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Lily Allen

It's Not Me, It's You

Lily Allen - It's Not Me, It's You
Chronique Album
Date de sortie : 09.02.2009
Label : Regal/Parlophone
3
Rédigé par Kris, le 18 février 2009
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On ne devrait jamais avoir à comparer des œuvres entre elles, fussent-elles d’un même artiste, d’une même mouvance, d’une même période ; elles ne devraient en pâtir, car par définition, uniques, représentatives d’un canevas de créativité qui s’est allongé dans le temps et l’espace. Mais voilà, comme pour tout, l’objectivité est un luxe que parfois, on ne peut s’offrir. Parce que l’on ne peut pas. Parce que l’on ne veut pas. Lily Allen, pour les adorateurs de la première heure, a changé. Personnellement, sans trop s’avancer. Et musicalement, en constatant son dernier album It’s Not Me, It’s You.

Lily Allen, du haut de sa petite vingtaine d’années, s’était déjà posée depuis ses débuts comme la reine du paradoxe. Impétueuse et intelligente, percutante et sentimentale, la jeune anglaise brille par ce déséquilibre latent, et son numéro de funambule permanent, déclinant sa personnalité au fur et à mesure, comme un puzzle à reconstituer, d’une complexité relative mais toujours passionnante. Car Lily Allen sait susciter, parfois malgré elle, la curiosité, se délivrant sans se livrer, cultivant un mystère autour de sa personne qu’elle décline tout du long de ses textes que l’on croit volontiers passés par le prisme autobiographique, elle qui est l’antithèse même de la star transparente.

It’s Not Me, It’s You est ainsi à la fois sous-pesé pour sa qualité, et presque tout autant pour combler les gaps instaurés par un Alright, Still loin d’être passé inaperçu. Point qui n’échappera à personne, Lily Allen a mué. D’une artiste d’instinct, elle est désormais une artiste d’accomplissement. It’s Not Me, It’s You bénéficie d’une production résolument homogène, ce qui n’était pas forcément le cas sur son précédent album, en confiant entièrement les manettes à la moitié de The Bird And The Bee, Greg Kurstin, qui s’est donc chargé de donner une couche organique aux instrumentations de ses chansons. On se retrouve ainsi noyé dans des sonorités synthétiques, donnant un penchant new-wave dont les mélodies pop bénéficient à merveille (les entraînantes The Fear ou Back To The Start).

Cette (sur-)production dénotant avec la simplicité des boucles rythmées d’Alright, Still, donne ainsi une place autrement plus importante aux lyrics de Lily Allen, qu’elle chante désormais. Lily n’a jamais été une lyriciste de génie, tenons nous en bien, surtout sur l’aspect de la forme, dans le sens où le choix de son style directif n’imposait pas des formules étayées ; mais, telle un Mike Skinner, c'est une storyteller de génie. Seulement, avec cette nouvelle direction artistique, cette forme d’écriture perd de son impact par le manque inhérent de percussion d’une telle production. Par extension, les textes acerbes et caustiques de Lily Allen perdent en identité ce qu’elles gagnent en adéquation avec la musique qui les accompagnent. A partir de là, dénotent les limites de ce It’s Not Me, It’s You, où le parti pris du chant professionnalisé, dilue l’identité de Lily Allen au sein d’une production hyper-lêchée mais distante.

Ce second album est une œuvre pop plaisante, mais rudimentaire. Si formellement, on ne peut pas vraiment lui reprocher beaucoup de choses, fondamentalement, on ne peut s’empêcher d’effectuer le constat. It’s Not Me, It’s You, n’est pas passionnant comme avait pu l’être Alright, Still. Alors bien sûr, on gagne en volupté, en qualité musicale, en homogénéité. Mais tout ce qui faisait l’atypie du phénomène Lily Allen, sa fraîcheur, sa candeur, son rayonnement, se sont plus ou moins effacé au profit d’une rigidité plus passe-partout, sauf rare exception comme sur ce superbe Fuck You emmené et vigoureux. Si les cuivres ensoleillés laissent place à des boucles synthétiques beaucoup plus terre-à-terre, il n’en est pas moins révélateur de l’état de lucidité de la jeune artiste anglaise. L’impulsion s’est muée en ambition, comme si la musique n’était plus devenue une nécessité, un vecteur de valeurs et d’émotions, mais une extension même de sa pleine conscience de soi, en tant que femme et en tant qu'artiste.

Avec It’s Not Me, It’s You, Lily Allen montre sa première réelle faiblesse. Pas de celles qu’elle retourne pour en puiser une force. Non. Si Alright, Still était l’état de faits d’une jeunesse irrévérencieuse et paradoxale, drivé par un appétit de la vie, It’s No Me, It’s You est peut-être l’œuvre la plus révélatrice sur la personne même qu’est Lily Allen. Car pour la première fois, elle n’est plus paradoxale. Pour la première fois, par ce retrait et cette retenue, Lily Allen montre qu’elle a enfin quelque chose à perdre.
tracklisting
    01. Everyone's At It
  • 02. The Fear
  • 03. Not Fair
  • 04. 22
  • 05. I Could Say
  • 06. Back To The Start
  • 07. Never Gonna Happen
  • 08. Fuck You
  • 09. Who'd Have Known
  • 10. Chinese
  • 11. Him
  • 12. He Wasn't There
titres conseillés
    The Fear, Back To The Start, Fuck You
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