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Carl Barât

Carl Barât

Carl Barât - Carl Barât
Chronique Album
Date de sortie : 04.10.2010
Label : PIAS Recordings
3
Rédigé par Chloé Thomas, le 27 septembre 2010
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Il y eut d'abord la période Libertines, deux albums qui changèrent la face du rock et s'imposèrent comme les plus symptomatiques de ce début de millénaire, avec deux frontmen jouant les frères ennemis, faisant tourner les rotatives de la presse de caniveau et finissant par se séparer avec fracas. Il y eut ensuite la période des deux groupes séparés, Babyshambles pour Peter Doherty, Dirty Pretty Things pour Carl Barât, deux albums chacun, plutôt réussis, et qui, aussi, se ressemblent beaucoup. La symétrie se poursuit dans cette troisième période, celle des albums solos. Peter Doherty a sorti Grace/Wastelands en mars 2009. Dix-huit mois plus tard, Carl Barât se lance à son tour de l'aventure avec un disque éponyme. Il l'accompagne d'un livre, Threepenny Memoirs (ndlr : publié le 30 septembre comme un recueil de souvenirs faisant la part belle à la vie des Libertines) semblant répondre au bouquin de son acolyte, The Books Of Albion, ensemble de poèmes et d'extraits de journaux sorti en 2007.

On laissera à d'autres le soin d'épiloguer sur l'analogie entre les deux musiciens, la légère dissymétrie quand l'un (Barât) semble courir après l'autre (Doherty). On aimerait aussi voir dans ces trois phases une maturation, y mettre au jour une évolution. Mais ce qui frappe d'abord, à écouter les huit albums concernés, c'est une unité d'esprit, qui va d'ailleurs au-delà de la cohérence musicale : un même parfum mélancolique, une même nostalgie dans laquelle on se jette à corps perdu, à cœur perdu; une ardeur adolescente, sincèrement brûlante et amèrement ironique à la fois – cela même, enfin, qui fit des Libertines les hérauts d'un Zeitgeist mêlant décadence, ludique et tristesse.

Ainsi Carl Barât, ici, ne semble vouloir parler que de ruptures amoureuses. Il y est sans cesse question de « good old days » passés, d'amour qui s'épuisent et d'amants qui s'en vont. Sur la forme, là où Peter Doherty, pour Grace/Wastelands, préférait l'acoustique, le dénuement du unplugged, Carl Barât choisit un esprit plus pompier, sollicitant violons et chœurs, et construit une ambiance souvent inquiétante, parfois triste, qui rappelle fortement les envolées symphoniques de Danny Elfman, le Londres de Sweeney Todd.

Carl Barât se place dès le début dans un décor de cabaret, lorgnant même vers le cirque : quelque chose de festif donc, mais aussi de rétro, et de français (Je Regrette, Je Regrette, deuxième titre de l'album, assume pleinement ce choix), un français kitsch associé au Moulin Rouge (celui de Baz Luhrmann) et à un Montmartre de pacotille. Il semble parfois que les paroles soient volontairement « cliché », que l'histoire racontée ne vaille que par la mélancolie qu'elle contient.
Mais cela peut agacer aussi, donnant l'impression que Carl Barât en fait trop, et finit par ressembler à une caricature de lui-même, comme si l'inspirateur voulait singer ses imitateurs trop nombreux et trop médiocres qui font les dandys malheureux sur toutes les scènes londoniennes. Run With The Boys, par exemple, se complait dans la pathétique historiette mille fois entendue. Mais force est de reconnaître que le titre est un tube en puissance, sacrément dansant, avec un ton très légèrement blues qui enlève.

Tout au long de l'album, finalement, Barât semble être sur un fil, toujours au bord de la caricature. On pourra être sensible à l'urgence de She's Something, qui crie un désir de retenir le temps, d'exulter dans la jeunesse; on pourra aussi trouver la chanson presque aussi ridicule que le « Il y a une vie avant la mort », nouveau slogan des Inrockuptibles qui pollue en ce moment les couloirs du métro. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'en appeler à un public très jeune, à peine adolescent, qui fut bien le public des Libertines, mais pas son public exclusif. Le risque pour le chanteur est donc ici de se couper (en tout cas en Angleterre) d'une partie de son auditoire. A moins, encore une fois, de vouloir déceler de l'ironie dans sa posture, mais celle-ci n'est jamais explicite.

Si l'on fait abstraction des paroles, cependant, le disque ne peut que séduire par sa cohérence musicale, sans surprises, sans morceaux de bravoure, mais d'une qualité bien rodée. Pour le reste, Carl Barât apparaît comme un album plutôt mineur dans la saga des deux chanteurs, reste à espèrer que leur ré-union que d'aucuns annoncent prochaine produira l'album coup-de-poing de cette nouvelle décennie.
tracklisting
    1. The Magus
  • 2. Je Regrette, Je Regrette
  • 3. She's Something
  • 4. Carve My Name
  • 5. Run With The Boys
  • 6. The Fall
  • 7. So Long, My Lover
  • 8. What Have I Done
  • 9. Shadows Fall
  • 10. Ode To A Girl
titres conseillés
    Run With The Boys, So Long My Lover
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