Nedry

Voici un étrange phénomène : un groupe basé à Londres serait sujet à explorer les frontières musicales. Prenons l’exemple de Nedry, référence évidente s’il en est. Fine équipe anglaise aux mille influences, Nedry, au même titre que des centaines d’autres formations, aurait pu se contenter d’un tel ADN musical. Sauf que les saynètes oniriques qu’ils composent n’auraient de sens sans les mots de la japonaise Ayu Okakita. D’un chant mystique, celle qui fréquente davantage les Fish and Chips que les Sushiya désormais dessine mille voies possibles, comme si cette dernière voulait déstabiliser l’auditeur pour mieux le contenter.

Avant de les considérer pour de bon, et un peu méchamment avouons-le, comme un groupe dont les meilleurs morceaux sonneraient comme les b-sides de Björk, il faut que les auditeurs intègrent l’adéquation qu’il y a dans le chant commun de la fatigue et de l’émotion. Avec In A Dim Light, il s’agit en effet d’une œuvre faite de fragments de soi, composée par une succession de déflagrations synthétiques et électroniques. Fascinant de singularité, ce désespoir voluptueux, survolé par un nuage de fumée à la fois toxique et épais, suggère à l’album un paysage où les perceptions se dérèglent et forment d’hypnotiques boucles (Home, Float). Ni passé, ni avenir, c’est une salle d’attente.

Ce serait une chambre à coucher, large de deux mètres environ, longue de cinq. Au centre, dans une sorte de blancheur innocente, un petit lit fade bercé par de vieilles roses fanées. Sur la droite une faible lumière d’hiver, émergeant d’une fenêtre à moitié ouverte, éclairerait la médiathèque aux fortes tonalités électroniques et placée sur la gauche, proche d’un long miroir. Au pied du lit, une petite table désordonnée avec soin par les médicaments posés sur celle-ci justifierait l’angoissante atmosphère et sa vénéneuse substance. Tout serait obscur, triste et terne : un univers aux tons presque fantomatiques. Dans un album qui dépasse les frontières de la musique, voilà comment Nedry définirait un endroit dans lequel chacun s’est déjà écroulé : la solitude !

D’écriture de soi, de dégout et de dépit, il en est évidemment question. Ici, on se noie énormément, au rythme des regrets brinquebalants et des latitudes, dans des nuits où les larmes se mélangent à l’alcool. In A Dim Light, est un album qui ne lâche pas l’écoute tant les membres de Nedry, en véritable prodiges, font entrer l’auditeur dans leur folie.