Quand John Travolta a transformé Idina Menzel en Adele Dazeem, Internet a accouché d’une nuée de mèmes. Mais quelque part à l’Est de Londres, de ce lapsus a jailli une étincelle, parce que de l’erreur à l’éclair de génie, il n’y a qu’un pas que les guitaristes n’hésitent pas à franchir, surtout quand ils ont assez de pédales d’effets à leurs pieds. J’ai ça de commun avec John que je n’étais pas non plus familier avec Idina Menzel, assez rare dans nos colonnes et notre forum. C’est tout de même l’interprète de Let It Go, la chanson de Frozen, qui lui a fait remporter ledit Oscar.
Le trio aime tellement jouer avec la confusion qu’au milieu de références musicales qui vont du shoegaze au métal progressif en passant par Sigur Rós (je suis bien en peine de leur coller une étiquette), ils nous citent des sociologues, psychiatres, philosophes... que je ne citerai pas car la plupart me sont aussi étrangers qu’Idina Menzel. Ce cocktail de références improbables donne naissance à une musique abrasive qui fouette le sang et les neurones. Même si quelques plages de synthés se glissent ici et là, ce sont surtout des rythmes et des riffs énervés qui nous marquent, nous embarquant davantage dans une rave électrique que dans un cours magistral en amphithéâtre.
Sonic Cathedral, le label qu’ils partagent avec Emma Anderson (ndlr : ex-guitariste de Lush) ou Three Quarter Skies (ndlr : le projet du batteur de Slowdive, Simon Scott), n’a jamais si bien porté son nom : le son est monumental. Les guitares résonnent comme des orgues déglingués et les voix se perdent dans un brouillard de distorsion. Je me surprends à hocher la tête, emporté par ce tourbillon où tout semble à la fois chaotique et parfaitement maîtrisé. A juste trois, ils arrivent à faire un boucan d’enfer dans des chansons qui montent en puissance à mesure qu’elles se déroulent. Bien inspirés, ils peuvent nous tenir en haleine sur plus de six minutes sans problème.
Le brûlot d’ouverture, Misère, n’est ni une reprise de Jean-Louis Chautard, Pierre Bénichou et al., ni une complainte larmoyante. C’est le nom d’un jeu de cartes où il faut perdre pour gagner ! Oui, avec adele dazeem, tout est à la fois terriblement simple et terriblement compliqué, et de cette ambiguïté naît une rage viscérale. Quand il a les idées bien en place, le groupe nous embarque en mer par gros temps, ça tangue, on prend des paquets de vagues en pleine face sur Deep Sea Hand et après presque sept minutes de roulis, on en redemande. Leur Mezanin est plus gothique que celle de Massive Attack, avec un rythme pesant et des envolées qui rappellent Fontaines D.C.
Après trois excellents morceaux, l’EP se conclut sur son titre éponyme qui confirme qu’adele dazeem signent non seulement un très bon premier disque, mais qu’il y a encore de la place aujourd'hui pour du nouveau shoegaze de qualité.