My Bloody Valentine

On l’attendait depuis belle lurette ce troisième album de My Bloody Valentine ! Vingt-deux ans (oui, oui !) après Loveless, dernier disque mythique paru en 1991, le célèbre groupe de Kevin Shields revient de la même manière qu’il s’est éclipsé pendant deux décennies : avec surprise.

Pourquoi maintenant ? Pourquoi avoir attendu tant d’années pour publier ce m b v ? Si le retour particulièrement tardif du groupe pourrait s’accoler de multiples raisons (panne d’inspiration, exigence musicale poussée au paroxysme, éternelle insatisfaction des membres, raisons financières ?), ce dernier n’en demeure pas moins une grande nouvelle de l’histoire du rock du 21ème siècle. Et c'est certainement cela que l'on retiendra d'abord...

Passé ce constat, force est de reconnaître que les Irlandais n’ont pas perdu une once de leur personnalité sonore au sein de leurs neufs nouveaux titres : on retrouve les ambiances délicieusement enveloppées de leurs mélodies, leurs distorsions psychédéliques et planantes, leurs atmosphères célestes et électriques se mouvant dans un décor onirique et, bien sûr, leur chant unique, si lointain et délicat, comme emporté dans un dédale de soie et de brume.
Un peu déroutant à la première écoute, le disque est au final une vitrine plutôt bien représentative du shoegazing et de la pop noisy auxquels My Bloody nous avaient habitués : des guitares saturées qui flagellent et se distordent autour d’un squelette liquide (Only Tomorrow, If I Am), des voix venues de l’espace qui ensorcellent les sens (Who Sees You), ou des batteries effrontées qui donnent aux thèmes contemplatifs et épais des Irlandais une énergie bienvenue (l’efficace In Another Way ou la folie furieuse et robotique de Nothing Is).

Ailleurs, les claviers viennent aussi apporter une touche plus moderne au quatuor : comme sur Is This And Yes, étrange bande-son rétro-futuriste supportée par des toms basses légèrement angoissants, ou sur la pop-song FM New You.
Trémolos, delays, flangers, distorsions et autres effets se croisent et s’entrechoquent en permanence, le temps d’une traversée épique et complexe (en témoigne le rock touffu et abscond de Wonder 2), faite de paysages aux reliefs multiples, mais où la beauté et l’émotion - aussi difficiles à saisir soient-elles - font toujours partie du décor (She Found Now).

Au final, même s'il faut bien reconnaître que la qualité de leur nouveau disque est loin d’être aussi importante que ne l’aura été leur comeback et qu'aucune véritable perle ne sort du lot, My Bloody Valentine restent inventifs et intransigeants dans leur manière de composer. Et, en ces temps où l’originalité artistique est loin d’asperger le rock actuel, c'est plutôt rassurant. On n’ira donc pas leur cracher dessus, mais plutôt les embrasser.