Chronique Album
Date de sortie : 06.02.2012
Label : Mute
Rédigé par
Jeremy Leclerc, le 13 février 2012
L’hiver, le blanc uniforme sous le ciel gris, les engelures, les mains brûlées par le froid plus hostile et sauvage qu’une meute de loups affamée, et le nez qui coule comme un robinet mal fermé. L’hiver et l’ennui qui imprime son rythme monotone. Alors que j’hibernais tranquillement comme tout mammifère digne de ce nom, quelque peu inquiet de savoir que mon siège allait bientôt prendre fin à cause d’un frigo vide, je me suis décidé à écouter l’album de cette blondinette de vingt-et-un ans qui, après quelques recherches, semble suffisamment délurée pour être intéressante, sa relation avec Anthony Kiedis confirmant cela.
Beth Jeans Houghton traîne sa guitare folk et son style pop derrière une allure de mannequin à la Agyness Deyn (en moins bien) avec son premier album, intitulé Yours Truly, Cellophane Nose, sur lequel elle a travaillé pendant deux ans. On note aussi à son actif quelques prestigieuses collaborations à son actif avec Joanna Newsom, Bon Iver ou Devendra Banhart (elle aura le culot de monter sur scène en 2007 après que l’artiste ait demandé au public si quelqu’un voulait jouer un morceau), ce qui donne déjà une petite idée de l’univers de la demoiselle qui dit être « née en Transylvanie, élevée par une meute de loups-garous albinos ».
A défaut de loups-garous, on entend les sirènes et leurs voix cristallines sur le rythme militaire imprimé par la batterie de Sweet Tooth Bird, tandis que résonnent, solennels, trompette et violon pour nous accueillir dans un monde féerique que l’on croirait dessiné par les studios Disney. De là à penser que nous voilà au pays des merveilles en compagnie d’Alice, il n’y a qu’un pas. La grisaille s’efface peu à peu, comme chassée par le souffle cotonneux de Beth Jeans et les délicates mélodies folk, pour laisser la couleur habiller un paysage protéiforme qui manquait jusqu’alors d’éclat. Le mercure remonte au-dessus de 0°C, la neige fond à mesure que les minutes s’égrainent, je sens que ma période d’hibernation touche presque à sa fin.
Le soleil humide libère le parfum des pissenlits et la musique nous donne alors un avant-goût du printemps. Paradoxal au moment d’évoquer The Barely Skinny Bone Tree, redoutable ballade folk évoquant les étendues gelées d’un grand Nord imaginé par Tim Burton. Le point commun de tous ces paysages est peut-être l’apaisement qu’ils procurent, une sorte de sentiment de calme, de plénitude et d’harmonie avec mère nature. Le morceau se présente dans son plus simple appareil, quelques arpèges de guitare, un violon qui marque le rythme et des nappes vocales éthérées qui donnent un sentiment de fraîcheur. Une ambiance intimiste, cosy, comme dans un pub en fin d’après-midi, qui se ressent tout au long des onze chansons, malgré le foisonnement d’instruments à l'image de Liliputt ou Veins. Deux titres lancés au galop vers les dix dernières minutes de l’album durant lesquelles on constate à regret que la recette utilisée reste la même. Certes on est loin de s’étouffer car la production permet à l’ensemble de respirer et que les morceaux ne sont pas du genre à traîner en longueur, mais tout cela manque d’efficacité et de variété, tant et si bien que persiste l’impression finale d’avoir plusieurs fois écouté les mêmes chansons.
Premier album, Yours Truly, Cellophane Nose, est un petit plaisir simple comme un Werther's Original, chaleureux et rassurant. Beth Jeans Houghton laisse apparaître un vrai talent musical et une créativité surprenante, nageant à contre-courant de la mode actuelle. Avec qui plus est Anthony Kiedis à son bras, nul doute que cette blonde native de Newcastle saura trouver le chemin du succès.