantes physiquement. Sur un passage instrumental, un technicien amène un micro-ondes au centre de la scène, puis John Sterry empoigne une batte en métal avec laquelle il commence à démolir l’engin en rythme. Le micro-onde ploie, tombe par terre, se fait détruire un peu plus devant une foule éberluée qui essaye de prendre la scène en photo, puis c’est la fin du happening. S’il y a plusieurs interprétations possibles au geste, le son d’un appareil électroménager à l’agonie est en tout cas intéressant au niveau de la texture.

Des morceaux plus pop et moins provocateurs suivent avec Do As I Say et I Love A Man In A Uniform, gagnant au passage en kitsch... La géniale Ether, l’une des plus punk du groupe, voit l’intervention d’Andy Gill au micro entre deux accords acerbes de guitare. Des fans sont là et parviennent à chanter mot pour mot l’intégralité du morceau pourtant très saccadé. At Home He’s A Tourist clôt la performance, puis le groupe revient vite sur scène pour un rappel avec l’excellente Damaged Goods, qui nous ramène encore avec plaisir au temps béni des Buzzcocks, The Clash & co...

Peut-être que la fanbase originelle ne sera pas conquise, mais force est d’admettre qu’Andy Gill a réussi à rassembler autour de lui des musiciens d’une autre génération, capables d’offrir un spectacle physique et puissant sans renier à une once de la provocation qui a caractérisé le quatuor de Leeds en 1979.
setlist
    TOM VEK
    A Chore
    A Mistake
    Pushing Your Luck
    Ton Of Bricks
    Nothing But Green Lights
    C-C (You Set The Fire In Me)
    Someone Loves You
    Broke
    I Ain't Say My Goodbyes
    Aroused
    Sherman (Animals In The Jungle)

    GANG OF FOUR
    Gift
    Not Great Men
    I Parade Myself
    Paralysed
    What We All Want
    Anthrax
    He'd Send In The Army
    Isle Of Dog
    To Hell With Poverty
    Do As I say
    I Love A Man In Uniform
    Ether
    At Home He's A Tourist
    Why Theory
    Damaged Goods
photos du concert
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