Dam Mantle

Dans la galaxie des bidouilleurs électroniques (sur)doués et un peu schizophréniques, Dam Mantle fait figure de grand espoir. Après plusieurs EPs et remixes remarqués et bigarrés allant du downtempo de chambre à la juke/RnB aliénée en passant par une house moite, le producteur de Glasgow s'essaye au long format, un exercice toujours difficile pour les siphonnés du sampler et du synthé tant l'équilibre entre danse et maison est instable et difficile à trouver.

Bien que Tom Marshallsay convoque occasionnellement ici les dieux canailles d'une danse ouatée, introspective et sensuelle, notamment sur l'excellente house filtrée, entêtante et chaloupée de Lifting ou le groove blanc neurasthénique de Blueberry, Brothers Fowl est plutôt un disque que l'on écoute affalé dans son canapé, la pupille dilatée, dans la brume d'une soirée enfumée et rêveuse, un kaléidoscope (Canterbury Pt1 & Pt2) vissé sur l'oeil.

Comme nombre de ses pairs, notamment J Dilla, Amon Tobin ou Murcof (RGB), Dam Mantle puise largement dans le puits sans fond de la collection de disques vinyles qui grattent de papa, jazz (Ish), musique classique, rock progressif ou scène de Canterbury (si vous ne saviez d'où venaient les noms des deux premiers morceaux) en tête. Le problème de Brothers Fowl est sûrement bien là, il est étonnant de voir un jeune producteur montrer autant de déférences à ses ancêtres, car cet album, ultra-référencé, frise l'hommage à cette musique électronique du tournant du millénaire qui a fait les beaux jours de labels comme Ninja Tune.

Il serait injuste de remettre en cause la sincérité de Dam Mantle en lui reprochant son trop grand respect tant il y a ici quelques chose qui ressemble à une forme de nostalgie. Bien que le producteur le fasse avec élégance et un talent évident, l'insolence, surtout en musique électronique, genre mutant par excellence, et encore plus venant de quelqu'un dont on a connu certaines exubérances (voir le très moderne WE EP), est aussi nécessaire. Sacrifié sur l'autel de l'homogénéité, Brothers Fowl en manque cruellement.