A Mountain Of One

J'ai découvert A Mountain Of One un peu par hasard, il y a déjà quelques temps maintenant, en 2008 pour être précis. Le duo composé de Mo Morris et Zeben Jameson et basé à Londres m'avait déjà impressionné avec la « compilation » Collected Works, album regroupant en réalité les trois premiers EPs du groupe. On y retrouvait un folk nerveux et délicieux, saupoudré d'un psychédélisme qui lui sied toujours à merveille. Le duo se démarquait surtout par l'immédiateté de ses compositions, qui dès la première écoute m'avaient fortement réjouis, me faisant prédire un avenir plus que radieux pour ce groupe talentueux.

Alors, à la première écoute d'Institute Of Joy, j'étais déjà un peu en terrain connu, même si, vous allez le comprendre, le duo a formidablement évolué. En effet, passée l'introduction (qui annonce d'emblée la couleur), Morris et Jameson nous démontrent avec une certaine efficacité leur ingéniosité à travers un Sky Is Folding qui est le parfait ambassadeur de la suite à venir : touches de percussions tribales, chœurs mystiques et lointains, guitares aux accents psychédélique très seventies, chant désincarné et basse au groove dévastateur. Le duo a muri, et à peine plongé dans l'album nous voilà embarqué dans un trip plus qu'envoûtant. Pourtant, le parcours ne se fera pas sans embûches... Mais nous y reviendrons plus tard. Car la première impression qui ressort à l'écoute d'Institute of Joy, c'est celle d'un travail accompli avec justesse. Certes on n'y retrouve pas la facilité d'écoute de Collected Works, Lie Awake étant beaucoup plus complexe qu'un morceau comme Ride, issu d'un de leur premier EP. Mais justement, c'est dans un tel titre qu'on voit à quel point les compositions du duo londonien recèlent une certaine orfèvrerie, une maîtrise qui fait pourtant défaut à de nombreux groupes ces temps-ci.
Lie Awake est un morceau de bravoure, ambitieux, et qui nous transporte dans un crescendo droit vers des hauteurs insoupçonnées. Embarquant une guitare que n'aurait pas renié David Gilmour lors de la période pré-Dark Side of The Moon des Pink Floyd, le titre est un tour de force, l'un des points forts du disque. Et pourtant la concurrence est féroce : Purple, un peu plus loin, piste courte mais pourtant d'une beauté ébouriffante, qui rappelle la brillante introduction de l'album et qui se désincarne pour mieux se reconstituer dans l'intro d'In Our Lifetime, sorte d'A Saucerful Of Secrets moderne, beaucoup plus simple mais teinté d'une aura de vaudou psychotique. La basse est d'un groove ahurissant, le titre va vers tous les horizons, du psychédélisme basique à un jazz progressiste désenchanté. Sans doute l'un des grands morceaux du groupe, celui qui nous ferait danser comme un aliéné autour d'un feu.

Mais comme tout n'est jamais parfait, on notera quelques faiblesses dans l'album qui tendent à rendre le verdict un peu moins positif qu'il n'aurait pu l'être. Difficile de ne pas être déçu lorsque le groupe nous sert juste avant la fin de l'album une piste parfaitement inutile (White Spider), qui révèle un côté poussif dans la composition et dont les chœurs deviennent plutôt irritants. Ces mêmes chœurs qui m'avaient déjà un tant soit peu ennuyé lors d'un titre comme Bones. Il faut dire qu'entre moi et les voix à tendance gospel, c'est toute une histoire. On passera aussi sur l'utilité d'Ahead of The Curve ou encore River Music, celle-ci révélant le côté pompeux dans lequel peut tomber le duo.
Au final, que reste-t-il de cette échappée cosmique ? Avant tout, c'est une impression très positive, qui nous donne envie de repartir. Car si l'album comporte quelques défauts qui montre que les deux compères peuvent encore faire mieux, ils ont réussi à nous transmettre un album épique et terriblement enivrant, qui par la formidable conclusion Knife Of The Sultan m'a impressionné par sa justesse, son aspect immédiatement réjouissant.

Mission accomplie pour l'Institut de la Joie, qui aura su me donner l'envie de repartir avec eux dans l'espace. A Mountain Of One ne déplace certes pas encore pas les montagnes, mais il est évident qu'avec Institute Of Joy, le groupe atteint des sommets dont on ne voudrait plus redescendre.