Ray Davies

Plus soucieux de donner une seconde jeunesse à ses chansons que du respect de celles-ci, Ray Davies s’enfonce avec See My Friends dans un disque au casting étincelant de renommée mais pas d’originalité. Récit d’un suicide.

Par où commencer ? Par où entrer dans ce disque, lieu de toutes les extravagances ? À peine le temps de se poser la question, les mots durcissent déjà comme une crème anglaise plus tout à fait fraiche. Déception, incohérence et pur intérêt commercial, Ray Davies offre à ses fans une escapade et une relecture, plate comme l’ennui, de l’univers des Kinks. « Offrir » est un bien grand mot tant le cadeau semble empoisonné. Pourtant, la volonté est là, mais la fraicheur est laissée de côté pour faire place à un rock hypocrite et héroïque avec comme famille d’accueil : Bruce Springsteen, Metallica, Alex Chilton, The 88 ou l’affreux Bon Jovi. Un casting convaincant mais trompeur car il est complice d’un crime : le massacre du répertoire des Kinks.
Tous les tubes du groupe sont réunis sur un même disque et interprétés par de grandes personnalités de styles et d’époques différentes : l’idée avait de quoi faire rêver, mais si la partition est connue, l’interprétation qui en est faite ressemble plus à du recyclage qu’à un hommage. Nul besoin de rappeler à quel point le groupe a hystérisé les oreilles mondiales, tant d’adjectifs collent à ce groupe : euphorique, précurseur, intense, énergique, tout simplement rock. En 2010, ce répertoire a changé de visage, il n’est plus le point de convergence de la jeunesse anglaise et des territoires extérieurs. Pis encore, il tourne au ridicule. Et lorsque le disque arrive à terme après quarante-neuf minutes de vulgaire parodie, on se dit que See My Friends est la Bande Originale officielle d’un papy du rock sur le retour.

Si le but n’était qu’un simple coup de pub, alors l’anglais a gagné son pari. Les fans de la première heure et les novices parlent de cet album libre et ambitieux qui se révèle, malgré ses nombreux défauts, parfois étonnant (Days This Time Tomorrow). Oscillant entre la nostalgie et l’obscène, See My Friends confirme le divorce entre le rockeur anglais et son glorieux passé. S’il existe, pourtant, une raison d’aimer l’Angleterre, l’oncle Ray en fait indéniablement partie. Lui, l’un des plus précieux songwriter anglais, qui a fait danser toute l’adolescence sixties de son pays sombre ici dans l’infect et le pompeux.
Car comment dire du bien d’un All Days And All Of The Night sans tonus, d’un Lola dénudé de son charme hippie ou encore d’un You Really Got Me interprété de façon inaudible en compagnie de Métallica. Et la liste des chansons qui auraient mérité de rester à l’état dans lequel elles avaient été créées pourrait encore continuer. Par souci de respect pour la carrière artistique de Ray Davies, l’énumération n’ira pas plus loin.

Le répertoire des Kinks est comme un souvenir qui perdure à travers l’âge et qui n’aurait pas du évoluer. Car l’évolution est-elle forcément un bien ? Pourquoi rendre si contemporain un son des années 60s ? Deux questions qui pourraient en engendrer tant d’autres, mais qui nous apportent une certitude : ce qui appartient au passé doit parfois rester au passé.