Tom Vek

Cette fois, il ne nous aura pas fallu attendre six longues années pour connaître la suite du tempétueux Leisure Seizure, sorti en 2011. Tom Vek, à son habitude, a fait le job, interviews et tournée comprises, puis s'est à nouveau reclus pour préparer son nouvel opus, dans la discrétion la plus totale. Début avril, un message inattendu déboule sur les réseaux sociaux, annonciateur d'une nouveauté. Un premier single de choix, Sherman (Animals In The Jungle) suffisait à raviver notre curiosité. C'est donc avec le sobrement intitulé Luck que Tom Vek revient avec un troisième album qui, ne vous le cachons pas plus longtemps, est une merveille de bout en bout.

Difficile, à nouveau de déterminer ce qui a bien pu influencer le blondinet car le garçon aime faire l'apanage d'un mix indistinct entre pop, électro et rock, déconstruisant les modèles pour mieux les reconstruire. Ici encore, Tom Vek réussit à bâtir de ses puzzles cérébraux des titres et un album qui, sous une première écoute plutôt foutraque, s'articulent en réalité dans un naturel désarmant.
L'introduction sur How Am I Meant To Know est représentative d'un schéma devenant familier au court de ce Luck : une boucle de guitare et cette phrase, répétée ad lib, plongeant l'auditeur dans un vertige dès les premières minutes. Vient ensuite cette perle, rappelant Aroused sur le Leisure, Seizure précédent ; Sherman (Animals In The Jungle), premier extrait dévoilé, est parfait de la première à la dernière note ; tout y est, qu'il s'agisse du refrain accrocheur, à la mélodie, en passant par les « Oh it's so ah ah ! Ah, ah, ah ah ! ». Servie par un clip étrange à souhait, on pense d'emblée que la composition sera le point central de l'album mais c'est encore bien mal connaître le Londonien, qui semble plus inspiré que jamais.

La cadence ne faiblit pas avec Broke et ses influences entre l'Afrique du Nord et l'Asie, Pushing Your Luck ou encore Ton Of Bricks. Tom Vek est seul aux commandes mais occupe généreusement l'espace en juxtaposant sa voix, loopant ses mélodies et usant à la perfection du changement d'ambiances et de rythmes (Ton of Bricks).
Ici, la voix est plus que jamais au cœur des morceaux et ce qui pourrait être perçu comme l'instrument le plus fragile de Tom Vek est au contraire poussé jusqu'à ses dernières limites et, à la manière d'un Damon Albarn, la fragilité devient la force de Luck.
Si la quasi-totalité de l'album penche notablement du côté des dancefloors, The Girl You Wouldn't Leave For Any Other Girl arrive à contre-courant, en toute sobriété ; guitare acoustique et voix posée et cette phrase qui tourne sans cesse pour devenir de plus en plus habitée. La guitare se fait alors plus appuyée et la douceur se transforme en colère ou en désespoir, selon les interprétations, pour finir dans un chuchotement, preuve que Tom Vek est encore plein de surprises, même après trois albums.

Luck apparaît donc comme une heure sans temps morts et surtout sans faiblesses. Ce James Murphy made in UK propose une synthèse parfaite de ses influences, à la fois accessibles et plus mystérieuses, faisant bouger les jambes et enserrant le cerveau. Well done.