Retour à la Maroquinerie de Paris le lendemain du show de bar italia, avec cette fois-ci plus de pluie à l'extérieur de la salle et, avouons-le, moins de cheveux à l'intérieur. Mais bon, rien n'empêche les jeunes rédacteurs de couvrir les groupes nineties sur le retour, d'ailleurs il n'y a pas que des fans de l'époque, le concert étant à guichets fermés.
Alors, c'est quoi « Boo », à part un surnom dans Monstres et Cie ? Un groupe qui a, selon les interviews du leader historique Martin Carr, envisagé de tenir tête aux Beatles en mêlant noisy et pop à trompettes inspirée de
Forever Changes de Love, avant de prendre un virage en angle droit (voire demi-tour) pour attraper le train britpop avec plus ou moins de réussite, avant d'imploser et de revenir il y a quelques années sans Martin Carr. De cette reformation sont sortis deux bons albums, pourtant absents de la setlist, cette soirée étant consacrée aux disques de la première période.
La première partie est assurée par
Galapagos Rex, c'est-à-dire le guitariste remplaçant Martin Carr au sein des Boo Radleys dans leur nouvelle mouture. Seul à la guitare sèche, ses chansons pleines de nostalgie sont exécutées de main de maître, les plans de guitare compliqués s'enchaînant les uns après les autres avec une maîtrise remarquable que l'on retrouvera dans la seconde partie du concert. Malgré cela, l'absence d'une instrumentation plus étoffée empêche peut-être les chansons de déployer tout leur potentiel. Pour autant, la demi-heure de set passera vite et comme une lettre à la poste, ponctuée de blagues sur ses compétences en français (comme un pourcentage non négligeable de musiciens anglais de passage à Paris mais cette fois-ci elles étaient de bonne facture).

21h : les « boooooo » (d'enthousiasme) montent du public alors que
The Boo Radleys prennent place sur scène avec un sourire jusqu'aux oreilles. Si un seul des trois membres originaux a encore des poils sur le caillou, l'intégralité du groupe est en grande forme pour son premier concert en France depuis trente (!) ans. Les morceaux sont entrecoupés d'interventions de Sice (chanteur-guitariste) qui lira des notes en français avec des lunettes de libraire (ndlr : il a été libraire après la séparation du groupe, ceci explique peut-être cela). Effort appréciable et relativement réussi, qui permet en outre de mettre en place un running gag tout au long du concert.
Le début du set fait la part belle à
Giant Steps, le grand classique du groupe, qui brille toujours par sa diversité. Les guitares vrombissent, la trompette fait une différence énorme sur des morceaux tels que
Barney And Me (qui laisse entrevoir l'ambition de la pop ultime qui animait le groupe), le sens de la mélodie et des passages imparables sont bien présents, tandis que le batteur Rob Cieka tient discrètement les chansons tel un pilier faisant un travail impeccable. Tout cela est entrecoupé par
C'mon Kids, morceau éponyme de l'album qui a marqué le virage britpop du groupe, et qui confirme malgré un refrain facile que le tournant bourrin n'est probablement pas ce qui est arrivé de meilleur au groupe.
Néanmoins, c'est bien la période
Giant Steps qui provoque le plus de hourras, ainsi que le tube
Wake Up Boo!, toujours irrésistible. La joie pétillante qui est particulièrement audible ici irrigue tous les morceaux du groupe, même les plus mélancoliques comme
Reaching Out From Here. Artefact probable des influences sixties du groupe, mais qui mêlé à du shoegaze fait le son unique des Boo Radleys, qui n'a, bizarrement, jamais été vraiment copié.

En revanche, la seconde moitié du set fera ressortir par moments une certaine répétitivité des structures des chansons. Pas forcément étonnant vu à quel point le groupe était prolifique (des albums de plus de cinquante minutes, et beaucoup de singles), ce qui rend difficile de tenir son plus haut niveau tout du long. Les meilleurs moments viennent de
From The Bench At Belvedere, single entre deux albums qui laisse transparaître une beauté plus modeste (là où les albums ne se départissent presque jamais d'une forme de flamboyance), ainsi que de
Lazy Day et
The Finest Kiss, seuls (et merveilleux) extraits de, respectivement,
Everything's Alright Forever et
Learning To Walk, premiers albums pleinement shoegaze et qui ne sont (injustement ?) pas les plus retenus de leur carrière. A l'autre opposé, le morceau-titre de
Kingsize est également joué. Le dernier album de la première période n'ayant pas fait l'objet d'une tournée, c'est empreint de la mélancolie de la séparation du groupe que cette chanson se déploie, ce qui n'est pas le cas des autres extraits de
C'mon Kids, pas forcément inoubliables.
Lisant une dernière fois ses notes en français, Sice annonce qu'il n'y aura pas de rappel (la longueur de la setlist n'en pâtit pas spécialement) avant d'embrayer sur le classique absolu
Lazarus. Imbattable, fourmillant de bonnes idées, touchante, impeccable, la chanson a gardé toute sa puissance, le « I must be losing my mind » décrivant toujours parfaitement l'ambition dantesque des Boo Radleys à l'époque. Et aujourd'hui alors ? A défaut d'avoir écrit la grande histoire du rock, l'énergie toujours présente et la ferveur du public ont montré que leurs petites histoires ont profondément marqué des esprits. C'est déjà beaucoup.