Chronique Album
Date de sortie : 05.09.2011
Label : Ghostly International
Rédigé par
Fantin, le 4 septembre 2011
Avec un premier album aussi bruyant que brillant, HTRK et sa musique industrielle venaient poursuivre (ou plutôt raviver) un combat vieux de plus de vingt ans ; railler la new wave - et en l’occurrence son revival des années 2000 - en prônant une musique bruitiste et expérimentale peu accessible, appelée satiriquement no wave. Dénigrer la new wave, oui, mais pas seulement. En se présentant comme le HaTe RocK trio dès le premier morceau de Nostalgia (premier album du groupe sorti en 2005 de façon indépendante puis sur le label Fire Records en 2007), HTRK ne vient pas uniquement critiquer le retour des influences pop-80's mais bien le rock des années 2000 tout entier. Le travail auquel s'est adonné Sonic Youth et avant eux toute la scène industrielle arrivée avec Public Image Limited pour aboutir à une musique moderne et alternative se devait d'être représenté en ces années où la récupération et la mode revival constituaient l'essentiel de l'industrie musicale.
Cependant, s'il l'avait jusqu'alors moquée, l'envie de mélodies s'est peu à peu fait sentir au sein du trio, et, dès 2009, le groupe sort, à quatre mois d'intervalle, un album et un deux-titres plus accessibles dans lesquels on peut, par moment, ressentir la présence d'influences post-punk (entre-autres le planant Suitcase ou le très profond Rentboy). Aujourd'hui, c'est ce parcours vers la musicalité que vient poursuivre HTRK.
Tristement marqué par le suicide de son bassiste Sean Steward en 2010, le trio devenu duo nous revient avec un troisième album mélancolique pour ne pas dire dépressif, une œuvre où la voix féminine de Jonnine Standish vient percer la brutalité du fond musical industriel devenu marque de fabrique du groupe. Une voix qui pour la première fois semble illuminer, à la façon d'Andrea Parker sur sa soft-techno ou de Beth Gibbons sur le trip-hop délavé de Portishead dans son récent troisième album, une instrumentation sombre et sordide.
Intitulé judicieusement Work (Work, Work), ce troisième effort ne se fait pas attendre et l'on comprend, le temps d'une introduction aussi psyché que planante (Ice Eyes Eis), qu'il s'agit du disque le plus travaillé d'HTRK. C'est avec une profondeur inattendue et une grande richesse musicale que le duo nous revient. Embellir sa musique bruitiste tout en en gardant les fondements, tel semble être le pari fou auquel il s'est tenu pour ce disque.
Entre le répétitif peu lassant de Slo Glo et le psychédélisme de Eat Yr Heart, le groupe au passé douloureux parvient à transmettre sa mélancolie puissante et dépressive le temps d'une écoute. Si les titres qui suivent peineront à accrocher à l'oreille dès la première écoute, il faudra attendre Synthetik et son post-punk intemporel pour replonger dans une atmosphère musicale riche et à jamais moderne. Une ligne de basse descendante, des percussions réverbérées, un tempo lent ; tant d'éléments musicaux empruntés à Joy Division et assemblés en toute subtilité pour un résultat des plus touchants. Cette influence cold-wave ne s'arrête pas là. Si le fantôme de Ian Curtis plane encore le temps de Poison, c'est plutôt la guitare de The Cure que l'on retrouve sur Love Triangle, petit bijou de sensibilité en tout point majestueux.
Clôturé sur Body Double, une ballade envoûtante et personnelle, Work (Work, Work) est, sans doute possible, le meilleur disque de HTRK à ce jour, le fruit d'un travail méticuleux sur les sonorités venant mettre à l'honneur des compositions pas toujours faciles d'accès. Plus aboutie que Marry Me Tonight qui avait, en 2009, posé les bases de l'évolution musicale du groupe, cette œuvre moderne et alternative pour jours de pluie parvient, malgré quelques longueurs, à nous garder attentifs jusqu'à son final. Si des titres peu utiles voire même ennuyeux comme Bendin' ou Skinny empêchent cet album de rejoindre les grands (disques) de ce monde, on se consolera en ré-écoutant sa fin magistrale.