Robert Wyatt

Robert Wyatt, un nom qui représentera pour toujours l’un des plus grands membres de Soft Machine et surtout le leader magnifique de Matching Mole. La voix de cet homme portant désormais le corps du vieil homme sage (et barbu) est toujours restée, à travers sa carrière solo dense et regorgeant de merveilles, celle d’un jeune éphèbe grave et envoutant, et c’est après un dernier album sous forme de collaborations avec de nombreux artistes (Brian Eno par exemple) que le vieux Wyatt réapparait avec un nouvel album magnifiquement orchestré, d’un charme oriental et que l’on pourrait trouver aussi de l’autre côté de l’Atlantique avec ce jazz lorgnant sur le classique et tout droit sorti des années 50s.

Un album qui est le fruit de trois personnes : Robert Wyatt évidemment, mais également le saxophoniste israélien virtuose qu’est Gilad Atzmon et la violoniste Ros Stephen, leader du Sigamos String Quartet. Pendant un long et doux moment, ce trio nous emmène vers des rivages oscillant entre les fantômes du passé (les diverses reprises de vieux standards comme le Round Midnight de Thelonious Monk une fois encore repris par Wyatt) et les influences nouvelles, modernes et étonnantes de la part de Wyatt (le très rap Where Are They Now, d’un groove insoupçonnable).
Et tout au long de cet album riche et sur lequel on pourra toujours découvrir d’autres petits moments de grâce au fil des écoutes se trouve un fil, un fil tout droit sorti du Proche et Moyen Orient, lequel donne une aura à la fois sombre, amère et quasi-mystique à l’ensemble de l’album (Maryan, d’une beauté ténébreuse et que l’on croirait sorti d’un jam millénaire des Soft Machine).

Ce qui aurait pu n'être qu’un autre album parmi l’immense discographie de Robert Wyatt est sublimé et atteint le rang de petit chef d’œuvre en puissance. For The Ghosts Within rapproche plus Robert Wyatt du rôle de grand invocateur de fantômes talentueux et immenses que sont Thelonious Monk ou Duke Ellington (quitte à les surpasser par exemple avec la reprise de What A Wonderful World) que du Robert Wyatt âgé et increvable.
Et si l’on est impressionné par le talent de Gilad Atzmo et Ros Stephen avec son quartet, c’est toujours le vieil homme qui impressionne le plus, avec cette voix qui ne vieillit que si peu, et surtout la délicatesse, la fraîcheur et la magie de ce chant qui ne nous lasse jamais. Il suffit de se laisser reposer au sein de ce Lush Life que l’on croirait venu d’une toute autre époque, d’un tout autre monde pour comprendre la portée et l’intense beauté de cette production.

Que pourrait-on reprocher à ce nouvel opus de la fabuleuse histoire de Robert Wyatt ? Pas grand-chose, si ce n’est sa rigueur qui vous contraindra à être au calme, à profiter parfaitement et dans les meilleures conditions de cette musique qui ne se ressent qu’à travers la concentration et le don de soi pour ces minutes de bonheur. Un défaut ? Non, plus une qualité inhérente à la discographie solo du grand Robert. Difficile donc de trouver de quoi redire à l’ensemble, car même là où l’on pensait que Robert Wyatt ne pourrait plus ou ne pas aller, ce maestro de la musique ressort toujours grandi, plus puissant et plus vivant. Incroyable Robert Wyatt...