Alors que, depuis près de trente ans, des milliers de groupes ont tourné autour de la pop, Good Shoes la déracinent et plantent leurs pieds dans le derrière de leurs concurrents avec
Think Before You Speak, l'album qui aurait dû succéder au Three Imaginary Boys de
The Cure si Robert Smith avait eu des lectures plus sages que Camus
.
« All of my insecurities are summed up when you walk into my room ». C'est sur ces belles paroles que
Nazanin, prolongement naturel de Subway Song
, débute ce premier album du quatuor britannique. Mais cette pièce-ci tient plus du fourre-tout déséquilibré du teenager en quête de la pointure du moment que de la froideur blafarde et l'ennui consommé qu'arbore l'artwork de Three Imaginary Boys
. Think Before You Speak s'apparente à une marche cahoteuse mais millimétrée où les rangers sont de rigueur, orientée en direction de la subtilité d'une pop trop facilement débridée.
Bien qu'ils le démentent dans
The Photos On The Wall, Good Shoes ont bien eu l'heureux bon sens de réfléchir avant d'agir : un an et demi et cinq excellents singles plus tard, ils prennent soin de sortir leur premier album en ayant réenregistrer les morceaux. Ils perdent en spontanéité ce qu'ils gagnent en profondeur et des titres comme
Things To Make And Do et
All In My Head revêtent une nouvelle peau sur un changement de tonalité, que ce soit le refrain pour le premier ou rien qu'une légère intonation de voix pour le second.
Le principal attrait du groupe – outre les réparties incisives entre les deux guitares qui font passer
Banquet pour un tapage impromptu dans une cantine de maternelle – est la gouaille aguicheuse de Rhys Jones qui, de son délicieux accent anglais, délie les mots à un rythme effréné mais sait aussi se faire plus sensible, à l'image de la sombre
In The City (« in the city tonight, you live by the sword but you die by the knife ») et la nostalgique
Sophia (« if you go back to where we first met, it will only break your heart ») en évitant le piège terrible du sentimentalisme. L'album est ainsi traversé de réflexions et d'observations jubilatoires, tantôt drôles tantôt mélancoliques, sur entre autres l'esprit humain, le rapport à l'autre et la pauvreté des sentiments.
En 1980, The Cure sortaient leur second album Seventeen Seconds pourvu d'une pochette d'une blancheur floue et glaciale
. En 2007, Good Shoes occupent cet espace vierge en signant leur nom à partir de formes géométriques en bois pour enfants. Une direction à contre-pied, insolente et primaire, qui va laisser une empreinte marquante sur les terres d'une pop alors saccadée, saccagée.